HERMES va-t-elle agir en nullité de l'acquisition des ses actions par LVMH... et l'AMF va-t-elle avoir une position claire ?



HERMES va-t-elle agir en nullité de l'acquisition des ses actions par LVMH... et l'AMF va-t-elle avoir une position claire ?
Pour nous qui avons commenté, il y a un peu plus de 20 ans, la prise de pouvoir de Bernard ARNAULT dans LVMH, le duel avec HERMES est comme un coup de jeunesse (Paris 26 avril 1990, J.C.P. éd. E, II, 175, note H. C., Paris 2 novembre 1989, J.C.P. éd. E, II, 1990, 15 863, note H. C. (affaire LVMH). M. Bernard ARNAULT est un des rares, sur la place parisienne, qui sache que le Droit est vé-ri-ta-ble-ment (!) et souvent la pièce maîtresse d'une stratégie industrielle et financière. Ce pour quoi il a intégré comme l'un de ses bras droits, il y a plus de vingt ans, un professeur des facultés de droit qui avait aussi la pratique du droit. Les conseils de passage c'est bien, le conseil permanent c'est mieux ! Cela permet au dirigeant de se sortir de la "pensée marécage" des médias, selon la structure de l'ordonnancement juridique qui a (encore) un sens hérité de deux milles ans de raisonnement.

Divers projets éditoriaux nous empêchent de commenter ici l'affaire, et d'ailleurs il faudrait avoir une connaissance précise des faits, des dates et des circonstances des acquisitions (1). On ne peut commenter encore que... une observation peut être faite.

La seule question qui mérite d'être posée est celle de savoir s'il va y avoir ou non une suite judiciaire.
HERMES semble mécontent. Qu'il agisse donc en justice ! Plus curieux, l'AMF semble attentiste quand pourtant il y a une pratique de marché exigeant de réagir avec promptitude. En effet le titre oscille au moindre sourcillement de B. ARNAULT et le titre d'action HERMES a été chahuté. Il y a bien urgence.

L'AMF aurait déjà dû, selon nous, arrêter une position, ou bien elle considère que l'opération est correcte - ce qui est possible, nous ne savons pas - et elle le dit, ou bien elle la trouve critiquable et elle saisit la justice. Le président de l'AMF ne peut pas se contenter de déléguer sur son secrétaire général pour une ouverture d'enquête. Il doit saisir au vu des explications données sur-le-champ le collège de l'AMF qui doit se prononcer sur le point de savoir s'il y a matière.

Dans les "grands faits de marché", l'urgence est consubstantielle à l'efficacité de la régulation, les décisions doivent être rapides. C'est la raison pour laquelle il existe une action en justice spéciale au profit du président de l'AMF (sur le pouvoir du président de saisir la justice sur l'historique de cette action venant du croisement de celle de la COB améliorée par celle de feu le CMF, voyez notre analyse détaillée : Le référé financier, Le cas de l’action en justice du président du Conseil des marchés financiers, JCP éd. E., 1553, 2002).

Au coeur du problème se trouvent les actions achetées et quelques contrats financiers qui ont permis de les acheter (sur les deux techniques voyez : H. CAUSSE, Les titres négociables, Essai sur le contrat négociable, thèse Montpellier I, 1991, puis éd. LITEC préface B. TEYSSIE). C'est bien pour cela que la seule voie défense radicale est l'action en nullité des actions, laquelle n'est évidemment pas facile ; B. ARNAULT a bien dit dans un entretien au Figaro qu'il avait consulté divers juristes (éminents) de la place parisienne. Mais les juristes ne sont pas la justice, et même avec 1 chance sur 20 ou sur 100 de gagner HERMES peut juger que c'est utile d'agir en justice.

Pour ce qui est de l'AMF, l'affaire EADS a montré comme une faiblesse pour agir en justice (2). L'AMF a demandé un changement de la loi. Dans l'affaire qui s'ouvre (peut-être), le président de l'AMF a aussi demandé implicitement un changement de la loi en disant que l'acquisition via des options n'était pas clairement prise en compte. Cette version administrative de la régulation est étonnante et doit être fort bien entendue des opérateurs qui ont déjà dû en tirer les conséquences.

Il n'est pas impossible que B. ARNAULT dorme déjà sur ses deux oreilles...




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1) Actualité par La Tribune

2) Pour une vision critique de la (non) action judiciaire de l'AMF dans l'affaire EADS
Le législateur dans la loi du 22 octobre 2010 sur la régulation bancaire a accordé explicitement cette action à l'AMF, ce qui ne nous fera pas changer d'opinion : le législateur peut largement se tromper sur le droit positif ! Malheureusement.

Texte de loi repris de la base publique Legifrance :

Ce texte est relatif aux pouvoirs du collège de l'AMF et à ceux du président de l'AMF

Article L 621-14

I. - Le collège peut, après avoir mis la personne concernée en mesure de présenter ses explications, ordonner qu'il soit mis fin, en France et à l'étranger, aux manquements aux obligations résultant des dispositions législatives ou réglementaires ou des règles professionnelles visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou à tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché. Ces décisions peuvent être rendues publiques.
Le collège dispose des mêmes pouvoirs que ceux mentionnés à l'alinéa précédent à l'encontre des manquements aux obligations résultant des dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs et le marché contre les opérations d'initié, les manipulations de cours ou la diffusion de fausses informations, commis sur le territoire français et concernant des instruments financiers ou des actifs mentionnés au II de l'article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou pour lesquels une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée.

II. - Le président de l'Autorité des marchés financiers peut demander en justice qu'il soit ordonné à la personne qui est responsable de la pratique relevée de se conformer aux dispositions législatives ou réglementaires, de mettre fin à l'irrégularité ou d'en supprimer les effets.
La demande est portée devant le président du tribunal de grande instance de Paris qui statue en la forme des référés et dont la décision est exécutoire par provision. Il peut prendre, même d'office, toute mesure conservatoire et prononcer pour l'exécution de son ordonnance une astreinte versée au Trésor public.
En cas de poursuites pénales, l'astreinte, si elle a été prononcée, n'est liquidée qu'après que la décision sur l'action publique est devenue définitive.

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