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La courbe de l'écriture juridique - un inédit pour une méthode juridique efficace. De la 1re année de droit au doctorat.



Ecrire en droit pour ne pas tourner en rond, pour déboucher sur quelque chose de précis, en passant par diverses idées et considérations, dont des textes normatifs (souvent nombreux), exige une méthode.

Une méthode qui dépasse l'un des modes de raisonnement(s) usuel(s), dont le syllogisme. Une méthode globale qui dépasse aussi le plan en deux parties.

Sur le plan en deux parties, qui est davantage un exigence qu'une méthode...

Pour les arrêts à commenter, je reste avec la méthode montpelliéraine qui était portée par Alain SEUBE : la scission de l'attendu principal. Voilà une méthode globale, largement ignorée, qui pourtant permet de commenter tout arrêt - bien rédigé, et sauf si les attendus sont multipliés pour ne pas régler un problème mais 3 ou 4...

Je vous suggère ici une autre méthode globale, celle qui peut s'inspirer, selon moi, d'une courbe de l'écriture juridique. Enfin, c'est plutôt la méthode qui inspire la courbe.

Je vous présente donc la courbe de l'écriture juridique.

Je signale que le syllogisme ne permet que rarement de construire un plan en... deux parties. Le syllogisme est un instrument technique, un argument et accessoirement une méthode de devoir. Il n'est donc pas une méthode de construction d'un devoir. Il est un mode d'argumentation comme l'argument a fortiori, a contrario, a pari...

Pour une méthode globale, je vous propose de réfléchir à un arc qui part du problème jusqu'à la solution.

La méthode vaut peut-être moins pour les analyses très théoriques et abstraites, encore que, en voulant analyser le Numérique je peux aboutir à la conclusion que l'ordre matériel auquel le Droit (actuel) a été destiné est, par nature, inapplicable à une nouvelle technique (plateforme, actif numérique, etc.). Mais passons cette difficulté.

Pour la plupart des consultations (approfondies, pas celle académiques ou du CRFPA), des études, des commentaires de textes, la méthode que je vous présente est souvent utilisable.

La philosophie de cette méthode repose sur l'immanence qui a tant marqué Aristote. Le Droit, le droit aussi, vient des problèmes. S'il n'y avait pas de problème à régler, il n'y aurait pas de droit - de Droit. Dit plus simplement, la difficulté à surmonter vient du problème posé (problème concret, humain, technique, économique...).

Une personne se demande ce qu'elle doit faire, et notamment si elle a le droit de... ou si un autre a le droit de lui faire ceci ou cela...

Il ne faut pas considérer les faits comme un détail : tous les faits problématiques sont à l'origine du Droit et des droits subjectifs. On le redira.

Au bas de la courbe est le contexte du problème, c'est (très généralement) l'histoire d'une personne - d'une société, d'une fondation... l'histoire d'un institution ou de son président, secrétaire général, l'histoire d'une association et de ses membres, ou de ses salariés...

Chaque point ou temps "t" peut mériter 10 lignes ou 10 pages, je ne sais pas si ce facteur aléatoire ne va pas perturber la compréhension de cette note.



Point zéro (t 0) de la courbe : le contexte du problème.

Exemple : M. X a hérité d'une somme d'un million d'euros d'un légataire et il a eu besoin de se faire conseiller pour savoir où et comment affecter cette somme, sachant qu'à 50 ans il n'avait pas de besoins particuliers
. Le droit n'est pas une superstructure intellectuelle et abstraite au dessus des faits, sauf chez certains intellectuels qui ne rédigent aucun contrat, ne plaident pas, ne consultent pas...

Si vous n'avez pas cela en tête tout le long du devoir, du travail à écrire, vous manquez d'être juriste... Vous ferez comme nombre d'auteur qui font une sorte de droit sur du droit, ce qui ne veut rien dire et ne sert à rien. On fait du droit sur des problèmes qui se posent, d'où la nécessité d'énoncer le problème (de droit).

Première leçon. Le point zéro de la courbe est le contexte du problème exprimé en termes clairs.
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Point t 1 : Expliquer le problème dans sa réalité politique, économique, psychologique, humaine...

Un problème de droit résulte d'une difficulté... sociale, a-t-on envie de dire, quoique le mot soit galvaudé.

Il s'agit là de s'inscrire dans le courant de la vie : le juge voit mille personne qui demandent la responsabilité de la banque qui exige le remboursement du prêt. C'est une chose commune, et inévitable dans le monde actuel. Le problème est banal.

Le juge ne voit qu'une fois dans sa vie, par exemple, un père devenu femme demander la reconnaissance de sa maternité... ou une chose de ce genre. Le ton de l'analyse, les réactions qu'elles suscitent ne sont ici pas banales.

Ainsi, il faut saisir l'ampleur du conflit, sa dynamique, sa réalité profonde. Il faut savoir de quoi on parle !

Les introductions trop courtes peuvent ainsi signer un... esprit trop court.

2e leçon. Le point t 1 de la courbe est le problème humain (psychologique, moral, économique, social) posé.
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Point t 2 : Mais qui est cette personne et que veut-elle ?...

Nombreux sont les juristes qui font du droit sur du droit : ils croient ainsi penser du droit. Penser le droit.

Penser du Droit, c'est possible, mais c'est donné à très peu de personnes. Un docteur qui vient d'être récompensé par un doctorat se rend souvent compte qu'il sait des choses, qu'il fait de beaux plans, d'excellentes remarques... mais qu'il qu'il n'a rien conçu (une note est à paraître sur l'apport à la science juridique par de nouveaux concepts).

Et pourtant il a réussi brillamment ses études !

Alors, il s'agit de prendre les choses à leurs racines, et de ne pas faire du droit sur du droit (seulement avec des livres de droit), de la mauvaise théorie. Il faut considérer le fait qui prête à discussion.

On a un discours plus juridique : le sujet principal demande de l'argent, un prix ou un loyer..., des délais..., des travaux en nature, la reconnaissance d'un préjudice, un changement de nom, l'annulation d'un contrat...

Sans cet aspect-là il n'y a pas de raison de faire du droit.

Si personne ne demande rien à personne, ou n'est susceptible de ne rien demander à personne (sujet de dissertation : Les droits du propriétaire su la chose louée par bail ; la méthode vaut pour une dissertation).

b[3e leçon. En point t2, le problème de droit ou la question juridique posés sous son aspect social : ce que demande, ce que veut la partie (lato sensu le sujet).]b
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Point t 3 : La formulation du problème de droit

Ce point est évidence dans un arrêt à commenter. Mais pour tout sujet, il y a lieu de problématiser (excusez-moi, cela fait un peu intello). Cette fois, le problème est juridique, la phrase est juridique, le style est juridique.

On ne va pas ici préciser les méthodes du commentaire d'arrêt. A l'inverse, on prend un sujet qui pourrait être une dissertation ou une partie de mémoire ou de thèse. Nous arrivons à devoir traiter : L'exploitation des terres agricoles.

Un problème de droit précis ne découle pas de cet énoncé. Il faut donc trouver un problème pour servir un discours. Le problème ne tombe pas du ciel, il reflète les difficultés des personnes qui ont à exploiter des terres agricoles, ou bien des voisins ou encore des pouvoirs publics. Tout dépend du sujet du mémoire ou de l'endroit de la thèse dans lequel vous vous trouvez. On peut ainsi avoir comme problème :

De quelles façons les pouvoirs publics appréhendent l'exploitation des terres agricoles ? La question est posée ; dans cet exemple ce sont les pouvoirs publics qui ont un problème. Il faut répondre. On pourra répondre... par une surveillance des exploitations (I) et sur le terrain des terres cultivées (II). Pour chaque aspect, il faudra traiter le sujet en soulignant des problèmes précis et concret et en citant les sources...

4e leçon. Au point t 3, le problème de droit posé en termes précis et clairs est posé par un sujet .
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A suivre.


Point t 4 : Comment débuter l'analyse juridique ? En sacrifiant aux sources du droit, il faut les réciter.

Dans une analyse brève, une copie de fac, après la question de droit on aligne deux assertions qui signent le plan. Dans une analyse plus détaillée, d'un problème un peu épais, ils faut citer les sources du droit.

La chose est d'autant plus importante que le couple loi/décret a été remplacé par une pluralité de source avec les textes européens au-dessus" et des actes subalternes "dessous" (droit mou). En outre, tous les dix ans les dispositions changent.

Quelle surprise de voir des auteurs commenter un arrêt de 2018 sur la carte bancaire en utilisant une décision de cassation rendue sous le droit applicable en 1999, lequel a depuis lors changé 2 fois, dont une fois en totalité ! Les éditeurs peuvent publier cela, puisque des auteurs l'écrivent. Et voilà 3 arrêts comparés et présentés comme constituant une suite alors que chacun a été rendu sous l'empire d'un droit à chaque fois différent.

Le fait de citer les textes applicables éviterait ce mélange dangereux pour les clients de la banque et la banque, le risque d'un long contentieux se profilant...

Le texte se présente en général ; la ou les dispositions applicables se présentent plus spécialement, au moins sont citées.

L'analyse des sources impose également de citer les décisions de justice qui sont essentielles pour le sujet. La jurisprudence d'abord, et les auteurs ensuite. La suite pour dans 10 jours...

5e leçon. Au point t 4, les principales sources du droit seront exposées en toute objectivité.
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A suivre.






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En illustration la célèbre courbe de Laffer.
Je ne sais si c'est elle et son célèbre auteur qui m'ont inspiré.
Un jour, j'ai mis au tableau cette courbe pour concrétiser des propos, sans doute étonner qu'on puisse ne pas traiter un sujet...





Point t 5 : les solutions doctrinales, un bon moyen d'engager un débat de fond

Ce point est difficile à mener sur un exercice court (une copie). Mais il est fréquent que "la doctrine" se divise, c'est même indispensable et démocratique.

Quand, pour un problème de droit, concernant une posssibilité, des auteurs ne sont pas d'accord sur la solution à retenir, c'est du pain béni.

Cela permet d'ouvrir le débat, et cela vous permettra d'y participer - plutôt modestement et en fin de devoir, après avoir examiné tous les termes de la discussion. Autrement dit, on se moque de votre opinion ! Inutile de la "balancer" en plein milieu de copie.

Ce qui intéresse, c'est votre capacité à trouver les termes du débats, à les ordonner, à les trier, à les exprimer dans une langue compréhensible (ouf !) et, à la fin, et à la fin seulement de vous voir, le cas échéant, opiner.

Problème : les étudiants ne lisent pas, ne connaissent pas les auteurs, ne lisent guère les revues... ils ont donc peu à dire. Alors, trouver des opinions d'auteur divergentes !!!

6e leçon. Au point t 5, le problème de droit est présenté à travers les systèmes que les auteurs retiennent et qui poussent à une solution ou à une autre .
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A suivre.


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