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Deux mots sur le rachat d'assurance-vie. Le rachat d'une assurance-vie est un droit personnel. La procuration bancaire concernant un compte est inopérante. Leçon de droit d'un administrateur de tutelle (UDAF) à un banquier (Cass. civ. 2e 5 juin 2008)



Deux mots sur le rachat d'assurance-vie. Le rachat d'une assurance-vie est un droit personnel. La procuration bancaire concernant un compte est inopérante. Leçon de droit d'un administrateur de tutelle (UDAF) à un banquier (Cass. civ. 2e 5 juin 2008)
L'assurance-vie est un "placement financier", ce qui ne veut rien dire juridiquement puisqu'elle est une assurance. C'est la deuxième chambre civile qui le rappelle sur fond de droit et responsabilité bancaires. L'assurance est donc encore et toujours soumise au régime général du contrat... et à celui, complexe, d'assurance. Par un temps à ne pas mettre dehors un conseiller en gestion de patrimoine (appellation qui veut peu dire sur le plan juridique), cette nouvelle juridique, vieille de toujours, pourrait simultanément agacer et décourager.

Tout ce droit subtil qui embrouille, on n'en voudrait pas ! Sauf que le succès de l'assurance-vie tient à un régime fiscal qui s'est bâti sur une originalité juridique : la stipulation pour autrui qui caractérise ce type de contrat d'assurance. Sans elle, l'assurance-vie n'aurait été que ce que le législateur avait imaginé qu'elle soit...

L'assurance, qui dispose souvent d'un régime juridique subtil, le démontre en la matière La preuve en est la précision du régime de ce que l'on appelle la faculté de rachat du contrat. Naturellement, dans la pureté du verbe juridique, "racheter" un contrat ne signifie pas que l'on se place sous le régime de la vente. Il s'agit simplement (si on peut dire) de refaire le contrat à l'initiative du souscripteur. Cette initiative n'est pas dans l'ombre d'un droit arbitraire du souscripteur qui pourrait "racheter" quand il le veut comme il le veut, ce que parfois le public croit naïvement. Dans ce contexte, qui n'est pas ici précisé, un trait du rachat vient d'être signalé par le juge du droit.

La gravité de cet acte a conduit à souligner que ce droit de rachat est un droit personnel et, éprouve-t-on le besoin de dire pour s'expliquer, d'un droit exclusivement personnel. Un mandat spécial visant expressément l'exercice de cette faculté est nécessaire (Cass. 5 juin 2008). Au visa de l'article L. 132-21 du Code des assurances dans sa rédaction applicable en la cause, la Cour de cassation énonce que "la faculté de rachat d'un contrat d'assurance vie est un droit personnel du souscripteur qui ne peut être exercé par son mandataire qu'en vertu d'un mandat spécial prévoyant expressément cette faculté".

Le mandat spécial est celui qui indique l'opération précise à faire (ici le rachat, pour tel contrat de telle entreprise d'assurance) et il y aura toute sécurité à indiquer le montant du rachat et une éventuelle date limite pour le faire, car les conditions financières peuvent rapidemment changer. Ainsi, à la différence d'un mandat donné sur un compte de titres (d'instruments financiers), le mandat donné de "soccuper du contrat d'assurance" ne suffira pas. Il faudra, simplement mais nettement, porter les mentions susvisées. L'art des juristes est d'être clair... et simple ! Fuyez les juristes que vous ne comprenez pas, ce sont des embrouilleurs, non des juristes !

En l'espèce, c'est manifestement au guichet de la banque que s'est noué le litige. Le préposé comme le cadre de service purent tout confondre à volonté... la formation juridique n'est pas le fort des banquiers. Un placement étant un placement, une somme d'argent étant une somme d'argent, le rachat de l'assurance se fit par la remise à la fille du souscripteur du montant du rachat. Mal en a pris au banquier : la procuration dont était titulaire la fille était celle type qui, faites pour les opérations "courantes" d'un compte de dépôts, n'avait rien à voir avec l'assurance-vie.

La mère qui était en tutelle a vu son administratrice légale assigner le banquier en responsabilité. Celui-ci n'a pas à se départir des sommes qu'on lui dépose, c'est même et presque sa seule obligation... Le banquier sera condamné... pour sa confusion entre le droit bancaire et le droit des assurances... La décision est à la cassation et on ne s'en étonne pas : les juges du fond donneraient le Bon Dieu en confession aux banquiers, à preuve la motivation proche de la viduité de la Cour de Bordeaux qui avait relevé qu'il était constant que la fille avait encaissé les sommes... ce n'était pas une motivation puisque c'était le problème ! Le retrait de fonds, point qui a décidé la Cour d'appel, n'est qu'un accessit, une suite, du rachat, lequel est l'opération contractuelle qui rend l'assureur débiteur du montant du rachat, un règlement doit suivre. Confondre le rachat avec un retrait d'espèces c'est purement et simplement effacer le contrat (violation de 1134) d'assurance... y voir un simple "placement financier"... ce que finalement certains juges professionnels finissent par croire !



Texte de l'arrêt emprunté à la BASE PUBLIQUE LEGIFRANCE :

Cour de cassation chambre civile 2
Audience publique du jeudi 5 juin 2008
N° de pourvoi: 07-14077 - Publié au bulletin Cassation

M. Gillet , président
Mme Aldigé, conseiller rapporteur
Mme de Beaupuis, avocat général
SCP Defrenois et Levis, SCP Vuitton, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Donne acte aux consorts X... de ce qu'ils se désistent de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'UDAF de la Dordogne ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 132-21 du code des assurances dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que la faculté de rachat d'un contrat d'assurance vie est un droit personnel du souscripteur qui ne peut être exercé par son mandataire qu'en vertu d'un mandat spécial prévoyant expressément cette faculté ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Germaine X... a souscrit par l'intermédiaire du Crédit mutuel du Sud-Ouest (la banque) un contrat d'assurance vie auprès de la société Suravenir ; que Mme Y..., titulaire d'une procuration sur les comptes de sa mère, a effectué deux retraits en octobre 1998 et mars 1999 sur ce contrat ; que Mme Z..., agissant en qualité d'administratrice légale de Germaine X..., a assigné la banque en remboursement des sommes retirées ; que l'UDAF de la Dordogne est intervenue volontairement à l'instance en sa qualité de tuteur de Germaine X... ; que la société Suravenir et les époux Y... ont été appelés dans la cause ; qu'à la suite du décès de Germaine X..., M. X..., Mme Z... et Mme X... (les consorts X...) ont repris l'instance en leur qualité d'héritiers ;

Attendu que pour débouter les consorts X... de leur demande en paiement dirigée contre la banque l'arrêt énonce qu'il est constant que les fonds objet du rachat partiel du contrat d'assurance Prévi-retraite II souscrit de son vivant par Germaine X... ont été remis par la banque à sa fille Mme Y... en vertu d'une procuration donnant à la mandataire les plus larges pouvoirs en ce qui concerne le fonctionnement du ou des "comptes chèques et dépôts ouverts ou à ouvrir" au nom du mandant, et notamment celui de "faire tous dépôts ou retraits de fonds ou de titres, en donner ou retirer quittance et décharge" ; que la procuration consentie à Mme Y... lui donnait ainsi le pouvoir de procéder au rachat litigieux qui s'analyse en une opération de retrait de fonds sur les dépôts effectués par le mandant, dépôts dont la banque avait conservé la gestion ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne ressortait pas de ses constatations que Mme Y... justifiait d'un mandat spécial visant expressément l'exercice par le mandataire de la faculté de rachat du contrat d'assurance vie en cause, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne la caisse régionale de crédit mutuel du Sud-Ouest aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse régionale de crédit mutuel du Sud-Ouest, la condamne à payer aux consorts X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille huit.

Publication :
Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux du 22 janvier 2007

Titrages et résumés : ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance-vie - Contrat non dénoué - Droit personnel du souscripteur - Rachat du contrat ou désignation du bénéficiaire - Rachat du contrat - Faculté - Faculté exercée par le mandataire de l'assuré - Condition
En application de l'article L. 132-21 du code des assurances, dans sa rédaction alors applicable, la faculté de rachat d'un contrat d'assurance-vie est un droit personnel du souscripteur qui ne peut être exercé par son mandataire qu'en vertu d'un mandat spécial, prévoyant expressément cette faculté

ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance-vie - Contrat non dénoué - Droit personnel du souscripteur - Nature - Portée

Texte de l'arrêt emprunté à la BASE PUBLIQUE LEGIFRANCE :

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