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Annexe à la note sur l'aval gouverné par le "droit du change"



Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 30 octobre 2012
N° de pourvoi: 11-23519

Publié au bulletin Rejet

M. Espel , président
M. Laborde, conseiller rapporteur
Mme Pénichon, avocat général
Me Copper-Royer, SCP Capron, avocat(s)


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Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi envers la caisse régionale de crédit maritime mutuel du littoral du Sud-Ouest ;

Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux parties :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 5 avril 2011), que Mme X... a avalisé un billet à ordre d'un montant de 106 000 euros souscrit par la société X... (la société), au bénéfice de la caisse régionale de crédit maritime mutuel du littoral du sud-ouest (la caisse), lequel n'a pas été payé à l'échéance ; que la caisse a assigné Mme X... en paiement ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la caisse la somme de 106 000 euros, montant en principal du billet à ordre, outre celle de 9 063,79 euros au titre des intérêts dus au 15 décembre 2008 et les intérêts au taux légal postérieurs, alors, selon le moyen :

1°/ que le banquier est tenu à l'égard de ses clients, cautions non averties, d'un devoir de mise en garde au regard du risque d'endettement né de leur engagement ; qu'après avoir elle-même retenu que l'avaliste d'un billet à ordre devait être considéré comme une caution solidaire, la cour d'appel a considéré qu'«il importait peu que Mme X... ait, ou non été, lors de son engagement, une avaliste avertie», et que «la caisse n'était pas tenue de mettre celle-ci en garde contre un éventuel risque d'endettement» ; qu'en refusant dès lors expressément de rechercher si Mme X... revêtait ou non les qualités de caution non avertie pour en déduire que la caisse n'avait aucun devoir de mise en garde à son égard, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil, celles de l'article L. 313-12 du code de commerce, ensemble celles de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

2°/ que, conformément au devoir de mise en garde auquel il est tenu au regard du risque d'endettement né de l'engagement de la caution non avertie, le banquier doit vérifier ses capacités financières et rechercher si la charge du remboursement du prêt, en s'ajoutant à ses autres charges, peut être supportée par la caution ; qu'en considérant dès lors que Mme X... ne rapportait pas la preuve du caractère disproportionné de son engagement envers la caisse, motifs pris de ce que ce dernier n'aurait pas été informé des quatre engagements que celle-ci justifiait avoir souscrit, en un mois, soit entre le 31 décembre 2005 et le 31 janvier 2006, à concurrence de la somme totale de 583 000 euros au profit de quatre établissements bancaires, cependant qu'il appartenait à la caisse de vérifier si le prêt qu'elle avait octroyé n'était manifestement pas disproportionné par rapport aux biens et revenus de la caution eu égard à l'ensemble des engagements par elle souscrits ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1147 du code civil, de celles de l'article L. 313-12 du code de commerce, ensemble de celles de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

Mais attendu que l'aval, en ce qu'il garantit le paiement d'un titre dont la régularité n'est pas discutée, constitue un engagement cambiaire
gouverné par les règles propres du droit du change, de sorte que l'avaliste n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque pour manquement au devoir de mise en garde ni pour violation de l'article L. 341-4 du code de la consommation ; que, par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués par le moyen, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils, pour Mme X....

Madame X... fait grief à l'arrêt attaqué de L'AVOIR condamnée à payer au CREDIT MARITIME la somme de 106.000 €, montant en principal du billet à ordre, outre celle de 9.063,79 € au titre des intérêts dus au 15 décembre 2008 et les intérêts au taux légal postérieurs.

AUX MOTIFS PROPRES QUE : «II Sur les demandes dirigées contre Mme X... ;

« (…) que, malgré l'imprécision des conclusions de la CRCMM du LITTORAL du SUD-OUEST, l'avaliste d'un billet à ordre ne saurait être considéré comme un emprunteur, mais doit être considéré, ainsi que le prétend Mme X... (conclusions, page 5, alinéa 6) comme une caution solidaire, dès lors qu'il est tenu de payer à la place du débiteur en cas de carence de celui-ci ;

que l'engagement de Mme X... a été pris en janvier 2006, que, même si elles ne sont expressément invoquées par aucune des parties, force est de retenir, d'une part, que les dispositions de l'article L 341-4 du Code de la consommation sont applicables au présent litige et, d'autre part, que celles-ci sont implicitement invoquées par Mme X... à la page 7 de ses conclusions ;

(…que) dans ces conditions, (…) il importe peu que Mme X... ait, ou non, été, lors de son engagement, une avaliste avertie puisque les dispositions susvisées ne distinguent pas et sont applicables à tous les cautionnements souscrits par une personne physique au profit d'un créancier professionnel, ce qui est le cas en l'espèce ;

(….que) sur ce point, (…) Mme X... fait valoir le caractère disproportionné de son engagement et soutient que celui- ci serait, en conséquence « nul » (le texte susvisé prévoyant, lui, que le créancier ne peut se prévaloir du contrat » ;

(…) que Mme X... indique qu'en un mois, entre le 31 décembre 2005 et le 31 janvier 2006, elle a contracté des engagements à concurrence de la somme totale de 583 000 euros et que ce montant est manifestement disproportionné et donc qu'elle est fondée à invoquer un manquement au devoir de mise en garde pesant sur la banque ,

(…) que c'est à juste titre que la CRCMM du LITTORAL du SUD OUEST fait valoir qu'il appartient à Mme X... de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement,

« (…) qu'à l'appui de ses affirmations Mme X... justifie du montant des engagements souscrits ; que, cependant, il résulte des pièces produites que les 4 engagements invoqués ont été souscrits au profit respectivement du Crédit Mutuel, du Crédit Agricole, de la Société Générale et du CIO alors qu'il ne résulte d'aucune pièce que la CRCMM du LITTORAL du SUD-OUEST a été préalablement informée de l'existence de ces engagements pris au profit de tiers ;

(…qu') en outre,(…) Mme X..., qui était un des associés de la SCI MELINDA à la date de l'engagement, produit uniquement le compte de résultat de cette SCI au 31 décembre 2006, sur lequel figure celui de l'exercice précédent ;

(….que) cependant, (….) le fait que le résultat de l'exercice 2005 ait été négatif (perte de 16.453 euros au 31 décembre 2005) est sans rapport avec la valeur des biens détenus par la SCI, dont un immeuble situé sur la commune d'AYTRE, dont elle ne précise pas la valeur ;

(…) que Mme X... ne conteste pas, non plus, le fait qu'elle était, avec son mari, et jusqu'en 2007, propriétaire d'une maison d'habitation située sur une autre commune et qui a été vendue en 2007 moyennant le prix de 295.000 euros ;

(…qu') enfin (…) l'appréciation de caractère manifestement disproportionné de l'engagement, qui doit être opérée au jour de celui-ci, doit être effectuée non seulement au regard des biens alors possédés, mais également des revenus de celui qui s'engage; que force est de constater que Mme X... ne produit aucune pièce à cet égard ;

(….) dans ces conditions, que la preuve du caractère manifestement disproportionné de l'engagement pris envers la CRCMM du LITTORAL du SUD-OUEST ne saurait être considérée comme rapportée ;

(….qu') en conséquence, (…) la CRCMM du LITTORAL du SUD-OUEST n'était pas tenue de mettre Mme X... en garde contre un éventuel risque d'endettement ; que la « nullité » ou « l'impossibilité de se prévaloir» de l'engagement ne saurait donc être opposée à la CRCMM du LITTORAL du SUD-OUEST;

« (…) qu'en l'absence de devoir de mise en garde, il ne saurait, non plus, en l'absence de toute autre faute imputable à la banque, y avoir lieu à dommages et intérêts au profit de Mme X... ;

(…que) dans ces conditions, (…) les demandes de Mme X... doivent être rejetées et le jugement confirmé quant aux condamnations prononcées contre elles et non contestées par ailleurs, en particulier quant à leurs montants; » (arrêt attaqué p. 4, § 2 au dernier et p. 5, § 1 à 7) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Monsieur Philippe X... prétend n'avoir pas signé le billet à ordre et que seule Madame Y... épouse X... l'aurait fait ;

« (…) que le billet à ordre a été avalisé par deux signatures et qu'elles sont différentes ;

(…) que Madame Y... épouse X... reconnaît avoir signé le billet à ordre ;

(…) que le billet à ordre n'est pas un acte de commerce ou acte civil suivant que sa cause est commerciale ou civile ;

Et (….) qu'en l'espèce sa cause est commerciale ;

(…) que l'article 186 du Code de Commerce stipule que sont applicables au billet à ordre les dispositions concernant la lettre de change sur les conséquences de l'apposition d'une signature dans les conditions visées à l'article 114 dudit Code ;

Et (…) que l'article 114 stipule que quiconque appose sa signature sur une lettre de change comme représentant d'une personne pour laquelle il n'avait pas le pouvoir d'agir est obligé par lui-même ;

(… qu') enfin (…) l'article 637 du Code de Commerce stipule que lorsque le billet à ordre porte à la fois la signature de commerçants et d'individus non négociants, le Tribunal de Commerce est compétent à l'égard de tous ;

(….que) (…) donc que Madame Y... épouse X... est mal fondée de soulever l'exception d'incompétence rationae materiae du Tribunal de céans » (jugement p. 4, § 2 à pénultième).

ALORS, D'UNE PART, QUE le banquier est tenu à l'égard de ses clients, cautions non averties, d'un devoir de mise en garde au regard du risque d'endettement né de leur engagement ; qu'après avoir elle-même retenu que l'avaliste d'un billet à ordre devait être considéré comme une caution solidaire (arrêt attaqué p. 4, § 2), la Cour d'Appel a considéré qu'« il import(ait) peu que Mme X... ait, ou non été, lors de son engagement, une avaliste avertie », et que le « (CREDIT MARITIME) n'était pas tenue de mettre Mme X... en garde contre un éventuel risque d'endettement « (arrêt attaqué p.4, §4 et p. 5, § 5 et 6) ; qu'en refusant dès lors expressément de rechercher si Madame X... revêtait ou non les qualités de caution non avertie pour en déduire que la Banque n'avait aucun devoir de mise en garde à son égard, la Cour d'Appel a violé les dispositions de l'article 1147 du Code civil, celles de l'article L.313-12 du Code de commerce, ensemble celles de l'article L. 341-4 du Code de la consommation ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE conformément au devoir de mise en garde auquel il est tenu au regard du risque d'endettement né de l'engagement de la caution non avertie, le banquier doit vérifier ses capacités financières et rechercher si la charge du remboursement du prêt, en s'ajoutant à ses autres charges, peut être supportée par la caution ; qu'en considérant dès lors que Madame X... ne rapportait pas la preuve du caractère disproportionné de son engagement envers le CREDIT MARITIME motifs pris de ce que ce dernier n'aurait pas été informé des quatre engagements que Madame X... justifiait avoir souscrit, en un mois, soit entre le 31 décembre 2005 et le 31 janvier 2006, à concurrence de la somme totale de 583.000 €, au profit de quatre établissements bancaires (arrêt attaqué p. 4, § 6 et pénultième et p. 5, § 4) cependant qu'il appartenait à la Banque de vérifier si le prêt octroyé par le CREDIT MARTIME n'était manifestement pas disproportionné par rapport aux biens et revenus de la caution eu égard à l'ensemble des engagements par elle souscrits; qu'en statuant ainsi, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1147 du Code civil, de celles de l'article L.313-12 du Code de commerce, ensemble de celles de l'article L. 341-4 du Code de la consommation.


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Analyse
Publication : Bulletin 2012, IV, n° 195

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers , du 5 avril 2011

Titrages et résumés : EFFET DE COMMERCE - Billet à ordre - Aval - Effets - Rapports entre le donneur d'aval et le porteur - Exceptions opposables - Manquement au devoir de mise en garde (non) - Caractère disproportionné de l'engagement (non)

L'aval, en ce qu'il garantit le paiement d'un titre dont la régularité n'est pas discutée, constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles propres du droit du change, de sorte que l'avaliste n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque pour manquement au devoir de mise en garde, ni pour violation de l'article L. 341-4 du code de la consommation

EFFET DE COMMERCE - Lettre de change - Aval - Effets - Rapports entre le donneur d'aval et le porteur - Exceptions opposables - Manquement au devoir de mise en garde (non) - Caractère disproportionné de l'engagement (non)


Textes appliqués : articles L. 511-21, L. 511-44 et L. 512-4 du code de commerce

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