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Frédéric Lordon, ou le service bancaire totalement public : une illusion (Première vidéo sur Direct droit...)



Frédéric Lordon est un économiste que, sur le plan politique, on placera "très à gauche" mais c'est surtout un économiste distingué qui publie régulièrement (il est directeur de recherche au CNRS). Il intervient ici (voir la vidéo jointe) dans une explication assez longue où il finit par estimer que l'activité bancaire (dépôt/prêt) finira ou devrait finir par être totalement publique.

Cette position est intéressante dans la mesure où, depuis 5 ans de crises financières (le pluriel s'impose), la thèse, ancienne, de la nationalisation totale du système financier n'est pas prônée. Cela est étonnant et montre l'atonie de la réaction sociale : la finance peut mettre en faillite la planète entière sans que personne ne s'indigne, que dis-je, ne se révolte.

Sa conclusion est la finale d'explications assez raisonnables. Comme parfois avec les économistes, aucune réalité juridique n'est prise en compte et, de ce fait, une part de la réalité sociale fait défaut. Les règles juridiques sont considérées comme un accessoire alors que, généralement, elles expriment (eh oui) la volonté générale. Il est illusoire de croire qu'une majorité de Français ou d'Européens acceptent de nationaliser tout le système financier. Et d'une. Il est en outre illusoire de prétendre que cela se pourrait, par exemple en France, parce que le statut bancaire est attaché aux libertés fondamentales des traités européens (TUE et TFUE). Et cette réforme de secteur impliquerait en réalité une réforme de tous les secteurs et de nos moindres libertés.

Bien que travaillant depuis quelque temps à la définition de la finance, et pensant que son autonomie est devenue une réalité en droit (dans notre Code monétaire et financier), je doute que l'on puisse, dans une définition légale, bien l'isoler pour la nationaliser. Sans que je puisse ici m'expliquer sur ce point, je dirai en un mot que la finance est souvent de la liberté contractuelle et il est bien difficile d'isoler ces activités pour les attribuer à quelques banques publiques (parfaites ?!).

Outre ce doute, il me semble que meilleure solution il y a. Je l'ai suggérée dans l'ouvrage publié après un colloque à l'OCDE (La réforme du système monétaire et financier international, éd. Pédone, 2011), texte que j'ai mis en ligne :
lisez ici ce "pdf" extrait de l'ouvragesur "Réguler la finance"

Pour faire simple, il me semble plus réalisable de recréer un pôle public de financement, de remettre sur les rails de la coopération les banques qui ont ce statut coopératif afin que ces deux secteurs fassent concurrence au secteur privé. Avoir un système financier qui s'abreuve à trois sources me semble plus convaincant que de plaider pour du tout public... que de toute façon l'opinion publique ne laissera pas passer. Pour que cela soit le cas, il faudrait une doctrine politique et juridique forte et brillante qui, devenue une revendication politique de premier plan, soit portée par plusieurs partis politiques en Europe.

Aucune de ces conditions n'est remplie... Une idée n'est pas une loi, encore moins une idée qui se ramène à une "position", plus qu'à une innovation.


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Voyez également :
Quelques réflexions Pour un droit financier

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