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New responsabilité boursière

Il y a un an je publiais un substantiel réquisitoire technique sur la jurisprudence de la chambre commerciale en matière de responsabilité boursière. On peut considérer avoir été entendu.



Commentant une dernière jurisprudence, notre collègue le Professeur Thierry Bonneau confirme un changement que, pour ma part, je n'osais publier de crainte d'être le seul à voir une évolution personnellement souhaitée. L'infléxion est notable, il est néanmoins peu probable que, dans l'immédiat, les juges de Nîmes, de Rethel ou de Saint-Pierre-et-Miquelon en voient l'intérêt. Comme j'y avais invité la Haute Juridiction, l'article 533-4 du code monétaire et financier fait son entrée en piste en conservant dans le visa l'article 1147 du code civil. La satisfaction est donc grande puisque, à ma connaissance, j'avais été le seul à appeler à une sérieuse refonte de la jurisprudence dite Buon, de 1991, qui paraissait le seul cadre de la responsabilité boursière (ça s'appelle la recherche juridique). Cette position ne date pas d'hier. Une première publication, dans l'hebdomadaire de L'Agefi (MTF Haute Finance), soulignait la nouvelle responsabilité des établissements financiers. Mais L. 533-4, qui n'est certes pas aisément utilisable (langue de la CEE...), était resté dans l'ombre. Ce changement jurisprudentiel se fait en parallèle de l'évolution, subtile pour ne pas dire compliquée, de la responsabilité du banquier s'agissant de l'emprunteur profane. Désormais, l'emprunteur averti ne peut pas reprocher au banquier de lui avoir octroyé un crédit qu'il lui a, lui-même et évidemment, demandé. Les deux évolutions n'ont pourtant probablement aucun rapport, sauf l'hésitation des juges face aux phénomènes de l'industrialisation financière : le client est un pièce à travailler, certains le ressentent, et acceptent de le protéger contre le banquier. La prudence du banquier a cédé la place au souci permanent d'alimenter les flux incessants qu'exigent la rentabilité et la constitution de champions européens. Le chemin parcouru par la nouvelle jurisprudence n'est pas très long, c'est plutôt la direction qui a changé. Le problème est que la Cour de cassation a pour l'heure eu à traiter - à nouveau - de l'obligation d'informer de constituer la couverture. Cela complique la compréhension de cette nouvelle jurisprudence dont on comprendrait mal qu'elle se cantonne à la question de la couverture, ce qui reviendrait à limiter les cas de risques devant faire l'objet d'une information ; il n'y aurait alors pas une évolution franche. Les arrêts à venir le diront. Poutant, la Cour semble par ailleurs être prête à cesser de rattacher l'obligation d'information aux opérations spéculatives sur les marchés à terme. Sa formule est pour l'amateur de ses arrêts non-équivoque ; pour le plus grand public juridique, elle devra être plus explicite. Là aussi, la voie que nous avions suggérée est empruntée. Les banquiers qui ne sont jamais pressés de faire du droit ignoreront - dans toutes les acceptions du verbe - ce changement avec superbe. Ce qui nous donnera l'occasion d'en reparler dans quelques années... ou mois. La difficulté sous-jacente est celle du critère générant l'obligation d'information. Le banquier n'a pas toujours les moyens d'identifier une opération risquée (la place n'a peut-être pas forcer pour se les donner...). Le juge est donc ennuyé car, à vouloir appliquer une protection, il craint de créer une obligation de mise en garde que le banquier vigilant ne pourrait pas exécuter. Ma critique de la jurisprudence Buon, juste à côté d'un article du Premier président de la Cour de cassation (in Mélanges Schmidt), était un appel à une autre optique. Il faut maintenant travailler au critère assurant que le banquier sait qu'un risque est pris et qui appelle de sa part, à tout le moins, une mise en garde. Cet aspect ne concerne peut-être pas les pertes boursières faites juste après une ouverture de compte et qui peuvent être rattachées à un défaut d'information pré-contractuel. Pour les clients qui ont été floués, la voie est désormais plus ouverte pour des actions en responsabilité. J'ai rarement été entendu lorsque j'ai prodigué ce conseil à des investisseurs défaits : attendez leur disais-je, la jurisprudence devrait évoluer. On y est probablement. Il reste à savoir l'exploiter ce qui ne sera pas aisé. Evidemment, tous les malheurs du monde ne peuvent pas être reprochés aux banquiers. Le principe, inamovible à mon sens (je ne cite pas les arrêts), est que plus-value et moins-value "appartiennent" à l'investisseur. On ne va pas menacer l'ensemble du système bancaire pour la Place boursière (Euronext ?), la cotation n'étant qu'un moyen parmi d'autres de financer l'économie (les entreprises). Il est vrai de surcroît que certaines pertes boursières sont principalement dues à la volonté de gagner de l'argent sans travailler, mais tout en faisant travailler dur les salariés - parfois voire souvent modestes - des grands groupes cotées...

Hervé CAUSSE
Lu fois

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