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Un exercice d'examen intéressant : l'explication brève d'arrêt.



Un exercice d'examen intéressant : l'explication brève d'arrêt.
La politique universitaire centrale - l'autonomie de l'université est en partie un mythe... - pousse à donner à tous les étudiants un diplôme - sinon une réelle formation. Le raccourcissement des examens procède de ce mouvement. Il allège également les universitaires qui ont parfois vu les effectifs d'étudiants doubler sans que leur nombre varie de façon significative. Etre noyé sous des copies longues et épuisantes de digressions pendant 4 semaines n'est pas de nature à améliorer le service public...

Plus l'interrogation est courte, moins de bêtises peuvent être dites ou, plus exactement, tolérées. Il faut alors, pour contourner la tentation de l'abaissement général de niveau, trouver des examens plus "tranchants" si l'on veut faire sérieusement le métier qui est pour le professeur de droit un objectif simple : sélectionner les juristes qui demain seront effectivement en charge de questions juridiques de personnes dont la vie peut en dépendre ! Il sera avocat, notaire, juriste d'entreprise... mais il aura effectivement de lourdes responsabilités.

L'explication brève d'arrêt peut être l'un de ces exercices. On peut, pour adapter la question à un temps court de réponse (1 heure), ne retenir qu'un extrait de l'arrêt. Les rédacteurs de copies, en formation continue ou professionnelle, ne seront donc pas égarés par des faits trop longs ou complexes ou des moyens et attendus peu intéressants. Cet exercice peut être édifiant : nombre d'étudiants déjà expérimentés arrivent (si l'on peut dire) à confondre ce que dit l'arrêt d'appel (repris par la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat) et ce que juge la Haute Juridiction concernée. En un clin d'oeil, sans qu'il soit besoin de lire d'interminables pages, on identifie qui comprend à la fois le droit et la structure de la décision de justice, et qui ne comprend pas. Celui-là n'est donc pas en mesure de déterminer le droit positif (qu'il a pourtant sous le nez ! ... le cas échéant avec le code).

Cet examen ne nécessite pas un entraînement spécifique : il est un diminutif du commentaire d'arrêt traditionnel. Il ne permet toutefois pas de contrôler l'aptitude du candidat à organiser ses idées dans un ordre (dans un plan) rigoureux, cohérent et clair. Le laminage ministériel pour toujours plus d'étudiants et toujours moins de niveau produit quelques effets. Ici, en quelques lignes, le correcteur a un bon moyen de contrôle : c'est du reste l'exercice de toutes les chroniques juridiques qui reposent sur les annotations (la plupart du temps jurisprudentielles).

Ce qui est stupéfiant, et qui montre la légèreté qui règne un peu partout, c'est que les réponses n'hésitent pas à être à la fois d'accord avec le juge du fond et avec le juge de cassation. On se dit alors que les travaux dirigés n'ont servi à rien... depuis des années !?

Mettez un arrêt de principe, avec donc la solution en tête, ce que l'on appelle un "attendu de principe", et la reprise de l'arrêt d'appel en "second" attendu : aucun étudiant ne note qu'il s'agit (peut-être) d'un arrêt de principe, ou au moins d'un arrêt qui rappelle avec force le sens du droit. Mais passe encore. Mais aucun ne s'interroge sur la structure de l'arrêt (ou l'extrait d'arrêt) qu'il a sous les yeux. Pas la moindre chance, donc, d'identifier la solution de droit, l'attendu qui porte la solution !

Qui revient au textes visés ? Nombreux, mais aucun ne compare sérieusement l'arrêt et lesdits textes de loi : car à ne pas comprendre un arrêt, on peut comprendre la loi ! Loi apprise en cours et dans les livres ! Et du coup retrouver avec le sens du droit l'attendu de principe et, donc, dire la portée de l'arrêt : application stricte des dispositions légales, application affinées de ces dernières, application nouvelle des ces dernières (revirement).

Voilà donc une épreuve qui donne aux étudiants le reflet exact de leur niveau sans effet concave ou convexe de la compensation, de devoirs à la maison, des indulgences de jurys, des notes d'informatique et de langue, des notes d'UV fantaisistes... et des indulgences généralisées des universitaires usés par le "n'importe quoi" qui règne un peu partout. Quand en vingt lignes un candidat ne peut pas dire ce que dit l'arrêt, la note ne peut que foudroyer la copie et l'on évite le marécage de la notation de 8 à 11... Celui qui n'a pas compris est rudement sanctionné, celui qui a compris encaisse tout de suite des dividendes, effet sans doute à corriger : un 18/20 ne peut pas se donner sur le seul sens d'un arrêt.

Voilà un épreuve qui peut inspirer d'autres disciplines sans tomber dans le pur QCM qui nourrit toujours un doute chez le correcteur (sauf à imaginer 120 question en isoloir, mais l'Université n'a pas les moyens de tels examens). Voilà qui pousse à élaborer des sujets où l'incompréhension - le manque de pertinence - est spécialement chassée puisque c'est elle que l'on souhaite au final et non les récitations interminables.

Le danger monte d'années en années et l'université perd sa vocation : créer des esprits capables, en 5e année, de produire 60 pages d'analyses de bon niveau qui intéresseront un professionnel du droit - professeur, avocat, magistrat, juriste d'entreprise ou de collectivité... Voilà en tout cas une belle façon de maintenir les raisons d'être et la force des grandes écoles en jouant sur l'inégalité honteuse des universités entre elles. En effet, les grandes universités continuent de se contenter de peu puisqu'elle vivent de la mort lente des petites universités qui, notamment, perdent leurs meilleurs étudiants...

Loin de notre propos initial on s'interroge donc. A quand des zones universitaires de priorité ?

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