Appartenir à l'Etablissement Public Expérimental Université Clermont Auvergne (EPE UCA).



Ironie du Journal officiel, le décret créant l'EPE UCA a été publié le même jour que la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique. La proximité avec cette loi suscite la réflexion sur la capacité que l'EPE aura d'accélérer l'action publique parce que, justement, rien n'y semble simplifier l'action publique.

On sait que l'Etat a perdu son droit à force d'y recourir et d'oser se contredire. La simplification (juridique) est un slogan qu'au moins cinq gouvernements n'ont pas su seulement concevoir et encore moins débuter en pratique. Simplifier impose d'abord une cure de textes et les gouvernements ne s'y résolvent pas. Les ministères produisent des textes... Ministres et parlementaires sont heureux de noyer leurs administrations sous des textes banals quoique touffus et non durables. Ce n'est pas d'un EPE dont je parle ici, mais de la "politique juridique", un notion en perdition.

On peut donc prôner la simplification et créer des entités complexes, bourrées de règles et de structures qui rendent fous mêmes les juristes. Le droit universitaire en est peut-être mort avant terme ! Comprenez...

Pour celui qui a lu la loi (Savary) de 1984 en projet, puis dans l'encre fraîche du Journal officiel d'alors, un tel établissement, un tel EPE, peut constituer un peu le point ultime d'une évolution, vers de grandes Universités, dont aucun ministre n'a jamais pu dire le sens profond. La grandeur y figure en tant que simple grandeur administrative. Ni la mission pédagogique, ni la mission de recherche ne priment dans ces évolutions.

Les structures en charge de ces deux questions (UFR et équipes) n'ont pas nettement évolué, du moins partout dans l'Université, en revanche les structures administratives se diversifient et se multiplient à l'envi. Il appartiendra à ceux qui seront élus de faire fonctionner douze grandes structures qui le composent, dans lesquelles on ne compte pas les simples composantes (UFR c'est-à-dire Ecole ou Faculté) qui sont appelées à peser peu, c'est l'esprit des décrets et statuts adoptés.

On se demande, du coup, s'il n'y pas du Edgar Faure dans un tel décret.

Avec "sa loi" sur les universités de 1968, qui leur conférait leur indépendance (...), il a supprimé les Facultés qui... ont continué d'exister. L'usage contra legem de l'appellation du directeur d'UFR en "Doyen" résume la situation depuis cinquante ans. L'agrégé d'histoire du droit qu'il était y aurait vu l'une de ses pailles qui font le bon sujet d'une leçon, puisque le détail finit par devenir le principe.


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L'entrée Wikipédia "Loi Faure" pour ceux qui la découvrent commence ainsi :
La loi du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement supérieur dite loi Faure, en référence au ministre français de l'Éducation nationale Edgar Faure, est une loi française qui réforme administrativement l'université en accordant une autonomie renforcée aux établissements, en supprimant les facultés, et en créant les unités d'enseignement et de recherche (UER)...

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Les lois lourdes et complexes ravissent leurs auteurs qui les mettent à leur bilan et contraignent les administrations et les agents à s'exciter pour accomplir la finalité administrative. L'académicien Jean-Luc Marion, hier, sur France Culture, disait ce qu'est un universitaire - celui qui travaille au moins 3 heures par jour sa matière, sinon on la perd.

Avec des établissements aussi complexes qu'un EPE, doté de 30 structures administratives (ou plus), dont la finalité n'est que la grandeur, le gouvernement nie la double mission des universitaires (chercher pour enseigner, enseigner et chercher). Il tente d'imposer des administrateurs proches des vues des ministères... parisiens. Et ça marche plutôt, nombre d'élus universitaires comprennent mieux le ministre de passage que les collègues qui les ont élus. Et le milieu universitaire offre peu de résistance, manquant de refuser la complexité administrative extrême qui n'est fondée sur rien ou presque.

Il n'en serait autrement que si les textes imposaient dans les décrets et statuts, aux futurs élus, d'avoir eu dans les quatre dernières années une activité notable d'enseignement et de recherche (en somme, le mandat unique). Mais l'objectif administratif emporte les universitaires effectivement et concrètement attachés à leurs étudiants et recherches. La finalité administrative s'accomplit mieux avec des universitaires qui ont plutôt renoncé à leurs missions. Le monde universitaire fait une grosse erreur en admettant cette division de fait.

Car voilà un fait qu'un Marion, professeur de philosophie et académicien, peut dire et dénoncer sans que personne puisse le contredire. A Adèle Van Reeth qui lui disait l'universitaire est obligé d'abandonner sa matière pour administrer, l'animal resurgit et répondit :

"Jamais !".

Vous savez donc pourvoir adresser vos réclamations et réprobations au Quai de Conti (Direct Droit ne répond de rien).

L'académicien séduit l'esprit et les cœurs mais ce temps-là, celui qu'il décrit implicitement, est terminé. Je vous conseille néanmoins de l'écouter pour un point sur la méthode (les philosophes qui arrangent les choses), un sur la métaphysique, un sur la théologie et un autre sur l'épistémologie. Oui ce temps est terminé puisque les universitaires laissent faire, agréent. Au détriment de "la démocratie universitaire" (appellation exagérée) puisque la condition première d'une vie administrative saine est la pluralité permettant de nourrie la diversité et donc le débat et, enfin, le renouvellement. Mais non...

Vive la technocratie universitaire !

Autant créer un troisième mission fondamentale dans le décret de 1984 : l'administration (l'avancement spécifique n'en est-il pas déjà l'embryon ?). Déjà les administrateurs pardonnent mes propos (mais je vous ai dit ce n'est pas moi c'est Marion) et retrouvent le sourire. L'idée séduit. Même à Paris on retrouve le sourire : pensez ! Réécrire le décret de 1984. Voilà du travail pour le ministère ! De quoi ravir quelques bureaux dans, au vrai, au moins trois ministères et pour plusieurs mois. Et de quoi ravir le futur ministre qui brandira "sa réforme".

Ainsi va ou "ne va pas" la République française, à vous de juger !

Au fait, "La politique juridique" : un symposium universitaire mêlant politistes et juristes ?!




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