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Affaire dite "WOERTH - BETTENCOURT" : un peu de "droit people" en revenant sérieusement aux véritables questions juridiques



Affaire dite "WOERTH - BETTENCOURT" : un peu de "droit people" en revenant sérieusement aux véritables questions juridiques
Voilà un thème qui colle comme un gant à cette rubrique dédiée autant aux questions de droit civil et de droit public dans lesquelles s'enchâssent les matières dites mixtes que sont le droit pénal et le droit fiscal. Sans faire une étude détaillée, on doit souligner plusieurs points de droit avec lesquels les journalistes font des mayonnaises dont certaines prennent alors même qu'il y a peu à comprendre ou à dire d'intéressant. Essayons de lister les grandes questions juridiques, sans même ouvrir un code ou un ouvrage : juste au premier coup d'oeil.

L'affaire part d'une contestation de diverses donations. Mme Liliane BETTENCOURT a donné en plusieurs fois des sommes impressionnantes à M. BANNIER, ce qui a fait sa fortune. Ces sommes ne s'entendent pas pour le public : aurait été donné près d'un milliard d'euros. Mais la fortune de la donatrice ne s'entend pas non plus pour le grand public (voyez le récent classement de Challenges : ). Avant de s'exclamer dans un sens ou un autre il convient de s'acclimater avec ces montants, encore que le droit civil ne considère pas toujours (euphémisme) la valeur ou le montant des choses pour donner, selon le cas, des règles juridiques.

Tout commence donc avec des donations.

La donation est un contrat entre un donateur et un donataire qui reçoit, c'est un acte entre vifs. Si le donateur n'est pas sain d'esprit, la donation peut être annulée, après que le juge civil du tribunal de grande instance aura constaté carrément l'absence de consentement ou un consentement donné irrégulièrement si le donateur, au moment des donations, ne disposait pas des facultés mentales. C'est un grand classique juridique. Pas de quoi faire un événement médiatique alors surtout que les donations ont été faites sur de nombreuses années : si la donatrice n'a plus tous ses esprits, tel n'était pas le cas hier, l'essentiel des donations est probablement valable.

Ces donations ont attiré l'attention des journalistes sur la fortune de la donatrice. On s'est alors aperçu de comptes à l'étranger, non-déclarés en France. On tombe alors sur la question du sérieux de la gestion de fortune de l'intéressée et sur les risques pénaux de poursuites s'il y a eu des dissimulations de valeur(s). De civile, l'affaire devient fiscale et, du coup, pénale.

A rebours, la régularité fiscale implique l'absence de répréhension pénale. Là intervient dans les esprits la possibilité que le ministre du budget ait pu influencer les choses : éviter des enquêtes fiscales, fermer les yeux sur certaines irrégularités, voire passer des accords avec la contribuable. Rien de plus normal, sauf lorsque le ministre du budget a l'air d'être doublement dépendant de la contribuable :
- sa femme travaille pour elle avec un salaire 5 fois supérieur à celui d'un professeur d'Université française et une prime 1,5 fois supérieure à ce même salaire annuel, passons sur la voiture de fonction ; la chose inquiète alors surtout que le ministre aurait eu des contacts personnels avec celui qui a décidé d'employer sa femme, le "gestionnaire de fortune" de Mme BETTENCOURT.
- son parti, dont il est trésorier, et son parti personnel (micro-parti), auraient bénéficié de dons de ladite contribuable, dons réguliers en la forme pour ne pas dépasser 7 500 euros annuels... or à nouveau ces opérations pouvaient et peuvent être vues comme une façon de lier le ministre du budget dont les campagnes électorales ont pu encore être financées (3 500 euros).

Voilà deux ingrédients qui font le "conflit d'intérêt", notion juridique aussi précise que méconnue... Les juristes la connaissent. De nombreuses règles interdisent à une personne de juger une autre qui a des liens avec elle, soit d'amitié ou de famille, soit des liens d'intérêts notamment pécuniaires. Dans de nombreuse professions le conflit d'intérêt est quotidiennement géré. Dans la vie publique, à défaut de règles explicites, et à l'aide d'une dégradation de moeurs, le conflit d'intérêt est implicitement niée. D'où la première ligne de défense du ministre qui aura considéré qu'il pouvait voir sa femme employée par une donatrice de l'UMP qui a des problèmes de gestion fiscale. La classe politique a depuis fort longtemps nié, implicitement mais nécessairement, ses situations de conflits d'intérêts.

Cette négation est a priori conforme à la loi. A défaut de règles sur le conflit d'intérêts, les hommes politiques, élus ou responsables nommés (ministres). Il existe toutefois quelques règles qui empêchent de dire que l'on est, pour reprendre une image, dans une zone de "non droit". En effet, quelques dispositions éparses interdisent la prise illégale d'intérêts, la concussion, le trafic d'influence et, de façon générale, la complicité pénale peut jouer pour toute infraction pénale.

Voilà donc la difficulté cernée : le conflit d'intérêt est pris en charge par diverses règles, divers interdits, mais c'est essentiellement le cas sur le plan pénal pour des cas grossier. Hors ces cas, il y a de nombreuses situations où il n'est pas très honnête de jouer sur deux tableaux, ou si vous préférez d'utiliser deux casquettes, sans pour autant violer une de ces règles pénales. Dans ces cas, un homme politique raisonnable s'abstient, par prudence juridique, morale politique et vertu éthique. Ce n'est naturellement plus jamais ou presque le cas....

Voilà sur quelles "imprécisions juridiques" et "attitudes politiques risquées" ladite affaire est une affaire qui n'en finit pas de rebondir...

Cette petite chronique sans rigueur, mais toutefois plus rigoureuse que les papiers publiés dans la plupart des titres nationaux, permet de rebondir et alimenter deux autres rubriques.

Voilà en effet de quoi nous orienter pour deux prochaines chroniques.

Une sur le financement des partis, ce qui impose un point sur la notion de l'espèce (la personne morale dite "parti politique"). Une sur la gestion de fortune et plus spécialement sur le contrat de gestion de fortune : les plus riches ne sont pas toujours les plus riches sur le plan juridique....






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