Des médecins français s’attaquent à la médecine chinoise… mais seul le titre de médecin est protégé par le code de la santé publique (Cass. civ. 1, 16 octobre 2008, n° 07-17789)



Un Ordre de médecins avait poursuivi en justice une personne en vue, notamment, qu’elle cesse d’utiliser l’expression « médecine chinoise ». La cour d’appel avait fait droit à la demande. Son arrêt est cassé car la Cour de cassation considère que c’est le titre de médecin qui est protégé, et non le mot médecine qui, lui, ne désigne aucune profession ni indirectement aucun acte professionnel.

Il est ainsi jugé que viole les articles L. 4131-1 et L.4161-1 du code de la santé publique la cour d'appel qui fait interdiction à une personne exerçant la médecine chinoise d'utiliser le terme de « médecine » en énonçant qu'elle ne pouvait utiliser ce terme protégé par les dispositions du code de la santé publique relatives à l'exercice illégal de la médecine.

Ce terme de médecine, à l'inverse du titre de celui de médecin, n'est pas protégé, seuls l'établissement de diagnostics ou la pratique d'actes médicaux par cette personne eussent justifié de lui interdire d'user de l'appellation "médecine chinoise".

Cette décision est plutôt normale car seule la pratique de la médecine est interdite par le code de la santé publique, en foi de quoi sont définis les actes médicaux réservés aux médecins. L’article L. 4161-1 évoque ainsi les divers actes et cas constituant la violation de ce que l’on appelle, en pratique, le « monopole des médecins ». Les titres eux-mêmes sont protégés par des dispositions pénales interdisant l’utilisation de titres qu’une personne n’a pas.

Pour la médecine, la pratique des actes médicaux est attachée à des titres universitaires. Outre la validation des cycles d’études médicales, est médecin celui qui est « docteur en médecine ». Voilà comment la médecine est parvenue à capter le titre de docteur (voyez notre précédent article ci-dessous) : la profession repose sur une confusion totale et presque parfaite entre la thèse, ce qui permet de devenir docteur en médecine, et la profession de médecin.

Sur le plan légal, cela résulte de l’article L. 4131-1 du code de la santé publique :
« Les titres de formation exigés en application du 1° de l'article L. 4111-1 sont pour l'exercice de la profession de médecin :
1° Soit le diplôme français d'Etat de docteur en médecine ;
Lorsque ce diplôme a été obtenu dans les conditions définies à l'article L. 632-4 du code de l'éducation, il est complété par le document mentionné au deuxième alinéa dudit article.
2° Soit, si l'intéressé est ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne… (…). »

Pour la promotion du titre de docteur, la chose est fabuleuse, puisque le doctorat est ainsi confondu avec un métier : point de médecin qui ne soit docteur ! Du coup, dans l’esprit du public, tout « docteur » est un médecin… ce qui était l’objet de notre précédente réflexion :
ExplicationsSurLeTitreDeDocteur

Les juristes, par exemple et pour leur part, n’ont jamais eu cette audace de confondre le doctorat en droit avec le métier du droit le plus couru. Le prestige des avocats aurait été plus grand si l’on avait imposé la thèse pour s’inscrire à un Barreau (quitte à admettre des thèses plus courtes)… et le doctorat aurait ainsi été porté par la profession juridique la plus courante, ce qui aurait assuré sa promotion. On peut aussi dire que, dans la situation présente, le doctorat en droit n’est pas dévoyé de la finalité de toute thèse, qui est la recherche, ce qui lui assure un degré de qualité et de profondeur que l’inscription à un Barreau n’assure pas. Bon, ne refaisons pas le monde...

Dans cette décision du 16 octobre 2008 (Gazette du Palais, 12 mars 2009, n° spécial droit de la santé, p. 46, obs. Valérie LEFEVRE), la Cour de cassation ne casse que partiellement l’arrêt d’appel sur le point précis de l’interdiction d’utiliser les mots « médecine chinoise » : la personne en cause a été bien interdite aussi d’utiliser le titre de médecin, interdiction qui demeure, malgré la cassation. Dans la même veine, si l’on peut utiliser le terme médecine, on ne peut pas pratiquer la médecine (les actes de médecine)… sauf à être médecin. Les choses sont un peu subtiles et vous provoquent des mots de têtes ? Résumons, ou vous vous adressez à la médecine chinoise ou à un médecin français…


ARRET TIRE DE LA BASE PUBLIQUE LEGIFRANCE
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 16 octobre 2008
N° de pourvoi: 07-17789
Publié au bulletin Cassation partielle


M. Bargue, président
Mme Crédeville, conseiller rapporteur
M. Domingo, avocat général
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Ghestin, avocat(s)
________________________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 4131-1 et L. 4161-1 du code de la santé publique ;

Attendu que M. X... exerçant la médecine chinoise, le conseil départemental de l'Ordre des médecins de la Moselle l'a invité à cesser d'utiliser le titre de médecin et à exercer son activité sous une autre dénomination ;

Attendu que pour faire interdiction à M. X... d'utiliser le terme de médecine la cour d'appel a énoncé qu'il ne pouvait utiliser ce terme protégé par les dispositions du code de la santé publique relatives à l'exercice illégal de la médecine ;

Qu'en se déterminant ainsi quand le terme de médecine, à l'inverse du titre de médecin, n'étant pas protégé, seuls l'établissement de diagnostics ou la pratique d'actes médicaux par M. X... eussent justifié de lui interdire d'user de l'appellation "médecine chinoise", la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a interdit l'usage du terme de médecin, l'arrêt rendu le 15 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;

Condamne le conseil départemental de l'Ordre des médecins de la Moselle aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille huit.
________________________________________

Publication : Bulletin 2008, I, n° 229
Décision attaquée : Cour d'appel de Metz du 15 mai 2007

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