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Le juge-commissaire ne peut pas juger caduque la déclaration de créance du créancier non-comparant (Cass. com., 20 avril 2017)



L'article 468 du CPC (ci-dessous) permet de sanctionner la citation en justice du demandeur si ce justiciable ne la soutient pas (défaut de comparution personnelle / absence d'avocat le représentant). Le texte invite les personnes qui saisissent une juridiction à ne se moquer ni du juge, ni de l'adversaire. Si une personne qui assigne en justice ne comparaît pas elle peut donc être sanctionnée par la caducité de la citation.

La forme la plus connue de la citation en justice est l'assignation. Mais la déclaration de créance est également analysée comme un acte de saisine judiciaire, ce qui a donné une jurisprudence nourrie quand elle est faite par un mandataire, justement à raison de ce caractère judiciaire (qui relate la gravité de l'acte).

La déclaration de créance est donc une demande en justice qui permet de participer à la procédure collective. Son objet est de décider de l'avenir de l'entreprise en difficulté. Pour cela, il faut établir le passif, les dettes, d'où l'exigence d'une déclaration de créance pour chaque créancier identifiant la ou les créances.

Toutefois, la Cour de cassation juge, dans un arrêt du 20 avril 2017 (mis en ligne sur le site de la Cour), que la procédure qui se tient devant le juge-commissaire lorsque la créance est contestée ne permet pas d'appliquer l'article 468 du CPC, quoiqu'il soit un texte général.

Le raisonnement se fait en trois temps et aboutit à une conclusion / une position claire :

"les créanciers du débiteur en redressement judiciaire n’ayant aucune diligence à accomplir une fois effectuées leurs déclarations de créances,", les textes spéciaux ne prévoient aucune diligence supplémentaire alors qu'on comprend bien que la déclaration de créance est déjà une obligation lourde et lourdement sanctionnée...

"les opérations de vérification des créances incombant au mandataire judiciaire, agissant comme représentant des créanciers, et la direction de la procédure de contestation de créance leur échappant,", voilà le coeur de la motivation : la procédure de contestation échappe au créancier déclarant, à raison même de la nature profonde de la procédure : elle est collective !

le "défaut de comparution du créancier déclarant à l’audience du juge-commissaire, saisi par le mandataire judiciaire de la contestation de sa créance", en premier lieu, ce n'est pas parce que on se trouve mis en cause et que l'on ne répond pas que l'on perd son procès, en second lieu et surtout ce n'est pas le créancier qui saisit le juge-commissaire mais le mandataire de justice qui conteste la créance ce dont il peut s'abstenir...

vient alors la conclusion que nous avons reportée :

"la caducité de la citation prévue par ce texte (468 CPC) n’est pas applicable"

Conclusion pratique : les créanciers ayant à gérer des centaines de créances ne sont pas obligés de se faire représenter à l'audience du juge-commissaire portant sur la contestation des créances, ce qui ne veut pas dire que cela soit le meilleur choix, sachant qu'une correspondance avertissant de son défaut de comparution peut être une politesse utile rappelant que la déclaration a toute sa vigueur (la demande est maintenue, les pièces utiles étant transmises : contrat, bon de commandes, reconnaissance de dette...).

Conclusion théorique : l'esprit de la procédure collective est pris en compte par la haute juridiction ; cet esprit conduit à observer que le demandeur n'a pas la maîtrise de la procédure comme dans un procès qu'il a initié mais qu'il en est un acteur au second plan puisqu'il a officiellement un représentant, le représentant des créanciers.

Voilà un peu de simplicité qui semble la bienvenue...

Code de procédure civile

Article 468
Modifié par Décret 86-585 1986-03-14 art. 1 JORF 19 mars 1986

Si, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas, le défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire, sauf la faculté du juge de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure.
Le juge peut aussi, même d'office, déclarer la citation caduque. La déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours le motif légitime qu'il n'aurait pas été en mesure d'invoquer en temps utile. Dans ce cas, les parties sont convoquées à une audience ultérieure.

Le juge-commissaire ne peut pas juger caduque la déclaration de créance du créancier non-comparant (Cass. com., 20 avril 2017)

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