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Le débat public sur les professions réglementées est mal parti



Lisez le Bien Public
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La réforme des professions réglementées est dans l'actualité. Un projet de loi est annoncé. Le juriste ne peut pas opiner sans préciser l'expression qui, vulgarisée, est utilisée dans un sens large. En effet, toute profession qui est régie par quelques textes peut se considérer comme étant une "profession réglementée".

Mais l'expression n'a alors aucun sens économique.

Or c'est dans le sens où certaines professions semblent former des "monopoles" que le sujet est amené dans le débat public - ce qui n'est pas le seul aspect intéressant. Ce "monopole" impliquerait des prix et coûts très élevés, un indice étant la grasse rémunération de certains professionnels (10 fois le SMIC et plus...). Ce mot de "monopole" est lui-même très malvenu car il caricature la situation ; ce faisant, il empêche une analyse juridique et économique plus fine, laquelle est nécessaire pour imaginer une réforme et une nouvelle politique législative qui doit concilier :

- la protection du public par des exigences de diplômes, compétences ;
- le service du public par un assez grand nombre de professionnels pour que tout le territoire soit desservi et, ce serait la nouvelle donnée, pour que les prix des services soient "bon marché".

Le débat public tend néanmoins à provoquer une rupture dans la politique législative laquelle favorisait les professions réglementées, au point de créer un délit pénal spécial visant ceux qui utiliser le titre ou appellation de telle ou telle profession (1). Ce délit a permis de souligner que diverses professions qui sont très réglementées et qui disposent d'une appellation de par la loi ne sont pas, au sens de ce texte, des "professions réglementées".

De façon générale, pour toutes les professions dont on parle, il n'y a en effet ni monopole, ni même oligopole.

Il y a en revanche une réglementation qui réserve les activités à certains professionnels, diplômés, ce qui est parfois notablement renforcé par un un numerus clausus : un nombre limité d'entreprises, comme pour les pharmacies et ou les offices de notaires). Mais ce n'est pas le cas des avocats ou d'autres entreprises comme celles exploitant une auto-école - puisque ces dernières sont dans le débat sans être des professions réglementées. Pour un grand nombre

En somme, dans le débat public et politique, l'expression "professions réglementées" est abusive pour pouvoir quasiment désigner toute entreprise ou activité réglementée par quelques textes, sachant que nombre d'entreprises sont réglementées par d'innombrables textes.

Le débat public a donc mal commencé car parler des professions réglementées c'est parler de tout et de rien.

Le débat public a encore mal commencé parce qu'il vise seulement quelques professions et sans aucune distinction s'agissant d'un numerus clausus - de droit ou de fait.

Pourquoi ne cesse-t-on de parler des notaires et pharmaciens et que personne ne parle des géomètres-experts et vétérinaires ? Pourquoi parler des 50 000 avocats et ne pas parler de quelques centaines de mandataires judiciaires ? Pour ne prendre qu'eux...

Il faut à la fois redéfinir de quoi (de qui) on parle, et à la fois établir des catégories car les "avantages" procurés par les lois et décrets sont d'une intensité très variables. Les avocat sont aujourd'hui totalement dans la concurrence pour 80 % de leurs activités, et il paraît curieux de vouloir leur supprimer quoi que ce soit.

Leur nombre fait qu'ils sont soumis à la concurrence, mais en plus ils sont concurrencés par les notaires et experts-comptables. Le grand public sait que la concurrence existe. La concurrence existe également du fait d'implantation de cabinets étrangers... Le client peut ainsi pester contre la note d'honoraires d'un avocat, il sait qu'il avait le choix, y compris celui de demander divers devis, les avocats indiquant leurs conditions financières quand on le leur demande avant même tout rendez-vous. Sans doute ce processus peut-il être amélioré, mais croire que changer quelques règles changera nettement la situation économique ne convainc pas.

Voilà le débat lancé, on le reprendra... Mais le débat public sur les professions réglementées est mal parti.








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1) Code pénal, Article 433-17 - (Extrait tiré de Legifrance) " Modifié par LOI n°2009-1437 du 24 novembre 2009 - art. 50"

"L'usage, sans droit, d'un titre attaché à une profession réglementée par l'autorité publique ou d'un diplôme officiel ou d'une qualité dont les conditions d'attribution sont fixées par l'autorité publique est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

Les personnes physiques ou morales coupables du délit prévu à la présente section encourent également la peine complémentaire suivante : interdiction de l'activité de prestataire de formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 du code du travail pour une durée de cinq ans.
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