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Le dol du banquier ou la fable du client. Le défaut de mise en garde n'est pas un dol (Cass. com., 9 février 2016)



Le dol du banquier est rare voire plus que rare. Surtout comparé aux millions d'opérations accomplies chaque jour dans le secteur bancaire et financier. On a dit dans la note précédente que la perspective était ouverte sur une affaire d'investissement, mais cela reste encore exceptionnel pour ce domaine (les services d'investissement) du secteur bancaire et financier.

En matière de service bancaire, pour nous de "services de crédit", l'hypothèse est encore rare.

Les moyens de défaut d'information, de mise en garde ou de conseil (ce dernier étant lui aussi assez rare) permettent d'entendre les griefs du client sans lui imposer la lourde charge d'un dol qui, du reste, souvent en pratique, implique les faits et gestes d'un seul employé de banque (...).

Un arrêt rappelle indirectement que le dol est un cas exceptionnel dans le contentieux bancaire (Cass. com., 9 février 2016, n° 14-23.210, F-P+B), quoiqu'il ne soit pas à exclure (le jeu du droit commun en droit bancaire est une figure classique, voyez sur ce point l'ouvrage de Régine BONHOMME, en illustration ci-contre).

La décision souligne ainsi que les divers défauts ou défaillances précités ne s'assimilent pas à un dol : " ne constitue pas un dol le seul manquement de l'établissement de crédit à son devoir de mise en garde ". Il est jugé en l'espèce que le défaut de mise en garde du banquier n'est pas un cas de dol et reste sans effet sur l'absence de conseil de souscrire une assurance facultative (point également à méditer).

Le client a de nombreux moyens pour se plaindre de son banquier et obtenir réparation, le dol qui a une connotation très négative pour le professionnel, ne prospèrera que dans des cas et avec des faits bien spécifiques qui démontrent l'intention de tromper. Tous éléments qui devront être prouvés. La plainte du demandeur sera être sinon vue comme un récit non prouvé voire une fable du client.



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Arrêt tiré de la base publique Legifrance


Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 9 février 2016
N° de pourvoi: 14-23210
Publié au bulletin Rejet

Mme Mouillard (président), président
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Marc Lévis, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 14 mai 2014), que M. et Mme X... ont contracté auprès de la société Banque populaire Lorraine Champagne (la BPLC) un emprunt de 600 000 euros destiné, d'une part, au remboursement de l'ensemble des concours que cette banque leur avait précédemment consentis, ainsi qu'à la société Le Requin bleu dont ils étaient cautions, et d'un prêt consenti par une autre banque et, d'autre part, au paiement de certains frais et à la reconstitution de leur trésorerie ; qu'ayant été mis en demeure d'exécuter leurs engagements, M. et Mme X... ont assigné la BPLC en annulation de ce prêt et en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande alors, selon le moyen, que le dol ne saurait se confondre avec l'absence de consentement au contrat mais sanctionne le consentement obtenu par tromperie, manoeuvre ou réticence ; qu'en se contentant de relever que « M. et Mme Pierre et Brigitte X... avaient une parfaite connaissance des sommes qu'ils devaient à leur banque » et qu'il est démontré « que non seulement le consentement des époux X... et de son époux signataire du prêt, a pleinement été donné à la souscription du nouveau prêt de 600 000,00 euros, mais encore que les emprunteurs après négociation, étaient très impatients d'obtenir ces fonds comprenant « une enveloppe de trésorerie » qui leur faisait défaut », sans rechercher si ce consentement à l'emprunt, lequel n'est d'ailleurs pas contesté, n'a pas été vicié par la réticence dolosive de la banque, laquelle savait pertinemment que les demandeurs ne pourraient pas rembourser leur dette, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

Mais attendu que ne constitue pas un dol le seul manquement de l'établissement de crédit à son devoir de mise en garde ; que, saisie d'une demande d'annulation du contrat de prêt pour dol en raison du manquement de la BPLC à son devoir de mise en garde sur l'importance des engagements des emprunteurs et le risque de surendettement, c'est à bon droit que la cour d'appel l'a rejetée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement de dommage-intérêts alors, selon le moyen, que la banque doit mettre en garde l'emprunteur quant aux risques d'un défaut d'assurance, les juges du fond ayant l'obligation de rechercher si le client, professionnel ou non-professionnel, peut être considéré ou non comme averti ; qu'en retenant uniquement que « M. et Mme X... avaient déjà bénéficié d'assurance auparavant », sans rechercher s'ils étaient effectivement suffisamment avertis en la matière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que l'établissement de crédit qui consent un prêt n'étant pas tenu à l'égard de l'emprunteur d'un devoir de conseil sur l'opportunité de souscrire une assurance facultative, la cour d'appel n'avait pas à procéder à la recherche inopérante invoquée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième et troisième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Banque populaire Lorraine Champagne la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

(...)



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