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Pacte, acte, accord, convention, traité, entente, protocole : des contrats ! De la langue juridique...



Pacte, acte, accord, convention, traité, entente, protocole : tous sont des contrats ! De la langue juridique, voilà ce qu'est le droit, le comprendre exige de la comprendre, de la manier, d'en étreindre la polysémie épuisante mais continuelle...

Le droit français est parfois tenu pour être écrit dans une langue belle, claire et précise. Ce jugement se porte sur le vaisseau amiral, le Code civil. On sait que les lois et les codes récents sont écrits à la va-vite avec la peur au ventre ; les administrateurs qui rédigent les textes tremblent de ne pas respecter telle directive européenne ou tel autre source, leur langue est donc lourde, longue, prudente et donc inélégante. Et pas plus claire pour autant. La codification à droit constant n'a pas nettement changé les choses.

Un autre jugement est ailleurs fait, très général, indiquant que les codes allemand (le BGB) et suisse (celui sur les obligations...) sont mieux rédigés que le Code civil français (J.-F. Gerkens, Droit privé comparé, 2007, Larcier, pp. 110-118). Ils savent notamment éviter les multiples équivoques de la polysémie avec laquelle, plus coquet que scientifique, l'esprit français joue voire abuse.

L'intitulé de cette brève analyse en atteste : les mots se multiplient pour désigner le contrat. Au point de consacrer parfois des expressions tautologiques ou sans fondement ; la pratique a ainsi fini par convaincre la Cour de cassation d'utiliser le charabia "protocole d'accord" (Cass. 1re civ., 16 sept. 2014, n° 13-19790, GAEC de Tozza) .

On vous épargne d'autres termes (le "plan" est le cas échéant un contrat multilatéral). Le contrat international, qualifié de "traité", sera jugé légitime, plus la culture est ancienne et internationale, moins la raison peut s'y attaquer ; mais le traité de fusion en droit des sociétés (C. com., art. L. 236-26) montre, lui, un emploi légal, mais ... on peut utiliser le terme "contrat" dans la pratique

Cette polysémie qui embrouille plus qu'elle n'éclaire, ne doit pas être confondue avec l'appellation ou la désignation des contrats. Dire "bail" c'est bien dire contrat. Le défaut est ici ailleurs : certaines institutions ont un nom, d'autres non ! Le législateur c'est un peu "Monsieur bricolage", il faudrait l'assister*.

Bon, voilà la polysémie signalée. Conséquences ? Des sujets et une façon de reconnaître les (vrais) juristes.

La langue juridique, voilà donc un beau sujet de dissertation qui peut se décliner dans diverses nuances de la langue, dans la diversité des mots, et qui aussi peut se décliner en (pertinentes) nuances linguistiques.

Sujets de dissertation, exemples.


"La langue juridique : qu'enseigne une introduction au droit privé ?" (L1) (La loi lato sensu, la loi elle-même stricto sensu ; Le Droit (objectif) ou le droit (subjectif) ; l'acte juridique : instrumentum ou negotium ; la jurisprudence ou les jurisprudences ? ; La coutume ou l'usage ?)

"La langue juridique du Code de commerce" (L2) (Contrats de commerce ? Non, actes de commerce ; Profit, bénéfices ou spéculation ? ; Comptes ou comptabilité ? ; Commerce (magasin) ou fonds de commerce ?) ;

"La langue juridique du droit des sociétés" (L3) (qui fait fort ! qui a dit apport ? ; Statuts ou contrat de société ? ; Objet social mais l'habituel objet de l'obligation ? Bénéfices ou économies ? ; Droit social, non, droits sociaux ; Parts, intérêts, actions ou titres ; Travail ? Non industrie) ;

"La langue juridique des titres de paiement" (M1) (Fondamental ! Et cambiaire ; Aval !? Pas banal ; Créance ? Non, provision ; Espèce ou les espèces ? ; Titres ou effets ? ; Paiement ou opération de paiement ? ; Instruments de paiement ou procédés convenus...).

Les exercices les plus académiques comme la dissertation, teintés d'une certaine difficulté (les sujets qui sont des intitulés de section sont intellectuellement stériles), permettent de voir celui qui a acquis la culture, l'art technique (quelques détails le vérifieront) et le sens de la règle à travers son aptitude à manier la langue juridique.

Au seul style juridique on sait si l'auteur d'une lettre ou d'un contrat (ou d'une copie) est juriste ou pas (juriste en herbe pour les copies).

Cette analyse est esquisse un contenu mais ne dit pas comment diviser le propos en 2 ou 3 parties. Méditez chers étudiants, ailleurs on vous y aide...

Le Petit Juriste, Réflexion sur le plan en deux parties
Réflexion sur le plan en deux parties

Sur le long chemin de la formation juridique, l'acquisition de la langue juridique conditionne celle des règles juridiques à appliquer. Voilà pourquoi il faut chasser de la pédagogie les cours de synthèse qui s'affichent, avec des couleurs, des points et des flèches, en style Powerpoint. Ils sont trompeurs. Ils réduisent les cinq premières difficultés toujours présentes, primaires, linguistiques, à une réalité simpliste inexistante.

La langue pratiquée en cours (magistral ou en TD) est un moyen d'acquérir ladite langue juridique , les bons ouvrages le sont autant. Mieux vaut deux jambes pour marcher. Voilà qui fait l'essentiel, ce qu'aucun livre en forme de manuel ne saurait résumer : la culture juridique.

Pacte, acte, accord, convention, traité, entente, protocole : des contrats ! De la langue juridique...

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Le législateur aurait besoin de centres ou instituts de recherches indépendants (et publics, désintéressés, et donc essentiellement universitaires) l'assistant pour le ramener à des choses simples. Il y a cinquante chose à faire de la sorte afin que "le politique", comme l'on dit, inspire à nouveau confiance ! Mais comme les énarques ne le savent pas et surtout ne veulent pas le savoir... on restera dans le flou technocratique administratif, sans atteindre la lumière juridique ! Or la simplicité est une condition de la transparence démocratique.

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