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Régulons la régulation régulée par le régulateur ! Propos sur une tarte à la crème qui s'épaissit avec la crise financière.




Régulons la régulation régulée par le régulateur... et avec autorité, s'il vous plaît. C'est le consensus des politiciens, des financiers, des hauts fonctionnaires, des économistes, des journalistes et même de certains juristes.

La régulation est la clé de tout, le passe universel qui dévérouille (évidemment) tous les problèmes.

La pensée unique s'empare même des (ex-) praticiens (et néo-politiciens). "Réguler ou faillir" s'écrie M. PEYRELEVADE, ancien président du Crédit Lyonnais. La régulation a ainsi vocation à nous sauver ! Faut-il n'avoir aucune expérience dans la formation et la diffusion des idées sûres pour nous dresser cette alternative effrayante. Réguler on ne sait ce que sait, faillir c'est un peu extrême mais cela inquiète lourdement.

La régulation, qui n'était ni claire, ni précise, ni intelligible est désormais carrément obscure, nébuleuse et incompréhensible. Il faut dire que tout le monde s'en mêle, toute spécialité, tour à tour (économistes, financiers, comptables, politiciens...), en ajoute.

La tarte se réduit toutefois à quelques niveaux d'incompréhension que le juriste peut pointer.

Au plus général d'abord :
on ne sait pas de quoi on parle, ni de quelle autorité de régulation on discute. On mélange allègrement, par exemple, les autorité monétaires (et l'unique BCE) avec les autorités de surveillance des marchés : il ya en dans chaque pays ! On oublie la Commission bancaire (la régulation par l'Etat ?). On monte une mayonnaise avec le FMI, la BRI, parfois la banque mondiale... comme si toutes ces institutions avaient déjà des pouvoirs sur les subprimes les CDS ou CDO conclus par les banques... cacophonie !

Réguler.

Réguler ne veut rien dire et l'ambiguité est permanete entre règle de droit et "autre chose" ; le cumul est parfois perceptible ; certains parlent de la régulation comme d'un Dieu opératoire qui ne se réduirait à rien qui n'existât sur terre. On voit parfois le mot pour un emploi qui ne serait ni le recours à une régulation via la règle d'Etat, ni règle professionnelle ou para-professionnelle. La bonne volonté de nouvelles techniques pousse au fantasme régulatoire.

Réguler ne veut rien dire mais on ne peut pas le dire : par peur d'être attardé ou d'apparaître idiot, les centaines de professionnels qui en parlent le font en parfaite méconnaissance du phénomène. Alors comment le régulateur pourrait-il agir ? Il ne connaît ni l'essence de sa mission ni ses limites... Il ne se connaît pas lui-même. Demandez donc à la commission bancaire si c'est elle le régulateur ? Mme la ministre ferait une drôle de tête si on lui disait que ce sont ses services (lato sensu, via la commission bancaire) qui est le régulateur !

Régulateur.

Autorité variable ayant un pouvoir variable à qui l'on prête des pouvoirs réglementaires, sub-réglementaires, de police, de surveillance et de juge sans que l'institution ne soit ni législative, ni exécutive, ni judiciaire mais... administrative. Dans ce contexte, la fuite en avant s'impose car réguler le régulateur est impossible.

Alors on se propose de remplacer le régulateur par un autre. Ainsi, certains appellent à un régulateur européen, et à un régulateur mondial pour, pour ce dernier, réguler la finance mondiale (J . Peyrelevade, Les Echos du 24-25 octobre). Rien que cela. Le FMI super régulateur mondial ? Mais au fond de cette litanie de mots qui s'empilent sans logique ni ligne, il y a un point de concorde, aussi dur qu'inutile. Il tient en une exclamation tautologique et logomachique.

Régulons la régulation !

Régulons. Puisque la régulation devait réguler tout ce qu'il y avait à réguler, et qu'elle n'y est pas parvenue : régulons la régulation ! L'addition est salée : une caution de 320 milliards votées en 10 jours, adjointe à 40 milliards à emprunter sur les marchés pour rendorcer les fonds propres des banques (participation aux fonds propres mais non au capital social : l'Etat finance sans droits de vote ; voyez note ci-dessous) (art. 6, loi du 16 octobre 2008).

Tout cela est insoutenable. Il est plus que temps de voir un législateur précis et non verbeux reprenne la main, d'abord pour redéfinir la régulation. Certains considèrent même que la régulation privée n'a pas fonctionné ! Par exemple les agences de notation (JM Vittori, Les Echos du 15 septembre ; voyez du même auteur une position plus approfondie ; Les ratés du rating, Les Echos, juin 2008). Devient régulation ce qui ne l'a jamais été.

Il est vraiment temps de remettre de l'ordre dans la finance, ou dans la République ?

En effet, la régulation enseigne déjà qu'elle est une machine à dissoudre les responsabilités et à exfiltrer les responsables du theâtre des opérations dramatiques qu'ils ont mis en scène.

Le sommet du G 20 sur les financiers et l'économie mondiale devrait modifier de nombreuses choses, comme depuis 25 ans. Mais le "système" en sera-t-il véritablement amélioré ?

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