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3 hommes politiques entrent au Conseil constitutionnel au moment où il devient une juridiction suprême... curieux... et l'un d'eux (J. BARROT) stigmatise les juristes...



3 hommes politiques entrent au Conseil constitutionnel au moment où il devient une juridiction suprême... curieux... et l'un d'eux (J. BARROT) stigmatise les juristes...
... et le journal Le Monde prête cette phrase à M. J . BARROT : "Nous sommes trois législateurs qui connaissons la musique du Parlement. Le Conseil doit protéger les droits fondamentaux mais aussi réguler la vie politique. Les juristes considèrent un peu que le droit est une fin en soi, tandis que les législateurs sont mieux à même de le ramener à sa dimension de moyen".

Que le Conseil doive "réguler la vie politique" (voyez sur ce site une réflexion sur la "régulation" via la barre de recherche) laisser perplexe et on attendra un considérant du Conseil, rendu dans une décision importante, pour dire que là est sa mission constitutionnelle. Pour ce qui est de ce que considèrent "les juristes", on doutera que l'excellent J. BARROT sache exactement de quoi il parle. Sa phrase montre au moins qu'il prend les juristes - à tort - pour des imbéciles, et il convient donc de le renvoyer à des ouvrages d'introduction au droit qui comportent les principes et méthodes d'interprétation de la loi qui démentent que le juriste assigne au Droit la pour seule fin qu'est le Droit !

Au moment où il va falloir que le Conseil examine des situations juridiques précises avec l'exception d'inconstitutionnalité (oh pardon, "la question prioritaire...", ci-contre déjà traitée comme Google l'apprend, et sur laquelle on reviendra), ces propos surprennent : promettent-ils des "considérants" inconsidérés et légers comme le verbiage de la "langue politique" !? Les citoyens, organisations et entreprises ont besoin de davantage de sécurité juridique dont le bla-bla politique est l'exact inverse.

Devant la Faculté de droit de Montpellier, M. G. CANIVET, au cours de la rentrée solennelle, notait que l'évolution du Conseil, qui va devoir examiner des affaires juridiques concrètes, imposait de nouvelles méthode de travail, de nouvelles réflexions... Il avait alors pris le soin de ne pas dire que cela obligeait à un nouveaux juges, l'homme sait ménager ses futurs collègues. Cela ne m'avais pas empêché, avec un vieux complice historien (je ne parle pas de G. FRECHE), de déclencher une standing ovation pour son discours très... juridique.

Si l'on dépasse donc l'analyse purement formelle (que J. BARROT confond avec la bonne analyse juridique), on dira après cette phrase, et après ces innovations, que la réforme du conseil constitutionnel risque de se comparer à la montagne qui accouche d'une souris. Dominé par des politiciens qui sont de véritables "princes de la République", aussi sûr d'eux et de leur jugement que gâtés au frais de la princesse, il y a peu de chances pour qu'aucun ne puisse se mettre à la place du modeste plaideur qui est gêné par un droit subjectif qu'une loi ne lui reconnaît pas. Il ne suffit pas d'avoir signé 20 lettres par semaine au profit de tel ou tel électeur (avec copie audit électeur, pour montrer tout le travail de l'élu...) pour savoir ce qu'est la vie d'un concitoyen, pas plus qu'élections et réélections ne l'enseignent.

Faire du "vrai droit" dans cet état d'esprit et avec cette culture politicienne ne peut rien donner de bon, et une armée de juristes faisant le travail en arrière cuisine n'y changera rien. Le droit, c'est de l'artisanat d'art, si vous déléguez, le résultat n'est jamais celui du maître. En l'espèce, heureusement que les médias ont délivré à tous les nominés le titre d'excellents juristes. Et nous laisserons les jeunes et brillants docteurs en droit (sur le titre de "docteur" et le mépris qu'il inspire voyez sur ce site) comparer leur oeuvre, leur thèse publiée, avec celle de leurs aînés ou à tous le moins avec leurs travaux juridiques... Nous voilà rassurés par ce jugement médiatique, puisque manifestement nous ne pouvons guère l'être pas les lignes juridiques publiées par les uns et les autres : mais il est vrai, seuls les professeurs ont l'obligation de publier...

La réforme du Conseil constitutionnel... c'est vraiment mal parti, alors qu'elle entre en vigueur demain 1er mars.


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