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La composition libre : "Veuillez disserter sur le sujet de votre choix" "(et ayant trait à la matière)"



La composition libre : "Veuillez disserter sur le sujet de votre choix" "(et ayant trait à la matière)"
La composition libre est une faveur à l'étudiant. Il choisit lui-même le sujet. Les étudiants y trouveront un moyen original de travailler à la maison : il s'agit de se mettre à la place du professeur et de se dire ; que peut-il me poser comme question ? Il s'agit aussi de rester à sa place et de se demander quel sujet est-on capable de traiter.

On doit apprécier la faveur de ce sujet original (I), voir comment déterminer un tel sujet (II) et constater que le travail de détermination s'approche ou révèle la correction (III).


I. La faveur qui semble ainsi faite reste à vérifier car le rédacteur doit surmonter des difficultés.La composition libre se présentera par exemple ainsi :

"Disseration"

"Veuillez disserter sur le sujet de votre choix dans la matière du Droit des contrats spéciaux"

"Dissertation"

"Veuillez retenir un sujet de dissertation en Droit spécial des sociétés et ensuite en rédiger le devoir", etc.

En fait de faveur, ce sujet ne le sera nettement que pour les étudiants assez impliqués. Ceux qui connaissent "à fond" deux ou trois thèmes pourront en convertir un en une belle dissertation. Pour cette fois, la plate récitation sera écartée au profit d'un peu de passion ou du moins d'intérêt ! En effet, ce type d'épreuve présente en première difficulté le choix du sujet qui permettra, à lui seul, de mesurer la maturité de l'étudiant sur la matière en cause.

Ce type de sujet libre, qui convient à la dissertation, est peu concevable pour un cas pratique (ou consultation) tant le temps de rédaction du sujet est long. Il ne l'est pas non plus pour un commentaire de texte, sauf à proposer aux étudiants divers textes mais on n'est plus alors dans le sujet "libre" : l'exercice est encore guidé par l'interrogateur (le professeur). Encore que l'on puisse proposer le commentaire d'un article de loi de tel code sur un sujet qui a été traité en cours.

En revanche, ce type de sujet convient pour l'exercice de dissertation. Il a aussi un avantage pédagogique pour le professeur qui gagne à connaître ce qui séduit les étudiants (parties de cours, technique, angle d'analyse) et qui découvrira également que sur un sujet qu'il croyait connaître quelques étudiants n'ont rien compris, ou pas grand chose...


II. La composition libre peut notamment convenir à la dissertation. Le choix et la formulation du sujet, imagine-t-on, ne prennent guère plus que quelques minutes... Eh bien justement il faut prendre garde à ne pas aller trop vite. Il faut réaliser que le choix du sujet est un peu l'exercice du professeur, il ne pourra donc qu'être très sensible au choix d'un bon sujet, un sujet qu'il aurait lui-même pu poser !

La question se pose donc de savoir comment s'y prendre.

Pour faire bien, je dirai qu'il faut "checker" son sujet. Le premier conseil doit donc porter sur ces minutes cruciales au cours desquelles le candidat choisit son sujet de dissertation. Il s'agit de choisir un thème, ce qui en principe ne pose pas de problème car on se tourne vers un chapitre que l'on connait et, surtout, de calibrer le sujet. On peut penser qu'il y a, pour détailler, deux calibrages possibles : un assez matériel, l'autre plus intellectuel (mais on parle un peu de la même chose).

Les deux aspects posent la question de la "taille" du sujet. On peut donner trois conseils :

D'abord, la notion choisie peut être plus ou moins large, et il convient d'en avoir conscience ; voyez ici l'exemple des "dirigeants sociaux".

Ensuite, matériellement, on peut réduire le sujet avec une idée restrictive ; voyez cette déclinaison :

"Les dirigeants sociaux dans les sociétés spéciales" est très/trop large, on peut le réduire à :
"Les dirigeants sociaux dans les sociétés de capitaux" qui est encore large, et qui pourra être réduit à :
"Les dirigeants sociaux de la SA à conseil d'administration".

Le fait de se livrer à cet exercice permet de calibrer le sujet par rapport au contenu d'un enseignement, d'un cours (pour simplifier : société spéciales c'est tout un cours ; sociétés de capitaux c'est la moitié de ce même cours, la "SA avec CA" c'est moins d'un chapitre de cours).

On remarque alors que de s'entraîner à ce type de sujet, "à la maison", permet d'avoir une réflexion sur un cours / enseignement, ce qui est trop rare chez les étudiants qui ne sortent pas le nez du guidon.

Je prends deux autres exemples de restrictions.

Les contrats spéciaux dans le code monétaire et financier (CMF), est plus large que :
Les contrats de crédit du CMF, qui est plus large que...
Les contrats de crédit du CMF et le taux effectif global (TEG)

Les instruments de paiement du Code monétaire et financier est plus large que :
Les instruments de paiement des établissements de paiement, qui est plus large que :
La carte de crédit ou, encore, Le chèque en droit bancaire.



III. On revient sur la réduction du sujet pour montrer que parfois le travail sur le sujet donne la correction, ou du moins le plan. On notera en préliminaire que plus l'on "part" sur un sujet large, plus il lui faudra savoir déterminer les points communs de dissertation ou les voies de réduction qui vont remettre le sujet à la portée d'une copie de généralement 3 heures, ce qui donc posera des difficultés et prendra du temps.

On notera surtout que la réduction ne passe pas toujours par la voie du plan du cours, mais par des idées tirées (si l'on peut dire) de l'intérieur du cours et qui ne constituent pas toujours une subdivision.

"Les dirigeants de la SA à conseil d'administration" peut sembler un sujet encore large, et l'on peut le réduire, par exemple, par l'idée de "fonctions", ce qui donnera le sujet suivant, du reste un peu plus original :

"Les fonctions des dirigeants sociaux dans la SA à conseil d'administration". Et les lecteurs déjà avisés verront se profiler un plan presque tout fait :

La prise de fonction des dirigeants
L'exercice des fonctions...
La fin des fonctions...

Ce n'est pas exactement un hasard, le bon sujet peut être celui qui suscite sans trop d'hésitation un plan ; le bon sujet c'est aussi celui qui est "infaisable" et qui est destiné à révéler les talents qui vont arriver à sortir un plan cohérent... vous l'avez compris, en théorie, presque (...) tout sujet est un bon sujet.

"Le paiement du chèque" est plus large que "La présentation du chèque au paiement" qui est plus large que "L'incident de paiement du chèque". L'étudiant doit donc calculer un peu intuitivement :

- à quel niveau il entend placer le débat (ce qui lui semble intéressant de faire (soit une analyse en forme de panorama, soit une analyse qui descend dans les divers mécanismes (articles et JP) du sujet) ;
- à quel niveau il peut placer le débat, sa dissertation (est-il très "pointu" sur le sujet).

Dans ce second cas, du débat "pointu", répétons qu'il lui faudra avoir un très bon niveau sur le sujet, ce qui seul permettra au rédacteur de présenter assez vite les idées générales, les principes de la loi, et de prendre le temps de présenter à deux ou trois reprises quelques règles détaillées et appliquées en jurisprudence (ce que l'on pourrait appeler une déclinaison jurisprudentielle, les diverses étapes et nuances de la JP).

Dans son choix, l'étudiant pensera à la personne raisonnable qu'est l'interrogateur toujours soucieux de nuance. Le sujet très large comme celui très étroit pourra être vu comme trop audacieux ou comme une audace peu utile. Ne prenez pas le risque d'un sujet très large que le professeur lui-même n'aurait pas osé poser en se mettant à votre place d'étudiant...


On terminera en trois points.

L'étudiant ne doit pas poser un sujet pour essayer de séduire en une ligne (de sujet) le correcteur. Certes le sujet fait ici partie de l'objet de la notation, mais le professeur est un classique habitué à ses I et II et... III, et au fil de la lecture, il perdra un peu de vue l'originalité du sujet pour noter l'essentiel : le corps du devoir. Trop d'originalité risque de voir l'auteur de la copie se déstabiliser lui-même. L'étudiant doit choisir un sujet en se disant que le professeur aurait pu le poser - faire preuve de maturité et de sagesse.

La composition libre a l'avantage, pour l'interrogateur, de révéler ce qui a passionné, de souligner les "surinterprétations", et parfois même renouveler l'approche de la matière sur tel ou tel aspect. Le professeur ne s'endormira pas sur des devoirs où sont logées les mêmes erreurs ou banalités, lesquelles l'épuisent le lecteur dès la dixième copie...

Ainsi, comme pour tout sujet, le correcteur attendra les connaissances utiles pour que le candidat puisse montrer : intelligence, pertinence et cohérence. Tout ce que l'étudiant très moyen souhaite dissimuler en déversant dans sa copie une brouette de connaissances. Les exercices varient, l'objectif est souvent le même : détecter l'alliage fait d'intelligence et de compétence.



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