Des fabricants de panneaux de signalisation routière sanctionnés par l’Autorité de la concurrence pour cartel et abus de position dominante (ADLC, n° 10-D-39, 22 déc. 2010), par Frédéric NADAUD



Des fabricants de panneaux de signalisation routière sanctionnés par l’Autorité de la concurrence pour cartel et abus de position dominante (ADLC, n° 10-D-39, 22 déc. 2010), par Frédéric NADAUD
En 2007, l’ancien Conseil de la concurrence se saisissait d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale. A cette saisine se joignaient deux plaintes de fabricants de panneaux de signalisation et d’équipements de sécurité et de balisage. Avant les fêtes de fin d’année, l’Autorité de la concurrence a rendu sa décision, prononçant alors une sanction pécuniaire d’un montant de 52,7 millions d’euros à l’encontre de huit entreprises du secteur. Ces dernières ont en effet été déclarées coupables de cartel (au sens de l’article L. 420-1 du Code de commerce). Durant une dizaine d’années, elles se sont entendues sur le prix et la répartition des marchés de signalisation routière verticale lancés par les collectivités publiques françaises. Le gendarme de la concurrence a également pu mettre en lumière un abus de position dominante à l’égard de deux autres entreprises sur le marché des équipements de sécurité et de balisage en plastique et sur celui des films plastiques rétro-réfléchissants. La sanction a été fixée à un montant de 2 229 000 euros.

Plus précisément, l’Autorité de la concurrence définit la pratique mise en œuvre comme « très sophistiquée », évoquant l’existence de réunions régulières des participants au cartel afin de se répartir les marchés publics selon des règles préétablies dans un document. Chaque entreprise devait respecter les règles de fonctionnement du cartel. Un des dirigeants allant même à déclarer que « ce document était en effet notre bible et chacun devait s’y tenir ». Comme c’est souvent le cas pour les cartels d’une telle envergure, tout non-respect des règles par le contrevenant entraînait des pénalités financières.

Un des points intéressants de la décision réside dans la prise en compte de la durée et de la réitération de la pratique anticoncurrentielle puisque ces facteurs ont joué un rôle important dans le calcul des amendes. Le cartel a couvert la quasi-totalité des marchés passés par l’Etat, les collectivités territoriales et les services chargés de la gestion d’autoroutes de 1997 à 2006 et le montant des sanctions s’en ressent.

Au-delà de la détection du cartel, notons que la décision de l’Autorité de la concurrence sanctionne également deux entreprises pour abus de position de dominante. La première, condamnée à une sanction de 259 000 euros, avait refusé d’approvisionner certains fabricants de panneaux de signalisation d’une balise plastique, indispensable pour répondre à certains appels d’offres, qu’elle seule et une autre société pouvait fournir. La seconde, sanctionnée à hauteur de 1,97 million d’euros, avait appliqué un système d’accréditation opaque accompagné d’un barème de remises discriminatoires sur la fourniture de films plastiques rétro-réfléchissants.

Au final, les premières victimes de ces pratiques sont essentiellement des collectivités territoriales ou des services de l’Etat. En restreignant la concurrence à sa plus simple expression pendant près de dix ans, les ressources publiques ont été affectées au détriment des collectivités en charge de la gestion des routes et des autoroutes ainsi que de l’ensemble des contribuables, du fait de la surévaluation artificielle du montant des offres retenues. A ce titre, nous nous autoriserons deux remarques. Telle que la législation le permet, les victimes du cartel – les collectivités territoriales notamment – détiennent un droit à réparation de leur préjudice auprès des tribunaux compétents, les amendes prononcées par l’Autorité de la concurrence étant recouvrées au bénéfice du Trésor Public. Reste donc à espérer que les collectivités publiques ne se priveront pas de ce droit et agiront en conséquence car indirectement, c’est bien le contribuable qui pait l’addition de ces pratiques anticoncurrentielles.

Hervé Causse
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