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Vaccin hépatite B et sclérose en plaques : pas de responsabilité (Cass. civ . 1er, 25 novembre 2010). Mais selon le ministre : « La preuve appartiendra au laboratoire et le doute bénéficiera au patient », par Anaïs GAYTE, doctorante en droit.



Vaccin hépatite B et sclérose en plaques : pas de responsabilité (Cass. civ . 1er, 25 novembre 2010). Mais selon le ministre : « La preuve appartiendra au laboratoire et le doute bénéficiera au patient », par Anaïs GAYTE, doctorante en droit.
La première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 25 novembre 2010 (pourvoi n°09-16556), confirme sa position dans une matière du contentieux de responsabilité et la réparation du préjudice corporel . Elle se positionne en faveur des industries pharmaceutiques. Cet arrêt semble mal compris par certains professionnels du droit qui y voient un revirement, alors qu’il s’agit d'un simple entérinement d’une position.

La Cour de cassation a, à maintes reprises, écarté le lien de causalité en l’absence de certitudes scientifiques. Un arrêt du 24 septembre 2009 (pourvoi n°08-16097) avait, une année auparavant, orienté sa décision dans le même sens. Il s’agit là de la réponse des juges judiciaires dans le contentieux de la vaccination non obligatoire, mais l'hésitation a sans doute pour cause un arrêt du 9 juillet 2009, n° 08-11073, Bull. I, n° 176) ; dans cette espèce, la cour avait rejeté un pourvoi contre un arrêt d'appel qui avait reconnu le lien entre vaccination et maladie, laissant ainsi au juge du fond la liberté d'une appréciation souveraine de la causalité. Cette appréciation souveraine ne permet pas de former un pourvoi contre une décision qui jugerait qu'il n'y a pas de causalité. Il n'y a donc pas de revirement, bien que l'on puisse critiquer la situation qui en résulte en droit positif.

Les cours administratives, quant à elles, sont plus "indulgentes" et indemnisent plus facilement les victimes d’une vaccination contre l’hépatite B. En matière administrative, les victimes sont souvent dans le cadre d’une vaccination obligatoire ce qui les différencient des victimes s’inscrivant dans le cadre d’une vaccination non obligatoire et donc du droit privé. Ainsi, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 9 mars 2007 (CE n°267635) jugeait que : « le lien direct entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques doit être regardé comme établi lorsque la maladie apparaît dans un bref délai à la suite de l'injection du vaccin alors que le patient était en bonne santé et ne présentait aucun antécédent à cette pathologie antérieurement à sa vaccination ». Pour la haute juridiction administrative, la charge de la preuve appartient donc à la victime qui doit démontrer un bref délai entre la vaccination (contre l’hépatite B) et l’apparition des premiers symptômes. Cette solution apparait comme le moyen d’indemniser les victimes du vaccin en l’absence des connaissances scientifiques permettant d’établir un lien direct et certain entre l’administration du vaccin et certaines maladies neurologiques. La décision du Conseil d’Etat solutionne le problème des victimes du vaccin anti-hépatite B. Les victimes semblent être réelles et le lien de causalité difficile à démontrer de façon certaine, et cette jurisprudence est venue soulager les victimes.

En l’espèce, la Cour de cassation remet une fois encore en cause, la possibilité d’indemnisation pour les victimes de vaccination non obligatoire. Ainsi, le 25 novembre 2010, les juges de la première chambre civile affirment : « qu’en l’absence de consensus scientifique en faveur d’un lien de causalité entre la vaccination et les affections démyélinisantes , le fait [ de ne présenter ] aucun antécédent personnel ou familial et le fait que les premiers symptômes [apparaissent ] quinze jours après la dernière injection ne [ constituent ] pas des présomptions graves, précises et concordantes en sorte que[ ne peut-être ] établie une corrélation entre l’affection de démyélinisante et la vaccination ». Avec cette décision, la charge de la preuve n’est pas renversée, la victime doit toujours prouver le lien de causalité mais elle ne pourra guère le faire en pratique. Il faudrait pour démontrer la causalité que les données scientifiques permettent d’établir de façon certaine le lien direct entre les affections et la vaccination contre l‘hépatite B.

Les victimes de vaccinations non obligatoires sont donc traitées de manière différente et ne verront pas leurs souffrances indemnisées par les laboratoires. Dans le contexte d’une vaccination obligatoire l’Etat indemnise les victimes. Les cours administratives, souvent à l’initiative des grands courants jurisprudentiels donnent l’impulsion en matière de droit public et les cours judiciaires emboitent souvent le pas. Ce fut le cas par exemple en matière de licenciement des femmes enceintes (CE, Ass., 8/06/1973, Dame Peynet). Nous oserons prendre une position qui dépasse la seule analyse juridique. L’heure semble en effet arrivée pour les cours judiciaires de s’aligner sur le Conseil d’Etat et c’est peut-être ce que vient d’impulser le ministre de la santé.

En effet, avec le scandale récent du « Mediator », l’actualité met sous la lumière médiatique, soulignant un intérêt public, la portée de cet arrêt du 25 novembre 2010 . Le ministre de la santé, M. Xavier Bertrand a proposé lundi 16 janvier 2011 la refonte du système de sécurité sanitaire et a appelé de nouveau à un « renversement de la charge de la preuve : la preuve appartiendra au labo et le doute bénéficiera au patient ». Ainsi la direction politique est donnée et la volonté est à l’indemnisation de TOUTES les victimes d’accidents sanitaires. Il faudra donc que les laboratoires prouvent l’innocuité du vaccin.

Les conséquences de ce renversement de la charge de la preuve sont et seraient considérables et pourront permettre de voir la responsabilité du fabriquant engagée sinon de façon systématique en tout cas de façon plus aisée. Il suffira pour les victimes d’effets indésirables d’agir contre les laboratoires pour obtenir réparation en l’absence de données scientifiques prouvant l’innocuité de tel ou tel produit pharmaceutique et ceci même pour la victime d’une vaccination non obligatoire. Il en résultera une indemnisation quasi-automatique. La question se posera alors de déterminer quelles sont les analyses scientifiques fiables à une heure où l'on discute des conflits d'intérêts qui semblent surgir partout dans la société. Les laboratoires pharmaceutiques ne sont-ils pas seuls capables d’assumer les effets indésirables des produits mis sur le marché pharmaceutique ou de faire les recherches prouvant l’innocuité de ceux-ci ? L’Etat doit-il seul supporter, comme actuellement, les conséquences financières des effets indésirables des vaccins obligatoires ?



Anaïs GAYTE, Master de Droit, doctorante en droit,
Chergé d'enseignements à La Faculté de Droit de
Clermont-Ferrand


Arrêt de la base publique LEGIFRANCE :
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du 25 novembre 2010
N° de pourvoi: 09-16556
Publié au bulletin
Rejet
M. Charruault (président), président
SCP Gadiou et Chevallier, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Ortscheidt, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme X..., qui avait été vaccinée contre l’hépatite B, les 29 juin 1994, 13 janvier et 12 juin 1995, avec le vaccin Genhévac B fabriqué par la société Pasteur vaccins, devenue Sanofi Pasteur MSD, a présenté, quinze jours après la dernière injection, des symptômes qui ont ultérieurement abouti, en juillet 1996, au diagnostic de la sclérose en plaques ; qu’elle a assigné, après expertise judiciaire, la société Sanofi Pasteur MSD pour obtenir réparation de son préjudice ;
Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2009) de l’avoir déboutée de ses demandes tendant à voir la société Sanofi Pasteur MSD déclarée entièrement responsable de la survenue de la sclérose en plaques dont elle est atteinte et condamnée à l’indemniser de ses préjudices, alors, selon le moyen :
1°/ qu’un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ; que dans l’appréciation de cette exigence, il doit être tenu compte, notamment, de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu, et du moment de sa mise en circulation ; qu’en affirmant que le vaccin Génhévac B fabriqué par la société Pasteur vaccins et injecté à Mme X... en 1994 et 1995 ne présentait pas le caractère d’un produit défectueux, après avoir constaté que le dictionnaire médical Vidal 1996 indiquait comme effet indésirable possible la poussée de sclérose en plaques dans les semaines suivant la vaccination, quand la notice de présentation du produit litigieux injecté à Mme X... ne contenait pas cette information, de sorte que le vaccin présentait le caractère d’un produit défectueux, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l’article 1147 du code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;

2°/ que la cour d’appel a constaté que les nombreuses études scientifiques nationales et internationales versées aux débats ne permettaient pas de dégager un consensus scientifique en faveur d’un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et les affections démyélinisantes et qu’il n’existait pas d’association statistique significative permettant de déduire un tel lien, mais que celui-ci ne pouvait être exclu, l’existence d’une augmentation du risque de sclérose en plaques associée à la vaccination étant envisagée par quelques études et experts ; que la cour d’appel a relevé que les premières manifestations de la sclérose en plaques avaient eu lieu peu de temps (15 jours) après la dernière injection à Mme X... et que celle-ci ne présentait au plan individuel et familial aucun antécédent pouvant expliquer la survenue d’une sclérose en plaques ; qu’en affirmant néanmoins que ces faits ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes dont elle devait déduire un lien causal entre la vaccination de Mme X... et le préjudice subi par celle-ci, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l’article 1147 du code civil interprété à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985, ensemble l’article 1353 du même code ;
Mais attendu qu’ayant apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel a estimé souverainement qu’en l’absence de consensus scientifique en faveur d’un lien de causalité entre la vaccination et les affections démyélinisantes, le fait que Mme X... ne présentait aucun antécédent personnel ou familial et le fait que les premiers symptômes étaient apparus quinze jours après la dernière injection ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes en sorte que n’était pas établie une corrélation entre l’affection de Mme X... et la vaccination ; que, mal fondé en sa seconde branche, le moyen est inopérant en sa première branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté mademoiselle X... de ses demandes tendant à voir la société Sanofi Pasteur MSD déclarée entièrement responsable de la survenue de la sclérose en plaques dont elle est atteinte et condamnée à l’indemniser de ses préjudices ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, en application des articles 1147 comme 1382 du Code civil interprétés à la lumière de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, la responsabilité du producteur est soumise à la condition que le demandeur prouve, outre le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage et qu’un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre compte tenu de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage du produit qui peut être raisonnablement attendu et du moment de la mise en circulation du produit ; que l’existence d’une autorisation administrative ne constitue pas une cause exonératoire de la responsabilité du producteur ; que si la directive a prévu que le producteur pouvait s’exonérer de sa responsabilité en prouvant que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment où il a mis le produit en circulation ne lui a pas permis de déceler l’existence du défaut, elle a laissé aux États membres la faculté d’introduire ou non dans leur législation interne cette exonération pour risque de développement ; que dès lors le droit interne ne peut, en l’absence de transposition et d’option alors prise par le législateur français, être interprété à la lumière de la disposition prévoyant ce cas d’exonération de sorte que celui-ci ne peut être invoqué par le producteur d’un médicament défectueux ; que la responsabilité de ce dernier suppose nécessairement au préalable et non à titre supplémentaire que le demandeur apporte outre la preuve de l’administration du produit, que son dommage est imputable, au moins pour partie, à ce produit ; que ces exigences ne sont d’ailleurs pas contestées ; que les preuves mises à la charge du demandeur peuvent être apportées par tous moyens et notamment par présomptions pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes ; que cependant les différents éléments conditionnant la responsabilité du producteur ne peuvent être présumés ; qu’ainsi l’imputabilité comme le défaut du produit ne se déduisent pas de l’absence de certitude scientifique sur l’innocuité du produit ; que tout produit de santé comportant nécessairement une part de risque, la survenance d’effets indésirables ne suffit pas non plus à établir l’existence d’un défaut ; que le défaut peut être caractérisé par une inversion du rapport bénéfices-risques ou encore par des lacunes dans la présentation et donc l’information sur le produit ; que la mention d’effets indésirables non démontrés dans le résumé des caractéristiques du produit et la notice ne permet pas de mettre en évidence un défaut ; que l’existence d’une prédisposition de la victime n’est pas en elle-même exclusive d’un défaut du produit ; que ce régime de responsabilité, très exigeant à l’égard de la victime ne pouvant être assoupli quant aux règles posées en matière de preuve dès lors qu’il est issu d’une directive d’harmonisation, est distinct des régimes applicables en matière d’accident du travail ou de vaccination obligatoire n’impliquant pas le producteur et ne conditionnant pas l’indemnisation du dommage à la preuve par le demandeur d’un lien de causalité certain entre le produit et le dommage et d’un défaut du produit en relation de causalité avec ce dommage ; que la victime ne peut donc s’en prévaloir à l’encontre du producteur ; que la responsabilité du producteur peut être aussi recherchée par la victime non pas au titre du défaut de son produit mais de la faute commise par celui-ci, sous réserve d’en apporter la preuve ; qu’enfin l’article L 221-1 du Code de la consommation n’est pas applicable aux médicaments relevant selon l’article L 221-8 de ce Code d’une réglementation spécifique édictée par le Code de la santé publique ; qu’il n’est pas discuté que mademoiselle X... ne présentait au plan individuel aucun antécédent pouvant expliquer la survenue d’une sclérose en plaques ; qu’elle verse aux débats : 1°) un courrier de son médecin traitant indiquant avoir été consulté la première fois en 1994 pour un syndrome dépressif, puis plusieurs fois par la suite pour des problèmes d’asthénie et de conflits au travail, avoir prescrit le 13 novembre 1995 de la kinésithérapie pour une lombo-sciatique droite et avoir eu le 31 mai 1996 une dernière consultation avec mademoiselle X..., 2°) un certificat établi le 17 juillet 1997 par le docteur Y... mentionnant qu’il a été consulté par mademoiselle X... en août 1995 pour une symptomatologie atypique associant une gêne et des troubles subjectifs décrits comme des sensations de paresthésies fugaces et une tension des membres inférieurs, que l’examen clinique ne retrouvait alors rien de particulier et qu’il n’avait constaté aucune pathologie veineuse susceptible d’expliquer ces symptômes dont la persistance devait motiver un complément d’enquête étiologique, 3°) différents courriers et rapports médicaux établis en 1996 et 1997 à l’issue du diagnostic de la sclérose en plaques mentionnant, comme les experts, que des premiers troubles avaient été décrits par la patiente peu de temps après la vaccination ; qu’au vu des constatations expertales et des pièces versées aux débats, le fait que des troubles susceptibles d’être les premiers symptômes de la sclérose en plaques aient été rapportés par mademoiselle X... peu de temps après la dernière injection et aient justifié la consultation du docteur Y... en août 1995, alors que l’intéressée ne présentait pas d’antécédents connus, peut conduire à envisager l’éventualité d’un lien avec la vaccination ; que cependant ces seuls éléments ne constituent pas en l’état des présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir l’existence même de ce lien ; que de plus et alors que de nombreuses études nationales et internationales et des expertises dans des affaires similaires ont été réalisées et versées aux débats et que des mesures d’enquête et de surveillance renforcées ont été mises en oeuvre par les autorités sanitaires, il n’existe pas à ce jour de consensus scientifique national et international en faveur d’un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et les affections démyélinisantes ni d’association statistique significative permettant de déduire un tel lien, même si un lien de causalité ne peut être exclu et si l’existence d’une faible augmentation du risque de sclérose en plaques associée à la vaccination est envisagée par quelques études et experts ; que dès lors, l’existence d’une corrélation entre l’affection de mademoiselle X... et la vaccination subie n’est pas établie ; que même dans l’hypothèse où une telle corrélation pourrait, en l’absence d’autre cause possible, être retenue, il incomberait encore à mademoiselle X... de prouver le défaut du vaccin et le lien de causalité entre ce défaut et le dommage ; qu’en l’absence d’éléments suffisants sur l’étiologie de la sclérose en plaques et l’implication de la vaccination dans le processus de survenue de cette maladie, une inversion du rapport bénéfice-risque du vaccin ne peut être retenue ; qu’en effet le seul fait que mademoiselle X... et d’autres personnes ont présenté après une vaccination contre l’hépatite B une grave affection reliée, en l’absence d’autre explication, à cette vaccination ne permet pas de mettre en évidence l’existence d’un risque disproportionné par rapport au bénéfice de la vaccination et de retenir que le vaccin est défectueux ; que si la présentation du produit et donc l’information donnée par l’utilisateur lors de la vaccination doivent également être prises en compte dans l’appréciation du défaut, l’absence en 1995 dans le Vidal comme dans la notice de la mention de cas d’atteintes démyélinisantes ne peut être utilement invoquée par mademoiselle X... ; qu’en effet il n’est pas établi que les premières interrogations à cette date sur l’éventualité d’un lien entre la vaccination et les affections démyélinisantes étaient suffisamment étayées et auraient donc dû être portées à la connaissance de l’utilisateur ; que le fait que la mention « très rarement…atteintes démyélinisantes du système nerveux central (poussées de sclérose en plaques) survenant dans les semaines suivant la vaccination sans qu’un lien de causalité n’ait actuellement pu être établi » n’ait été inscrite dans le Vidal qu’en 1996 et n’ait pas été alors accessible à l’utilisateur du vaccin ne permet pas davantage de retenir la défectuosité du produit ; qu’en l’état, l’existence d’un défaut du vaccin comme d’un lien de causalité entre celui-ci et le dommage ou encore une perte de chance subie par mademoiselle X... en raison d’une absence d’information sur les risques encourus n’est donc pas établie ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Mademoiselle Véronique X... ne peut prétendre fonder son action en responsabilité intentée à l’encontre de la Société Aventis Pasteur MSD sur les dispositions de l’article L. 221-1 du code de la consommation, l’article 221-8 de ce code excluant l’application de ces dispositions pour les produits et services soumis à des dispositions législatives particulières ou à des règlements communautaires ayant pour objet la protection de la santé ou de la sécurité des consommateurs ; qu’en l’espèce, la fabrication et la mise sur le marché de médicaments sont soumises à une législation spécifique constituée par les articles L 5121-8 et suivants et R 5128 et suivants du code de la santé publique ; qu’il importe peu de déterminer en la cause si l’action en responsabilité de Mademoiselle Véronique X... ressortit du domaine de la responsabilité contractuelle ainsi que celle-ci le soutient ou du domaine de la responsabilité délictuelle ainsi que l’allègue la Société Aventis Pasteur MSD ; qu’en effet, que ce soit sur le fondement de l’article 1147 ou 1382 du code civil tels qu’interprétés à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985, la responsabilité du producteur est soumise à la condition que le demandeur prouve, outre le dommage, le défaut du produit et le lieu de causalité entre le défaut et le dommage ; que les experts ont conclu aux termes de leur rapport que Mademoiselle Véronique X... est atteinte d’une authentique sclérose en plaques ; que les premiers symptômes de cette maladie sont apparus 15 jours après la dernière injection de rappel du vaccin Genhévac B pratiquée le 12 juin 1995 ; qu’aucune anomalie ne peut être relevée dans les modalités pratiques de l’administration de ce vaccin ; que Mademoiselle Véronique X... ne présentait par ailleurs aucun antécédent particulier qui aurait pu alerter les médecins qui faisaient la vaccination et les inciter à annuler les rappels ; que tant en ce qui concerne les éléments spécifiques au cas de Mademoiselle Véronique X... qu’au vu des données de la littérature concernant la question d’un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et la survenue d’une sclérose en plaques, il apparaît qu’il est impossible à ce jour de trancher définitivement ; qu’en effet, les enquêtes épidémiologiques, qui sont des enquêtes statistiques de groupes, ne permettent pas de mettre en évidence un lien de cause à effet ; que cependant, compte tenu de la fréquence propre des scléroses en plaques et de la fréquence considérable des injections, il apparaît difficile sinon impossible avec ces méthodes d’investigations statistiques de mettre en évidence quelques rares cas qui pourraient présenter une susceptibilité particulière au vaccin et qui, du fait de leur rareté, ne modifieraient pas de façon significative l’incidence des scléroses en plaques dans la population malgré le nombre important de vaccins qui ont été effectués ; qu’ainsi, si un lieu de cause à effet ne peut être affirmé au vu des données de la littérature médicale internationales (les dernières études parues en février 2001 ne permettent toujours pas de modifier les termes de cette discussion), on ne peut à l’inverse éliminer formellement qu’il puisse dans certains cas rares exister un lien sans que l’on ait pu à ce jour le mettre en évidence ; que rien ne permet en effet d’éliminer que chez certaines personnes une susceptibilité biologique ou génétique particulière, ou le fait qu’il existait chez Mademoiselle Véronique X... une sclérose en plaques à l’état latent, non encore révélée, ferait que le vaccin provoque ou favorise l’éclosion de la maladie ; que dans tous les cas, il est impossible à l’heure actuelle d’affirmer une telle hypothèse ; que cela ne permet pas de conclure également au fait que l’action du vaccin aurait pu être initiale ou additive à un état antérieur ; que c’est ce qui fait conclure à l’AFSSAPS dans son communiqué du 06 mars 2000 : « les résultats permettent d’exclure un risque élevé d’atteintes démyélinisantes ou d’affections auto-immunes associés à la vaccination contre l’hépatite B. L’existence d’un risque faible d’atteintes démyélinisantes ou d’affections auto-immunes associés au vaccin contre l’hépatite B ne peut pas être exclu, ni l’existence de certaines sous population présentant des facteurs de sensibilité particuliers » ; que toutes ces considérations restent du domaine des hypothèses et ne sont pas à l’heure actuelle prouvées, aussi bien sur un plan général que dans le cas particulier de Mademoiselle Véronique X... ; que dans tous les cas, aucun élément dans l’histoire clinique de Mademoiselle Véronique ne permettait aux médecins qui ont pratiqué les vaccinations d’avoir un doute quant au caractère licite ou non de l’administration du vaccin ; que Mademoiselle Véronique X... n’avait en effet dans ses antécédents aucun élément qui aurait pu faire suspecter qu’elle puisse avoir une sclérose en plaques et qui, conformément aux recommandations qui avaient été édictées et qui figurent actuellement dans les fiches de pharmacovigilance et notamment dans les fiches du dictionnaire VIDAL, auraient pu contre indiquer la vaccination chez elle ; qu’aucun élément ne permet donc de dire que les précautions nécessaires ou habituellement prises pour la vaccination contre l’hépatite B n’auraient pas été respectées chez Mademoiselle Véronique X... ; que Mademoiselle Véronique X... critique ces conclusions en soutenant essentiellement que les experts n’ont aucune compétence particulière en matière de pharmacovigilance ou de pharmaco-épidémiologie ; que ceux-ci, et notamment le Professeur Jacques A..., n’ont pas déclaré aux parties leurs éventuels liens avec l’industrie pharmaceutique ; qu’ils n’ont que partiellement rendu compte des données épidémiologiques et ont ignoré les données technico-réglementaires ; qu’ils n’ont pas répondu à la question du processus de vaccination ; que les experts désignés sont pour le Docteur Bernard B..., neurologue, Chef du service de neurophysiologie clinique de l’Hôpital Sainte-Anne, pour le Professeur Jacques A..., médecin biologique, chef de Service d’immunologie au CHU de Reims et pour le Professeur Daniel C..., Directeur de l’institut de médecine légale de Lyon, Chef de service de l’accueil des urgences médicales ; que ces experts, en raison de leur spécialité avaient compétence pour remplir la mission d’expertise qui leur a été confiée dont l’objet était de déterminer l’origine de la sclérose en plaques présentée par Mademoiselle Véronique X... à la suite de sa vaccination contre l’hépatite B ; qu’aucun élément du dossier ne permet de mettre en doute leur compétence en cette matière, leurs conclusions étant d’ailleurs conformes au dernier état des données acquises de la science sur les liens pouvant exister entre la vaccination contre l’hépatite B et la survenue d’une sclérose en plaques ; que Mademoiselle Véronique X... est mal fondée à reprocher aux experts désignés de ne pas lui avoir déclaré leurs éventuels liens avec l’industrie pharmaceutique dès lors que celle-ci ne démontre pas la réalité de tels liens ; que notamment le fait que le Professeur Jacques A... soit membre de l’A.F.S.S.AP.S. confirme sa compétence pour réaliser la mission d’expertise qui lui a été confiée et ne démontre nullement l’existence d’une communauté d’intérêt avec la Société Aventis Pasteur MSD ; que de même la déclaration d’intérêts souscrite par le Professeur Jacques A..., en sa qualité de membre de l’A.F.S.S.A.P.S., faisant apparaître que celui-ci a participé bénévolement en 2002, après dépôt du rapport d’expertise, à une conférence organisée par la Société AXA ASSURANCES, n’établit nullement une communauté d’intérêts entre cet expert et la Société Aventis Pasteur MSD à supposer même que cette société soit effectivement l’assurée de la Société AXA ASSURANCES ainsi que le soutient Mademoiselle Véronique X... sans toutefois en apporter la preuve ; que Mademoiselle Véronique X... est mal fondée à reprocher aux experts de n’avoir que partiellement rendu compte des données épidémiologiques et d’avoir ignoré les données technico-réglementaires ; qu’en effet, les experts ont fondé leurs conclusions sur une bibliographie de 53 documents de la littérature médicale internationale comprenant notamment des études épidémiologiques, des thèses, des articles médicaux, des avis des autorités sanitaires et de la communauté scientifique ; que cette bibliographie n’est pas exhaustive, celle-ci permet toutefois de faire une exacte appréciation de l’état des données acquises de la science a la date de réalisation de la mesure d’expertise sur la question du lien de causalité pouvant exister entre la vaccination contre l’hépatite B et la survenue de la sclérose en plaques ; qu’il convient de remarquer sur ce point que Mademoiselle Véronique X... conteste les conclusions du rapport d’expertise en se fondant essentiellement sur les conclusions de l’étude Hernan et Coil publiée le 14 septembre 2004 dans la revue Neurology, après dépôt du rapport d’expertise ; qu’en outre, les experts ont souligné aux termes de leur rapport les limites des enquêtes épidémiologiques qui sont des enquêtes statistiques de groupes et qui, en l’absence de lien de causalité avéré entre la vaccination contre l’hépatite B et la survenue de la sclérose en plaques, ne peuvent pas, compte tenu de la fréquence propre des scléroses en plaques et de fréquence considérable des injections, mettre en évidence quelques rares cas qui pourraient présenter une susceptibilité particulière au vaccin et qui, du fait de leur rareté, ne modifieraient pas de façon significative l’incidence des scléroses en plaques dans la population malgré le nombre très important de vaccins qui ont été effectués ; qu’enfin les données technico-réglementaires invoquées par Mademoiselle Véronique X... n’établissent nullement un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et la survenue de la sclérose en plaques ; que Mademoiselle Véronique X... est mal fondée à reprocher aux experts de ne pas avoir répondu à la question du processus de vaccination ; qu’en effet, les experts ont expressément répondu à cette question en concluant qu’ils n’ont pu relever aucune anomalie dans les modalités pratique de l’administration du vaccin et que Mademoiselle Véronique X... n’avait dans ses antécédents aucun élément qui aurait pu faire suspecter qu’elle puisse avoir une sclérose en plaques et qui, conformément aux recommandations qui avaient été édictées et qui figurent actuellement dans les fiches de pharmacovigilance et notamment dans les fiches du dictionnaire VIDAL, auraient pu contre indiquer la vaccination chez elle ; que l’obligation imposée à Mademoiselle Véronique X... d’apporter la preuve d’un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B qu’elle a subie et la sclérose en plaques dont elle est atteinte, apparue 15 jours après le dernier rappel de ce vaccin, ne contrevient pas aux dispositions de l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme relatives au procès équitable ; qu’en effet, Mademoiselle Véronique X... a la possibilité d’apporter cette preuve dans le cadre de cette instance par voie d’expertise judiciaire réalisée par des experts indépendants des entreprises pharmaceutiques dont les conclusions sont soumises à sa libre critique ; que l’étude Hernan et Coil publiée le 14 septembre 2004, invoquée par Mademoiselle Véronique X..., fait effectivement apparaître un risque statistique augmenté de cas de scléroses en plaques après vaccination contre le virus de l’hépatite B ; que toutefois cette étude, outre le fait qu’elle est contraire aux conclusions des autres études précédemment réalisées et qu’elle a fait l’objet de vives critiques de la part de la communauté scientifique internationale, ne démontre pas l’existence d’un lien de causalité certain et direct entre la vaccination contre l’hépatite B et la survenue de la sclérose en plaques ; que Mademoiselle Véronique X... est mal fondée à invoquer en la cause tant les statistiques de la CNAM démontrant une augmentation des cas de scléroses en plaques pris en charge par cet organisme que le nombre de notifications d’effets indésirables reçus par les laboratoires pharmaceutiques produisant les vaccins contre l’hépatite B, les modifications du RCP et de la notice concernant le vaccin Genhévac B, l’abandon de la politique de vaccination systématique en milieu scolaire intervenu en octobre 1998 et la décision de la Direction Générale de la Santé d’indemniser certaines victimes sur le fondement de l’article L. 311-9 du code de la santé publique, ces éléments ne démontrant nullement l’existence d’un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et la survenue de la sclérose en plaques ; que les documents médicaux personnels à Mademoiselle Véronique X... démontrent uniquement une coïncidence chronologique entre la vaccination contre l’hépatite B et la survenue de la sclérose en plaques ; que cette seule coïncidence est insuffisante pour faire preuve d’un lien de causalité entre la vaccination et l’apparition de la maladie ainsi que retenu par les experts dans leurs conclusions ; que Mademoiselle Véronique X... n’apporte pas la preuve lui incombant d’un lien de causalité certain et direct entre la vaccination contre l’hépatite B qu’elle a subie et la survenue de la sclérose en plaques dont elle est atteinte ;
1°) ALORS QU’ un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ; que, dans l’appréciation de cette exigence, il doit être tenu compte, notamment, de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu, et du moment de sa mise en circulation ; qu’en affirmant que le vaccin Génhévac B fabriqué par la société Pasteur Vaccins et injecté à mademoiselle X... en 1994 et 1995 ne présentait pas le caractère d’un produit défectueux, après avoir constaté que le dictionnaire médical Vidal 1996 indiquait comme effet indésirable possible la poussée de sclérose en plaques dans les semaines suivant la vaccination, quand la notice de présentation du produit litigieux injecté à mademoiselle X... ne contenait pas cette information, de sorte que le vaccin présentait le caractère d’un produit défectueux, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l’article 1147 du Code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;
2°) ALORS QUE la cour d’appel a constaté que les nombreuses études scientifiques nationales et internationales versées aux débats ne permettaient pas de dégager un consensus scientifique en faveur d’un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et les affections démyélinisantes et qu’il n’existait pas d’association statistique significative permettant de déduire un tel lien, mais que celui-ci ne pouvait être exclu, l’existence d’une augmentation du risque de sclérose en plaques associée à la vaccination étant envisagée par quelques études et experts ; que la cour d’appel a relevé que les premières manifestations de la sclérose en plaques avaient eu lieu peu de temps (15 jours) après la dernière injection à mademoiselle X... et que celle-ci ne présentait au plan individuel et familial aucun antécédent pouvant expliquer la survenue d’une sclérose en plaques ; qu’en affirmant néanmoins que ces faits ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes dont elle devait déduire un lien causal entre la vaccination de mademoiselle X... et le préjudice subi par celle-ci, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l’article 1147 du Code civil interprété à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985, ensemble l’article 1353 du même code.

Hervé Causse
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