L’entreprise agréée pour les activités privées de sécurité ne peut pas exercer d'autre activité. L'exclusivité d’activité, avatar du monopole, trompe-l’œil du droit des affaires et réalité du droit des sociétés.



Une activité, c'est une activité. Un métier, c'est un métier !
Une activité, c'est une activité. Un métier, c'est un métier !
Pour divers motifs d'intérêt général, plus ou moins sérieux, le législateur impose à certaines entreprises (la plupart du temps des sociétés commerciales) qu'elles n'exercent qu'une seule activité, un seul métier. Voilà l'obligation d'exclusivité dans une version qui pas toujours étudiée.

Cette obligation d'exclusivité est en principe poser en condition pour obtenir un agrément (banques, assurances, entreprises de sécurité privée...) qui est une autorisation administrative d'exploiter telle entreprise. L'agrément et l'exclusivité se nourrissent des mêmes raisons : assurer un contrôle administratif initial et faciliter les contrôles annuels ou exceptionnels de l'exploitation.

L'obligation d'exclusivité est souvent modulée par le législateur. Certaines professions sont totalement exclusives d'une autre activité, ce que le public devine pour diverses professionnels que l'on verrait mal exercer plusieurs métiers (médecin, avocat..., ce qui déteint sur l'objet social des sociétés de ces professionnels : SCP, SELARL...). Le contrôle de cette obligation d'exclusivité se fait selon la même logique que la législation vise des personnes physiques ou des personnes morales.

L'exclusivité "lisse" l'ensemble de l’organisation de l’entreprise et des documents de l'entreprise. Toute tendue vers un métier, et un seul, elle est plus facile à contrôler. Ces dirigeants le sont tout autant quand cela a le même intérêt s'ils doivent eux-mêmes être agréés. La plupart du temps, cette exclusivité se traduira concrètement dans l’article relatif à l’objet social de la SARL, de la SA ou SAS…

Cette exclusivité est, dans la vie concrète des affaires, pour les sociétés commerciales, un mythe. Ainsi, les banques, qui doivent accomplir exclusivement des opérations de banque (la règle est ici simplifiée), n'hésitent pas à créer toutes sortes de filiales pour exercer de multiples métiers. Pour elles, la chose prête même à sourire car ces activités sont souvent en concurrence avec leurs clients. Un banquier champenois peut ainsi acheter une maison de champagne et concurrencer ses clients viticulteurs, élaborateurs, récoltants-manipulants...

La violation de l’exclusivité par l’entreprise qui y est obligée est également un monstre au pied d’argile. Si l’entreprise dépasse ses activités, en concluant un contrat avec un tiers, ce contrat ne sera probablement pas annulé. Le tiers ne pourra pas invoquer la violation de l’exclusivité, par l’entreprise, alors même que la loi l’oblige à ne pas avoir d’autres activités et selon une règle d’ordre public. Cela a été jugé pour les banques il y a quelques années et vient de l’être pour les entreprises d’assurance (Cass. com. 7 avril 2009, pourvoi n° 07-18907).

L'exclusivité est ainsi, selon nous, une exigence davantage ancrée dans le formel que dans la réalité : l’exclusivité juridique n’est que rarement économique et commerciale. Cela tient à la liberté de presque toute société de détenir une participation – des droits sociaux – dans une autre société (1%, 5%, 34 %, 51%, 67 %...). Un banquier peut ainsi créer une chaîne de commerces vendant de la lingerie fine, des alcools ou de la télésurveillance (...suivez mon regard...).

Ces choses étant dites, l'intérêt pratique de l'exclusivité s’observe alors mieux. Les acteurs du monde des affaires savent la détourner et la contourner, ce qui en donne l’exacte mesure. L’exclusivité a finalement un rapport très étroit avec la théorie des personnes morales. Son objectif est d’obliger à recourir à une structure sociétaire donnée pour telle activité. L’exclusivité n’est alors qu’une technique législative permettant d’isoler un métier, des pratiques contractuelles, un type de salariés, une comptabilité, un ou plusieurs dirigeants sociaux… une activité jugée "sensible".

Les principales sanctions sont pénales voire administratives (retrait, réduction ou suspension d’agrément).

Si la théorie des personnes morales avaient un peu plus évolué, en connaissant par exemple les « compartiments d’activités », isolés sur les plans comptables et juridiques, l’exclusivité pourrait s’appuyer sur cette technique (à noter qu’il existe des OPCVM à compartiments : le droit de l’argent a souvent un peu d’avance sur le droit commun). A défaut de cette technique ou d'une autre, qui pourrait être une souplesse, l’exclusivité est un piège à personne morale qui se traduit souvent par des sanctions pénales dont le législateur, de quelque bord qu’il soit, à la mauvaise manie de flanquer partout.

L'arrêt ci-dessous n'en est que plus intéressant, puisqu'il montre un cas, d’un pauvre diable embarqué dans une procédure pénale pour violation de l’exclusivité de l'entreprise de sécurité qu'il dirigeait.

Dans la loi du 12 juillet 1983, relatives aux activités privées de la sécurité et aux entreprises qui s’y consacrent, on retrouve de très nombreuses sanctions pénales renforcées et multipliées par la loi dite SARKOZY de 2004, lequel a, quelques mois après, entonné le chant de la dépénalisation du droit des affaires….

La procédure a été a priori assez mal montée par le parquet qui trouve une chambre criminelle indulgente. La violation de l'activité d'exclusivité résulte ici de l'affectation d'un salarié auprès d’une entreprise mais non en tant qu'agent de sécurité. Les faits manquent un peu de netteté. On comprend que l'entreprise de sécurité ne pouvait "placer" chez son client que des agents de sécurité et non des agents d'accueil. Le « placement » d’une secrétaire n’est pas, pour l’entreprise de sécurité, fournir une prestation de sécurité ; en revanche, affecter un agent de sécurité pour l’entrée ou le bureau d’accueil du magasin de l’un de ses clients est légal. Surveiller n’est pas accueillir.


Cet arrêt ne montre à notre sens qu’un petit travers de ce secteur professionnel. Le vrai problème de ce domaine tient à ce que de très nombreux agents de sécurité, qui s'ennuient souvent à simplement surveiller (...), sont souvent employés à d'autres petites tâches. . Les salariés et syndicats de l’entreprise d’accueil manquent peut-être de vigilance sur ces agents de sécurité qui finissent par diriger les clients, organiser le parking, arroser le jardin, remplir les bacs à papier de photocopieuses... En effet, si la personne morale est soumise à l’obligation de ne rendre que des prestations de sécurité, par a fortiori et par nature, le salarié ne peut pas plus que son employeur. Sur le terrain, il ne peut lui-même qu’accomplir une prestation de sécurité.

On est loin en pratique de cette situation. La violation de la loi de 1983 est à notre sens quotidienne et, depuis 10 ans, le citoyen peut observer cette dérive. Mais cette violation est également souvent vénielle. La règle de l'exclusivité interdit à l'entreprise de faire autre chose que de fournir des services de sécurité et, en conséquence, l'agent de sécurité n'a rien à faire d'autre que de se livrer à son activité de sécurité (sauf les agents et personnels administratifs de l'entreprise de sécurité).

Encourir quelques années de prison pour cette violation de l'exclusivité, outre l'amende, outre le retrait d'agrément... voilà des sanctions au total exagérées et souvent distribuées de façon injuste quand, dans une affaire, une partie civile excite le parquet à moins qu'il ne se serve lui-même de cela pour attraper une entreprise qu'il suspecte de mal travailler sans prendre le temps d'en faire la démonstration.

Il n'y a pas pire que les lois qui s'appliquent pour les seuls cas où l'on veut "s'occuper" de quelqu'un... Il n'y a rien de pire que la violation de l'égalité républicaine, qui doit être réelle et concrète. Mais on s’éloigne de l’arrêt par des spéculations de mauvais aloi…



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Arrêt emprunté à la base publique Légifrance

Cour de cassation chambre criminelle
Audience publique du 17 février 2009
N° de pourvoi: 08-84167

Non publié au bulletin
Rejet
M. Joly (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA SOCIÉTÉ MULTI PROTECTION SÉCURITÉ,

contre l’arrêt de la cour d’appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 1er avril 2008, qui, pour infraction à la réglementation relative aux activités privées de sécurité, l’a dispensée de peine ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des des articles ter et 14, § I, 2°, de la loi n° 89-629 du 12 juillet 1983, 121-2 du code pénal, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société Multiprotection sécurité (MPS) coupable d’avoir exercé simultanément une activité de protection, gardiennage, transfert de fonds et une autre activité ;

”aux motifs que Peggy X... a été recrutée par la société MPS, le 19 mai 2005, en qualité de “secrétaire d’accueil” et affectée à la société Faurecia en tant que “secrétaire d’accueil”, et non en tant qu’”agent de sécurité”, travaillant donc en civil et sans aucun signe distinctif faisant référence à “la sécurité” ; que ce n’est que le 6 février 2006 que la société MPS a adressé le dossier de Peggy X... à la préfecture, afin qu’elle obtienne l’avis d’autorisation d’employer cette salariée à des activités de surveillant et de gardiennage ; que le préfet a renvoyé un avis favorable à la société MPS le 8 mars 2006 ; qu’il est donc constant qu’avant cette date, la première constatation de la présence sur le site de Peggy X..., sans qu’elle soit pourvue d’un signe marquant son appartenance à une société de surveillance, a été faite le 7 mars 2006, à une période où Peggy X... ne pouvait donc être autorisée à exercer en qualité “d’agent de sécurité” puisque son employeur n’avait pas encore reçu d’autorisation préfectorale, raison pour laquelle elle était affectée à Faurecia pour des activités excluant toute référence à la fonction d’agent de sécurité, ce dont l’employeur était conscient et qui l’avait ainsi amené à transférer à la société Faurecia une salariée chargée de l’accueil, en qualité d’hôtesse, et non de sécurité ou surveillance, la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 étant ainsi transgressée puisque la société MPS se trouvait en état d’exercice simultané d’une activité de protection et gardiennage (d’autres salariés étant affectés sur le site à ce titre, en uniforme) et une activité de secrétariat d’accueil, exercée par Peggy X..., en civil et sans aucun signe distinctif ; que les mêmes conditions de travail ont été perpétuées après la réponse préfectorale du 8 mars 2006 puisque le contrôle du 13 décembre 2006 constate la même situation et que la “régularisation” intervient alors rapidement, le 4 janvier 2007 ; que l’infraction a donc continué postérieurement aux 7 mars 2006 et 8 mars 2006 ; qu’en ce qui concerne la définition de l’infraction, l’article 14.1-2° de la loi du 12 juillet 1983, modifié par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, réprime le fait de fournir en services l’une des activités mentionnées aux articles 1-1° et 1-2° de ladite loi (en l’espèce, art. 1-1° : service ayant pour objet la surveillance humaine) et d’avoir en outre une activité qui n’est pas liée à la sécurité, ce qui est manifeste lorsque cette autre activité, telle celle de simple accueil, est simultanément fournie avec une fonction et un personnel de surveillance au même utilisateur par le même salarié ; qu’aucun contrat d’activités privées de surveillance et de gardiennage n’a été formalisé entre la société MPS et la société Faurecia ; qu’il ressort cependant de la procédure que la société MPS employait Peggy X... à mi-temps, en ses propres locaux, en tant que secrétaire, ainsi que l’a expressément déclaré Mme Y... lors de l’audience devant le tribunal correctionnel, l’autre mi-temps étant affecté à la société Faurecia, a dit la gérante, en tant “qu’hôtesse d’accueil et agent de sécurité” ; que, sachant que la société MPS ne pouvait affecter cette salariée en tant qu’agent de sécurité avant le 8 mars 2006 (autorisation préfectorale) et n’ayant en outre rien modifié jusqu’au 4 janvier 2007, la société MPS, société de surveillance et de gardiennage, tout en fournissant des services à la société Faurecia, conformément à l’article 1-1° de la loi du 12 juillet 1983, se livrait aussi, par une telle utilisation de sa salariée dont le service de secrétariat-hôtesse était fourni, à une autre activité ;

”1°) alors que le tribunal correctionnel ne peut statuer que sur les faits relevés par la citation directe qui l’a saisi ; qu’en l’espèce, la société MPS a été citée pour avoir, le 13 décembre 2006, exercé simultanément une activité de protection, gardiennage, transfert de fonds et une autre activité ; que, pour déclarer la prévenue coupable des faits reprochés, la cour d’appel a constaté que la société MPS n’avait pu affecter Peggy X... en tant qu’agent de sécurité, avant le 8 mars 2006, date à laquelle elle a obtenu l’avis d’autorisation d’employer ladite salariée à des activités de surveillance et de gardiennage ; qu’en se fondant sur des faits étrangers à ceux visés à la prévention, la cour d’appel a statué en violation du principe de la saisine in rem des juridictions répressives, privant sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;

”2°) alors que les juridictions répressives ne sont pas liées par la qualification juridique des faits par les parties ; qu’en se bornant à relever que l’argumentation de la gérante de la société MPS, Mme Y..., consistant à soutenir que Peggy X... exerçait exclusivement des activités de sécurité et de surveillance, était en contradiction avec ses précédentes déclarations, d’une part, qu’aucun contrat d’activités privées de surveillance et de gardiennage n’a été formalisé entre la société MPS et la société Faurecia avant le 4 janvier 2007, d’autre part, sans rechercher par elle-même, comme elle y était pourtant tenue, quelle était la nature des fonctions exercées par Peggy X..., la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

”3°) alors que les juges doivent statuer sur tous les chefs de conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; que la société MPS soutenait à titre subsidiaire que l’on ne pouvait lui reprocher d’avoir exercé une « activité » non liée à la sécurité, la notion d’« activité » ne pouvant être caractérisée par la mise à dispositions d’un seul salarié ; qu’en omettant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d’appel a entaché sa décision de défaut de motifs” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Beauvais conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Besançon du 1 avril 2008
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