Commerce cambriolé et clause d'alerte incombant à l'entreprise de sécurité et de surveillance (Cass. com., 25 juin 2013, inédit)



Commerce cambriolé et clause d'alerte incombant à l'entreprise de sécurité et de surveillance  (Cass. com., 25 juin 2013, inédit)
Cet arrêt ne sera pas publié au Bulletin de la Cour de cassation, ce qui nous semble justifié, son apport juridique est limité mais il permet de souligner quelques détails pour la pratique des contrats de surveillance, de gardiennage et de télésurveillance. Une bijouterie avait connu un déclenchement d'alarme sans que le rondier dépêché sur place informe le bijoutier de ce que l'une des portes n'était pas fermée à double tour (après l'avoir indiqué, l'arrêt ensuite mentionne l'inverse par une faute de plume à un moment).

Le lendemain, le bijoutier était cambriolé. On passe sur les épisodes de la procédure et sur la façon qu'il a eu de plaider son affaire - la Cour lui réplique notamment qu'il n'a jamais soutenu en appel que ces faits constituaient une perte de chance et qu'il est donc irrecevable à le plaider devant la Cour de cassation qui ne juge qu'en droit.

On s'attachera à tirer les leçons plutôt pratiques de cette affaire. Le télésurveilleur s'était obligé à rapporter au client, en cas d'alarme et de vérification sur place, les "incidents graves" et, après cet arrêt, on devine mais il n'y a pas de principe (!) qu'une porte qui n'est pas fermée à double tour n'en est pas un. Soyons clair : dans une autre affaire, L'entreprise de sécurité n'avait pas à alerter le client, après sa visite sur place, de ce fait.

On note donc que la clause d'alerte pourrait être parfois un peu plus détaillée dans les contrats, au moins pour les sites sensibles (cas d'une bijouterie).

On note encore que, après la codification formelle de la loi de 1983 sur ces entreprises et activités, le Code de la sécurité intérieure ne comporte aucun élément sur une profession qui, peut-on penser, se cherche parfois encore sur le terrain juridique.

Le secteur est gonflé de considérations générales sur la sécurité et manque de faire remonter les questions aux "responsables juridiques", voilà une occasion de vérifier diverses clauses des contrats de sécurité.


Arrêt tiré de la base Legifrance


Cour de cassation

chambre commerciale

Audience publique du 25 juin 2013

N° de pourvoi: 12-23048

ECLI:FR:CCASS:2013:CO00678

Non publié au bulletin

Rejet

M. Espel (président), président

SCP Baraduc et Duhamel, SCP Ghestin, avocat(s)



REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l’arrêt attaqué (Besançon, 6 juin 2012), que la société Bijouterie X... (la bijouterie) a conclu un contrat avec la société SGS Sage (la société SGS), portant sur la télésurveillance et la gestion des alarmes de son magasin ; qu’ayant été victime d’un cambriolage de ses locaux le 10 août 2007, la bijouterie a assigné la société SGS et son assureur, la compagnie AGF courtage, devenue société Allianz, en réparation de son préjudice ;
Attendu que la bijouterie fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que manque à son obligation subséquente à une intervention consécutive à une alarme, de prévenir l’abonné « en cas d’incident grave », l’entreprise de télésurveillance dont l’agent s’était borné, après une intervention sur site causée par le déclenchement de l’alarme, à aviser le bijoutier abonné de son passage sans le prévenir du fait découvert lors de l’intervention qu’une des portes de la bijouterie n’était pas fermée à double tour contrairement à l’habitude ; qu’en décidant du contraire, pour écarter la faute de négligence, la cour d’appel a violé l’article 1147 ;
2°/ que dans le doute la stipulation par laquelle une entreprise de télésurveillance s’est obligée lors d’une intervention intérieure sur un site dont elle dispose des clés, à prévenir l’abonné « en cas d’incident grave », doit s’interpréter contre la société de télésurveillance et en faveur du client professionnel d’une spécialité distincte ; qu’en décidant du contraire, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

3°/ qu’en présence d’une stipulation du contrat de surveillance limitant l’obligation d’une entreprise de télésurveillance de prévenir l’abonné en cas d’« incident grave », il appartenait à ce prestataire de service dont l’agent s’était borné, après une intervention sur site causée par le déclenchement de l’alarme, à aviser le bijoutier abonné de son passage sans le prévenir du fait qu’une des portes de la bijouterie n’était pas fermée à double tour contrairement à l’habitude, d’établir en quoi il ne s’agissait pas d’un incident grave au sens du contrat ; qu’en jugeant au contraire, que la cliente ne rapportait pas la preuve d’un incident grave de nature à justifier son information, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil ;
4°/ que tenue de mettre en oeuvre tous les moyens utiles pour assurer la sécurité des biens de son client, une entreprise de télésurveillance est tenu d’une obligation générale d’information et de conseil l’obligeant à porter à la connaissance de ce client la moindre anomalie découverte lors d’une intervention sur le site dont il a la charge, rendue nécessaire par le déclenchement de l’alarme ; qu’en exonérant la société de télésurveillance dont l’agent avait découvert lors d’une intervention de cette nature qu’une des deux portes d’une bijouterie n’avait pas été fermée à double tour contrairement à l’habitude, de cette obligation d’information et de conseil à l’égard du client, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;
5°/ qu’en qualifiant d’« intempestif » le déclenchement de l’alarme dans la nuit du 9 août 2007 cependant qu’elle avait constaté que celui-ci avait justifié une intervention de l’agent de surveillance lequel avait découvert, en l’absence d’effraction, qu’une des portes de la bijouterie n’avait pas été fermée à double tour contrairement à l’habitude et que, le lendemain 10 août, la bijouterie avait été cambriolée sans davantage d’effraction, sans préciser les constatations lui permettant de retenir ce caractère « intempestif », la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard de l’article 1147 du code civil ;
6°/ qu’après avoir constaté que l’agent de surveillance s’étant déplacé sur site après déclenchement de l’alarme avait constaté qu’une des deux portes de la bijouterie était fermée à double tour, contrairement à l’habitude mais avait avisé le bijoutier de son passage sans porter l’anomalie à sa connaissance, la cour d’appel devait rechercher, ainsi qu’elle y avait été invitée, si faute de disposer de cette information, le bijoutier avait été privé d’une chance de prendre sans délai les dispositions utiles pour la préservation de ses biens, telles que le remplacement des serrures, le renforcement de la surveillance par une présence physique prévue au contrat, la demande de rondes auprès des services de police ou de gendarmerie... ; qu’en écartant tout lien de causalité sans procéder à cette recherche, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard de l’article 1147 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que dans ses conclusions d’appel, la bijouterie contestait expressément que le manquement invoqué ait pu faire seulement perdre une chance ; qu’elle n’est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures ;
Attendu, en second lieu, que l’arrêt retient qu’il ne peut être déduit avec certitude de la fermeture à un seul tour de la porte, imputable éventuellement à une négligence, ni que le ou les auteurs du cambriolage ont procédé la veille des faits à un repérage, ni que la connaissance de la remarque de l’agent, plus que celle du déclenchement intempestif de l’alarme, aurait alerté la propriétaire, alors qu’aucune trace d’effraction n’existait, que les deux portes étaient fermées et que le vol des clés au domicile de l’employée était ignoré ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir l’absence de lien de causalité et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les cinq premières branches, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen irrecevable en sa sixième branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bijouterie X... aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Allianz la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour la société Bijouterie X...
Il est fait grief à la Cour d’appel de BESANCON d’avoir débouté la SARL BIJOUTERIE X... de son action en responsabilité civile dirigée contre la SARL SECURITE GARDIENNAGE TELESURVEILLANCE assurée auprès de la Compagnie AGF aux droits de laquelle vient la Compagnie ALLIANZ et, par conséquent, d’avoir condamné la SARL BIJOUTERIE X... à payer, outre les dépens, une somme de 1. 000 ¿ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de télésurveillance stipule que la SARL SECURITE GARDIENNAGE TELESURVEILLANCE SAGE surveille 24 h sur 24 h depuis son centre de télésurveillance le magasin, que toute information ou message sera traité conformément aux consignes lesquelles sont relatives aux horaires de mise en service, aux tests, à la procédure en cas de déclanchement de type “ intrusion “ sans indication sur le mode habituel de fermeture et les précautions prises par le propriétaire et son employée ; que le procès-verbal de gendarmerie permet de retenir qu’il n’y a pas eu effraction, que l’alarme s’est déclenchée une fois que les auteurs se sont trouvés sur les lieux, que la veille l’agent de sécurité intervenu suite au déclanchement intempestif de l’alarme avait constaté que la porte du couloir était fermée à double tour mais qu’il n’avait eu en revanche qu’à faire un tour de clé pour entrer dans le bureau contrairement à l’habitude ; qu’il en ressort également que la propriétaire Mme X... a été avisée par l’avis de passage de cet agent posé sur son bureau et qu’elle a affirmé avoir fermé la porte à double tour en partant ; que l’enquête a révélé que le trousseau de clé de l’employée avait été volé à son domicile en son absence ; que les enquêteurs ont alors émis l’hypothèse que le ou les auteurs, après avoir dérobé lesdites clés, ont d’abord effectué un essai d’ouverture de la porte la veille avant de revenir le lendemain ce que la personne interpellée grâce aux traces ADN laissées sur les lieux n’a ni confirmé ni infirmé ; que s’il est certain que les clés volées ont bien permis de commettre ce vol sans effraction, il ne peut être déduit avec certitude de la fermeture à un seul tour de clé imputable éventuellement à une négligence, ni que le ou les auteurs du vol ont procédé la veille à un repérage, ni que la connaissance de la remarque de l’agent, plus que celle du déclenchement intempestif de l’alarme, aurait alerté la propriétaire alors qu’aucune trace d’effraction n’existait, que les 2 portes était fermé et que le vol des clés était ignoré ; que ce n’est que rétrospectivement que les protagonistes de l’affaire ont donné à ce détail toute son importance alors que la veille du vol il n’était pas de nature à figurer dans un rapport d’incident, exigé selon le contrat pour des événements d’une certaine gravité ; que dès lors aucun manquement ayant concouru à la réalisation du dommage ne peut être reproché à la SARL SGS SAGE ;
1/ ALORS QUE manque à son obligation subséquente à une intervention consécutive à une alarme, de prévenir l’abonné “ en cas d’incident grave “, l’entreprise de télésurveillance dont l’agent s’était borné, après une intervention sur site causée par le déclenchement de l’alarme, à aviser le bijoutier abonné de son passage sans le prévenir du fait découvert lors de l’intervention qu’une des portes de la bijouterie n’était pas fermée à double tour contrairement à l’habitude ; qu’en décidant du contraire, pour écarter la faute de négligence, la cour d’appel a violé l’article 1147 ;
2/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE dans le doute la stipulation par laquelle une entreprise de télésurveillance s’est obligée lors d’une intervention intérieure sur un site dont elle dispose des clés, à prévenir l’abonné “ en cas d’incident grave “, doit s’interpréter contre la société de télésurveillance et en faveur du client professionnel d’une spécialité distincte ; qu’en décidant du contraire, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;
3/ ALORS TRES SUBSIDIAIREMENT QU’en présence d’une stipulation du contrat de surveillance limitant l’obligation d’une entreprise de télésurveillance de prévenir l’abonné en cas d’” incident grave “, il appartenait à ce prestataire de service dont l’agent s’était borné, après une intervention sur site causée par le déclenchement de l’alarme, à aviser le bijoutier abonné de son passage sans le prévenir du fait qu’une des portes de la bijouterie n’était pas fermée à double tour contrairement à l’habitude, d’établir en quoi il ne s’agissait pas d’un incident grave au sens du contrat ;

qu’en jugeant au contraire, que la cliente ne rapportait pas la preuve d’un incident grave de nature à justifier son information, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil ;
4/ ALORS PLUS SUBSIDIAIREMENT QUE tenue de mettre en oeuvre tous les moyens utiles pour assurer la sécurité des biens de son client, une entreprise de télésurveillance est tenu d’une obligation générale d’information et de conseil l’obligeant à porter à la connaissance de ce client la moindre anomalie découverte lors d’une intervention sur le site dont il a la charge, rendue nécessaire par le déclenchement de l’alarme ; qu’en exonérant la société de télésurveillance dont l’agent avait découvert lors d’une intervention de cette nature qu’une des deux portes d’une bijouterie n’avait pas été fermée à double tour contrairement à l’habitude, de cette obligation d’information et de conseil à l’égard du client, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;
5/ ALORS QU’en qualifiant d’” intempestif “ le déclenchement de l’alarme dans la nuit du 9 août 2007 cependant qu’elle avait constaté que celui-ci avait justifié une intervention de l’agent de surveillance lequel avait découvert, en l’absence d’effraction, qu’une des portes de la bijouterie n’avait pas été fermée à double tour contrairement à l’habitude et que, le lendemain 10 août, la bijouterie avait été cambriolée sans davantage d’effraction, sans préciser les constatations lui permettant de retenir ce caractère “ intempestif “, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard de l’article 1147 du code civil ;
ET 6/ ALORS QU’après avoir constaté que l’agent de surveillance s’étant déplacé sur site après déclenchement de l’alarme avait constaté qu’une des deux portes de la bijouterie était fermée à double tour, contrairement à l’habitude mais avait avisé le bijoutier de son passage sans porter l’anomalie à sa connaissance, la cour d’appel devait rechercher, ainsi qu’elle y avait été invitée, si faute de disposer de cette information, le bijoutier avait été privé d’une chance de prendre sans délai les dispositions utiles pour la préservation de ses biens, telles que le remplacement des serrures, le renforcement de la surveillance par une présence physique prévue au contrat, la demande de rondes auprès des services de police ou de gendarmerie...) ; qu’en écartant tout lien de causalité sans procéder à cette recherche, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard de l’article 1147 du code civil.

Décision attaquée : Cour d’appel de Besançon , du 6 juin 2012

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