L'agent et courtier en assurance, vu en prestataire de services d'investissement (PSI ?) pour des "produits financiers" (Cass. com., 3 juillet 2024, 22-24.842, Inédit)



Mettre à jour la partie sur les PSI pour l'édition 2025...
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Tout peut être produit financier en étant titrisé avec la moindre société...

Y compris des œuvres d'art... ou choses vues comme telle (ici des manuscrits anciens).

L'arrêt traite de la prescription de l'action en responsabilité, du point de départ du délai de 5 ans de l'article 2224 du Code civil. Il est favorable à l'investisseur.

Le seul résumé de la Haute juridiction dit les ingrédients de la recette détonante d'une responsabilité de l'intermédiaire.

"Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 7 novembre 2022), entre 2011 et 2016, M. [S] [X] et Mme [W] [X] (les consorts [X]), ont acquis, par l'intermédiaire de la société CPI, agent et courtier en assurance, de la société Artecosa des parts indivises de collections de manuscrits anciens, et conclu avec cette dernière des contrats de dépôt et d'exploitation de ces œuvres pour une durée de cinq années."

"Le manquement d'un prestataire de services d'investissement à son obligation d'information sur le risque de perte en capital et la valorisation du produit financier prive cet investisseur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'investisseur ait subi des pertes ou des gains manqués. Il en résulte que le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage ne peut commencer à courir avant la date à laquelle l'investissement a été perdu."

L'idée de "produit financier" ne va pas de soi, elle est la énième appellation d'un phénomène reposant en général sur des titres et plus largement sur des instruments financiers (énième catégorie depuis les titres négociables, puis effets de commerce, valeurs mobilières...).

L'idée de "prestataire de services d'investissement" est quelle sorte de variante des "prestataires de services en investissement" ? On le note, par référence au Code monétaire et financier*, après avoir relevé ici les "opérateurs de services en investissement" (OSI) : "OSI ! « Opérateur de services en investissement », nouvelle mais pâle figure (Cass. com., 8 nov. 2023, 21-24.706, inédit)".

Ce domaine des PSI et autres est fort riche de structures et d'activités, suivre la question s'impose pour ne pas amener les plaideurs à n'invoquer que le droit commun quand il y a un droit spécial assez détaillé devant par ailleurs s'inspirer des orientations de l'ensemble des textes européens. Sans les considérer, le droit commun pourrait devenir un jour un archaïsme.




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* CMF, art. L. 531-1, al. 1er : Les prestataires de services d'investissement sont les entreprises d'investissement, les sociétés de gestion de portefeuille ainsi que les établissements de crédit ayant reçu un agrément pour fournir des services d'investissement mentionnés à l'article L. 321-1.









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Cour de cassation, commerciale, 3 juillet 2024, 22-24.842, Inédit.

Vers l'arrêt


Un autre arrêt du même jour et dans le même sens et dans (presque) les mêmes termes ; cette fois c'est une société de gestion de patrimoine qui est qualifiée de PSI :


COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 juillet 2024
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 404 F-D
Pourvoi n° U 22-20.851

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 3 JUILLET 2024

M. [M] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-20.851 contre l'arrêt rendu le 30 juin 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Zurich Insurance Public Limited Company, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 5] (Irlande), et son établissement en France [Adresse 1],

2°/ à la société CNA Insurance Company (Europe), société anonyme, de droit étranger, dont le siège est [Adresse 3] (Luxembourg), et son établissement en France [Adresse 4], venant aux droits de la société CNA Insurance Company Limited

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Calloch, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [O], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Zurich Insurance Public Limited Company, société de droit étranger, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société CNA Insurance Company (Europe), société anonyme, de droit étranger, ès qualités, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Calloch, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 30 juin 2022), en avril 2014, M. [O] a acquis de la société Aristophil, par l'intermédiaire de M. [J] représentant de la société en gestion de patrimoine AJ conseil, des parts indivises de collections de manuscrits anciens et conclu, avec cette dernière, des contrats de dépôt et d'exploitation de ces œuvres pour une durée de cinq années.

2. La société Aristophil a été mise en redressement judiciaire le 16 février 2015.

3. Le 13 février 2020, soutenant avoir été mal informé et conseillé, M. [O] a assigné en dommages et intérêts la société CNA Insurance Company Limited, (la société CNA), assureur de la société AJ conseil, et la société Zurich Insurance Public limited Company (la société Zurich), assureur de M. [J].

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen pris en sa première branche

5. M. [O] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action à l'encontre de la société Zurich et le cas échéant à l'encontre de la société CNA, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en matière de responsabilité civile, le point de départ de la prescription est la date à laquelle un dommage certain se manifeste au titulaire du droit ; que s'agissant d'une action en responsabilité pour manquement au devoir d'information et de conseil du conseiller en investissements financiers, la manifestation du dommage ne peut résulter que de faits susceptibles de lui révéler l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat, ce qui exclut de retenir la date de conclusion du contrat ; que dès lors, en fixant à la date de conclusion des contrats litigieux le point de départ de la prescription de l'action tendant à engager la responsabilité du conseiller en investissements financiers au motif inopérant que ses droits étaient en l'espèce tout entier contenus dans le contrat qu'il a signé", la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil :

6. Aux termes de ce texte, les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

7. Le manquement d'un prestataire de services d'investissement à son obligation d'information sur le risque de perte en capital et la valorisation du produit financier prive cet investisseur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'investisseur ait subi des pertes ou des gains manqués. Il en résulte que le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage ne peut commencer à courir avant la date à laquelle l'investissement a été perdu.

8. Pour déclarer prescrite l'action en responsabilité engagée contre la société Zurich, l'arrêt énonce que M. [O] aurait dû faire procéder à une évaluation des œuvres qu'il projetait d'acquérir au regard de l'importance de l'investissement et de la volatilité du marché de l'art et aurait dû se convaincre dès la signature de ces contrats qu'il n'existait aucune garantie de rachat des œuvres, et en déduit que ses droits étant tout entier contenus dans les contrats, il disposait d'un délai de cinq ans à compter de la conclusion des contrats pour agir.

9. En statuant ainsi, alors qu'à la date de la conclusion des contrats, le dommage invoqué par M. [O], tenant aux pertes subies sur son investissement, ne s'était pas encore réalisé, de sorte que le délai de prescription n'avait pas commencé à courir, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE,
mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action de M. [O] à l'encontre de la société Zurich Insurance Public Limited Company, l'arrêt rendu le 30 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

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