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Le droit fondamental de l'associé (minoritaire) de s'exprimer (CEDH, 30 juin 2020)



La société technocratique élaborée notamment avec les règles de droit procède du moralisme, de l'infantilisation et très souvent des limitations étonnantes des libertés. Dans chaque lieu, sections de la société, castes diraient les mauvaises langues, de bons esprits tentent de supprimer l'adversaire. L'un des moyens de supprimer l'autre, dans la société moderne, est de le réduire au silence - morale ou physique, publique ou privée, associative ou commerciale, productive ou culturelle.

On en viendrait même à reprocher à un avocat de considérer qu'il est bien difficile de faire confiance à la Justice, ou bien regrettable que les juges ne connaissent le droit que depuis les bancs de l'école (qu'elle soit appelée faculté ou école nationale), ou qu'il est anormal que les Palais de justice laisse s'échapper toutes les informations d'un dossier pénal sensible...

Les gens qui ne pensent pas correctement devraient être "effacés" pour laisser place à la pensée moyenne, admise, convenable... Non pas la pensée unique mais, pire, la pensée dominante. Le dogmatisme de la pensée unique signale son danger, la pensée dominante se pare, elle, du masque de la tolérance alors qu'elle est souvent le témoignage de l'intolérance.

Les atteintes à la liberté finissent par se réaliser dans des relations humaines que l'on croyait vraiment libres : plus franches et vraies, plus directes et vives, plus clairsemées de la vérité que donne la vive oralité des échanges intenses.

Dans la vie des sociétés, on pouvait penser que la liberté de parole était de mise ; il est exagéré de parler de "démocratie actionnariale", l'expression témoignant toutefois d'une idée principale : les associés doivent pouvoir échanger, discuter, interroger - s'interroger. Peu importante ici la nuance entre associé et actionnaire, même si le type de société peut, en revanche, importer.

Sauf quelques exceptions, le principe est que le débat est libre et notamment à partir des documents accessibles aux associés (droit d'information) et a fortiori à partir des informations publiques (révélées par les médias).

Pour la Cour européenne des droits de l’Homme la condamnation civile de l’actionnaire minoritaire d’une société, pour avoir critiqué son dirigeant dans la presse, a violé le droit à la liberté d’expression (CEDH, 30 juin 2020, n°1768/12, Petro Carbo Chem S.E. c./ Roumanie).

L'actionnaire minoritaire peut être une personne physique ou morale, comme dans ce cas. Il peut formuler des critiques publiques alors surtout que, en l'espèce, ses propos concernaient une question d’intérêt général. L'aspect d'intérêt général peut résider, comme ici, dans la libre circulation d’informations et d’idées dans le domaine des activités de sociétés commerciales puissantes et de la responsabilisation des dirigeants de ce type d’entreprises. Le juge qui condamne un actionnaire minoritaire qui s'exprime dans ce contexte viole donc l’article 10 relatif à la liberté d’expression de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. La Cour procède toujours et cependant à de nombreuses vérifications, considérations et mesures, l'amateur a de quoi s'investir...

Selon Actualités du droit, cet arrêt "s’inscrit dans la lignée dans de ceux rendus par la Cour le 7 février 2012 (CJUE, 7 févr. 2012, n° 40660/08 et n°60641/08 et n° 39954/08, Axel Springer AG c. Allemagne)" :

Résumé par Actualités du droit par Lionel Coste

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