hervecausse

IV. La blockchain : un service, un service de paiement ? (Perspective colloque AFDIT, 4).



La blockchain peut-elle être un service ? On pose ainsi la question ici ou là mais, à notre sens, ainsi posée, la question ne veut rien dire, ou pas grand chose. La blockchain est un outil, un instrument, et non un service. En revanche on - on ? - peut s'en servir comme un service.

On ? Qui est "on" ?

Nécessairement une personne qui sera donc un prestataire de services, un professionnel.

Nécessairement une personne qui sera donc un client, un utilisateur, un consommateur.

La question posée amène du côté du professionnel.

A propos des blockchains monétaires (Bitcoin avec ses bitcoins), qui sont ouvertes et universelles, il est flagrant qu'il n'y a aucun prestataire, nous sommes dans un schéma révolutionnaire. La qualification de prestataire de services est illusoire et celle de service encore davantage. Un service existe en tant qu'il est activité d'une entité, du moins pour le droit européen qui donne la note de l'actuelle partition juridique.

On sait que la chose est différente si la blockchain est du type fermé ou semi-ouverte : il pourra ou il pourrait y avoir un prestataire ; en effet, il y a ou il y aura, de fait plus qu'en droit sans doute, au plan informatique, un teneur de système, un promoteur. Mais la blockchain privée, je parle d'elle en tant que genre, sur laquelle demain des millions de professionnels travailleront, ne sera qu'un diminutif apprivoisé de la blockchain publique.

Celle-ci est un grand félin aux mâchoires puissantes. On pense au jaguar. La blockchain privée ressemblera davantage au chat de gouttière. Il y aura des blockchains semi-publiques qui, elles, évoqueront le puma, ce grand chat sauvage.

La blockchain s'inscrit dans un mode de services professionnels, mais elle n'est pas un service professionnel, le dire est opérer une confusion de concepts. La blockchain rend ou incorpore des services mais de pair à pair, et quand je prête une échelle à mon voisin, il se trouve que j'échappe au domaine professionnel et au grand droit : le droit européen (des affaires).

On doit insister par ailleurs sur cette réalité des services. On se permet de renvoyer à quelques réflexions sur les services (Des idées juridiques à la rencontre du droit bancaire... et financier, Lexbase Hebdo Affaires, 1er déc. 2016, éd. Lexbase,). Au rang de quelques idées juridiques, autre réalité que je tente d'approcher, je souligne celle qui façonne la structure essentielle du droit des affaires : l'idée de services (art. préc., not. n° 35 et s.).

Même le contrat est en perte de vitesse car, ce qui importe, pour être une entité entrant dans un champ de régulation déterminée, c'est le type de service qu'elle rend . Pour jouer au plan européen, il faut savoir quel service vous rendez, et on prend les exemples qui nous sont familiers : service de paiement, services de dépôt, service d'investissement... service de crédit... à propos desquels une part de la doctrine ignore encore que les crédits sont des services.

Voir cette publication, vers Lexbase


Une fois le ou les services déterminés, une fois l'activité de l'entité développée, elle peut accéder en toute clarté et sûreté au marché européen (avec en perspective le droit de la compliance (voyez la note ci-dessous), et pour ceux qui ont travaillé en colloque, revoyez l'intervention de Massimo ATTORESI (de l'European Data Protection Supervisor) qui a souligné ce fait et du coup rejoint notre analyse).

Ce fait est vrai pour tous les grands domaines économiques.

Les étudiants qui ont une ambition, ceux qui veulent entrer dans de organisations stratégiques, grandes ou vouées à le devenir, doivent considérer l'univers des services. Les services comprennent les contrats d'hier mais aussi ceux de demain, à créer presque librement justement dans ces cadres de services.

C'est en effet dans ces cadres que les juristes de demain (et déjà d'aujourd'hui), auront à travailler, à décider et à créer. Cela les invite à dépasser leur matière de prédilection, quel que soit leur domaine (bancaire, commerce, industrie, santé...), les données dite data et big data seront un élément de travail, l'informatique une structure fondamentale et la blockchain un outil.

Mais, pour débuter, il importe de ne pas confondre chiens et chats, services et prestataires de services et de ne pas voir de prestataires de services quand il n'y a que des usagers de blockchain...

Quel monde passionnant s'ouvre ainsi aux plus jeunes juristes... si tant est que quelques vieux crocodiles ne les empêchent pas de voir le droit en face dans toute sa splendeur.





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PS, je terminerai cette série de 5 billets sur la blockchain en publiant mon working paper pour l'auditoire qui a assisté au colloque jusqu'à ses dernières minutes.


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