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Peur sur l'entreprise : l'action de groupe (futurs articles L 423-1 et s., C. cons.) en faveur d'un consommateur désormais défini.



Peur sur l'entreprise : l'action de groupe (futurs articles L 423-1 et s., C. cons.) en faveur d'un consommateur désormais défini.
C'est le cauchemar des entreprises, leur grande peur, et la voilà aux portes du droit positif puisqu'un projet de loi relatif à la consommation a été adopté en conseil des ministres. Tel qu'il l'initie, l'action de groupe devrait faire prochainement l'objet d'un nouveau "chapitre III" dans le Code de la consommation : c'est véritablement une page du droit de la consommation qui s'écrit et, avec, une page du droit civil, du droit de la procédure et du droit commercial et des affaires.

La presse s'en fait l'écho (Qui a encore peur des "class actions" à la française ?", Les Echos, par V. de Séneville, 23 avril 2013, p11 ; Action en justice collective : la France n'est pas encore les Etats-Unis..., B. Dondéro, Le Figaro, 12 mai 2013, p. 16) ; il n'est pas temps de commenter le projet de loi qui sera sans doute nettement amendé.

En prendre connaissance permet cependant d'en voir la conception générale.

Plus difficile sera la possibilité d'amender l'article 3 du projet qui unifie la notion de consommateur ; on s'interrogeait il y a vingt ans sur la possible unité de la notion à la faveur de la codification (Après le Code de la consommation, Grands problèmes choisis, Litec, direction avec J. Calais-Auloy). L'idée était alors vaine face à une codification qui pourtant organisait les lois de la "matière" avec de jolis intitulés de subdivisions de titres, chapitres, sections... 0n ne pouvait que souhaiter une notion unitaire sans pouvoir l'extirper du nouveau code. Le code avait peut-être été créé pour favoriser cette unité, mais rien ne l'indiquait sinon l'intuition du lecteur, et il était voulu et conçu comme un code à droit constant, expression traduisant la non-modification des lois codifiées et la pérennité de leur interprétation.

Le projet de loi qui vient d'être déposé tente de réaliser cette unité - ou de l'appréhender - avec une définition du consommateur large et abstraite dans un remarquable "Article liminaire" qui est toutefois négative :

« Au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. ».

Le consommateur (personne physique) ne se distingue pas par ce qu'il fait (juridiquement), "consommer", mais par ce qu'il ne fait pas (un acte professionnel), soit par le fait qu'il échappe à (tout ?) "cadre" professionnel.

Cette définition sera néanmoins à être complétée du champ d'application défini par chaque section du code qui vise le "consommateur" ou un autre acteur (personne, emprunteur, acheteur...) ; qu'il s'agisse ou non d'un aspect contractuel, la seule définition ne détermine pas le champ d'application d'un dispositif, qu'il soit contractuel ou pas.



Extrait de Legifrance :

Projet de loi relatif à la consommation (EFIX1307316L)


Chapitre Ier Action de groupe

Article 1er
Le titre II du livre IV du code de la consommation est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III
« Action de groupe

« Section 1
« Champ d'application de l'action de groupe et qualité pour agir

« Art. L. 423-1. - Une association de défense des consommateurs, représentative au niveau national et agréée en application de l'article L. 411-1, peut agir devant une juridiction civile afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation identique ou similaire et ayant pour origine commune un manquement d'un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles :

« a) A l'occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ;

« b) Ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

« Seule la réparation des préjudices matériels résultant d'une atteinte au patrimoine des consommateurs et résultant d'une des causes mentionnées ci-dessus peut être poursuivie par cette action.

« Art. L. 423-2. - L'action de groupe est introduite selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.

« Section 2
« Le jugement sur la responsabilité

« Art. L. 423-3. - Le juge constate que les conditions mentionnées à l'article L. 423-1 sont réunies et statue sur la responsabilité du professionnel. Il définit le groupe des consommateurs à l'égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée.

« Le juge détermine le montant des préjudices pour chaque consommateur ou chacune des catégories de consommateurs constituant le groupe qu'il a défini ou tous les éléments permettant l'évaluation de ces préjudices.

« Le juge ordonne, aux frais du professionnel, les mesures nécessaires pour informer, par tous moyens appropriés, les consommateurs susceptibles d'appartenir au groupe, de la décision rendue.

« Les mesures de publicité du jugement ne peuvent être mises en œuvre qu'une fois que la décision sur la responsabilité n'est plus susceptible des recours ordinaires ou de pourvoi en cassation.

« Le juge fixe les délais et modalités selon lesquels les consommateurs peuvent adhérer au groupe en vue d'obtenir réparation de leur préjudice. Il détermine notamment si les consommateurs doivent s'adresser au professionnel directement ou par l'intermédiaire de l'association pour la réparation de leur préjudice. L'adhésion au groupe vaut mandat aux fins d'indemnisation au profit de l'association.

« A l'occasion de la décision sur la responsabilité, le juge peut condamner le professionnel au paiement d'une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par l'association, y compris ceux afférents à la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 423-4.

« Art. L. 423-4. - L'association peut s'adjoindre, avec l'autorisation du juge, toute personne pour l'assister, notamment aux fins qu'elle procède à la réception des demandes d'indemnisation des membres du groupe et plus généralement aux fins de représentation des consommateurs lésés, auprès du professionnel, en vue de leur indemnisation.

« Section 3
« Liquidation des préjudices et exécution

« Art. L. 423-5. - Le professionnel procède à l'indemnisation individuelle des préjudices subis par chaque consommateur dans les conditions et limites fixées par le jugement mentionné à l'article L. 423-3.

« Art. L. 423-6. - Le juge ayant statué sur la responsabilité tranche les difficultés qui s'élèvent à l'occasion de la phase de liquidation des préjudices.

« Il statue dans un même jugement sur toutes les demandes d'indemnisation auxquelles le professionnel n'a pas fait droit.

« Art. L. 423-7. - L'association requérante représente les consommateurs qui n'ont pas été indemnisés par le professionnel dans les délais fixés, aux fins de l'exécution forcée des jugements mentionnés au second alinéa de l'article L. 423-6.

« Section 4
« Médiation

« Art. L. 423-8. - L'association requérante peut participer à une médiation, dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels mentionnés à l'article L. 423-1.

« Art. L. 423-9. - Tout accord négocié au nom du groupe est soumis à l'homologation du juge, qui lui donne force exécutoire.

« Le juge peut prévoir les mesures de publicité nécessaires pour informer les consommateurs de l'existence de l'accord ainsi homologué.

« Section 5
« Action de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence

« Art. L. 423-10. - Lorsque les manquements reprochés au professionnel par les requérants portent sur le respect des règles définies au titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'action mentionnée à l'article L. 423-1 ne peut être engagée devant le juge que sur le fondement d'une décision constatant ces manquements qui n'est plus susceptible de recours et a été prononcée à l'encontre du professionnel par les autorités ou juridictions nationales ou de l'Union européenne compétentes.

« Dans ces cas, les manquements du professionnel sont réputés établis pour l'application de l'article L. 423-3.

« Art. L. 423-11. - L'action prévue à l'article L. 423-1 ne peut être engagée au-delà d'un délai de cinq ans à compter de la décision mentionnée à l'article L. 423-10.

« Section 8
« Dispositions diverses

« Art. L. 423-12. - L'action mentionnée à l'article L. 423-1 suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés par le jugement prévu à l'article L. 423-3.

« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour, selon le cas, où le jugement rendu conformément à l'article L. 423-3 n'est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou de l'homologation prévue à l'article L. 423-9.

« Art. L. 423-13. - La décision prévue à l'article L. 423-3 et celle résultant de l'application de l'article L. 423-9 ont également autorité de la chose jugée à l'égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure.

« Art. L. 423-14. - L'adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d'agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices n'entrant pas dans son champ d'application. L'adhésion au groupe ne vaut ni n'implique adhésion à l'association requérante.

« Art. L. 423-15. - N'est pas recevable l'action prévue à l'article L. 423-1 lorsqu'elle se fonde sur les mêmes faits et les mêmes manquements que ceux ayant fait l'objet d'une action de groupe précédemment jugée à l'encontre du même professionnel.

« Art. L. 423-16. - Toute association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l'article L. 411-1 peut demander au juge, à compter de la saisine de celui-ci de l'action prévue à l'article L. 423-1, sa substitution dans les droits de l'association requérante, en cas de défaillance de celle-ci.

« Art. L. 423-17. - Est réputée non écrite toute clause tendant à interdire par avance à un consommateur de participer à une action de groupe.

« Section 7
« Dispositions relatives à l'outre-mer

« Art. L. 423-18. - Le présent chapitre est applicable dans les îles Wallis et Futuna. »
Article 2
I. - La sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de l'organisation judiciaire est complétée par un article L. 211-15 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-15. - Des tribunaux de grande instance spécialement désignés connaissent des actions de groupe définies au chapitre III du titre II du livre IV du code de la consommation. »

II. - A l'article L. 532-2 du même code, les mots « et L. 211-14 » sont remplacés par les mots « , L. 211 14 et L. 211-15 ».
III. - L'action exercée sur le fondement des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de la consommation créé par l'article 1er ne peut être introduite pour la réparation des préjudices causés par des manquements aux dispositions du titre II du livre IV du code de commerce ou aux articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ayant fait l'objet d'une décision constatant ces manquements et qui n'est plus susceptible de recours, intervenue avant la date de publication de la présente loi.
IV. - Le III du présent article est applicable dans les îles Wallis et Futuna.

Chapitre II
Améliorer l'information et renforcer
les droits contractuels des consommateurs

Section 1
Définition du consommateur et informations précontractuelles

Article 3

Il est inséré, avant le livre Ier du code de la consommation, un article liminaire ainsi rédigé :

« Article liminaire

« Au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. »

Article 4

I. - Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du même code est remplacé par les dispositions suivantes :

« Chapitre Ier
« Obligation générale d'information précontractuelle

« Art. L. 111-1. - Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique, de manière lisible et compréhensible, au consommateur les informations suivantes :
« 1° Les principales caractéristiques du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
« 2° Le prix du bien ou du service conformément aux articles L. 113-3 et L. 113-3-1 ;
« 3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou exécuter le service ;
« 4° Les informations relatives à son identité et ses activités, aux garanties, aux fonctionnalités du contenu numérique et le cas échéant à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
« Ces dispositions s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel.




En illustration, l'ouvrage "Contrats de consommation, Règles communes", de N. Sauphanor, en collaboration avec E. Poillot, C. Aubert de Vincelles et Geoffray Brunaux
Peur sur l'entreprise : l'action de groupe (futurs articles L 423-1 et s., C. cons.) en faveur d'un consommateur désormais défini.

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