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L'article que je n'ai jamais écrit : "H. CAUSSE, De la notion d'investisseur, ibid", exemple amusant de ce qu'est la méthode.



L'article que je n'ai jamais écrit : "H. CAUSSE, De la notion d'investisseur, ibid", exemple amusant de ce qu'est la méthode.
L'article que je n'ai jamais écrit est généralement cité de la sorte : "H. CAUSSE, De la notion d'investisseur, ibid". Le terme latin "ibidem" invite à se plonger dans "Après le Code de la consommation, Grands problèmes choisis" publié chez Litec. Personne ne peut naturellement trouver un texte intitulé de la sorte dans cet ouvrage. L'article que je n'ai jamais écrit : "H. CAUSSE, De la notion d'investisseur" n'est donc pas dans cet ouvrage. Je n'y ai fait qu'une contribution intitulée : La notion de consommateur (Après le Code de la consommation, Grands problèmes choisis, Actes de colloque, Direction J. Calais-Auloy et H. Causse, Litec, 1995).

Comme quoi, l'influence de l'internet et de Google...

En six mois, cela fait trois fois que je trouve, dans des documents divers, dont certains sont publiés, cette citation à un texte que je n'ai jamais écrit. Il serait amusant qu'il devienne mon texte le plus cité... Dans des temps lointains, j'avais repéré l'erreur d'un auteur qui, glissée dans un texte de grande autorité et complet, ne valait que coquille. Ce texte étant purement et simplement repiqué par certains, dans des développements parfois plus légers, l'erreur prend alors un tournant plus gênant. Avec une telle citation, on laisse entendre que j'ai défini ou me suis prononcé après mûre réflexion sur l'investisseur alors que ce n'est pas le cas. Dans "Après le Code de la consommation...", je cherchais un destin unitaire à la notion de consommateur, laquelle serait (dans mon optimisme excessif) une notion valable pour tout le code.

Je m'arrête un instant sur l'idée, car la citation abusive finit par évincer les idées alors que l'on cite, justement, pour se référer aux idées et positions des uns et des autres. On sait en effet que le code de 1993, comme tant d'autres désormais, n'est qu'une compilation de lois précédentes, codifiées à droit constant. Malgré la codification, et c'est un peu le pari inverse que je faisais dans ce texte, je pensais que la jurisprudence pouvait trouver des ferments, dans chaque loi, pour dégager une notion commune. C'était naïf. Si je suis plus indulgent : c'était volontariste. En vérité, chaque loi, de 1972, de 1978, de 1983... est restée avec son domaine d'application qui, chaque fois, vise une personne protégée et précisément désigné (l'emprunteur, l'acheteur, le contractant...). Dernièrement, mais je ne me prononce pas ici, il me semble que le droit communautaire ou unioniste a eu davantage recours à la notion de consommateur en tant que notion globale et commune à diverses protections.

Mais cela, c'est juste en passant... je n'ai jamais repris ce sujet. Toutefois, dans la dernière chronique de droit bancaire mentionnée ci-dessous, de novembre 2010, je prends 4 exemples d'arrêts qui montrent ces liens (conso/bancaire/financier) qui, sans être systématiquement compliqués, ne sont pas toujours simples.

Voilà donc ce que je disais dans ce texte en 1995 d'un colloque organisée en 1994 à la Faculté de Reims, Faculté que j'avais choisie. Dans ce colloque, j'avais pris une position sur l'investisseur mais qui était, dois-je dire en tant que juriste, "incidente". Cet article n'est pas construit et développé sur le sujet de l'investisseur, elle est incidente. Ainsi, me citer en 1995 sur un article sur " De la notion d'investisseur, ibid" ne convient guère. Citer des sources qui n'existent pas pose de façon générale un problème méthodologique. Au cours d'une soutenance de thèse, ce type d'erreur peut être jugé par certains membres de jury comme étant impardonnable... sauf à tomber sur certains à qui on pardonne tout...

La gêne est d'autant plus grande que, quelques années plus tard, j'ai fait un point sur la question. Dans les études offertes à Jean-Calais AULOY (Liber amicorum Jean-Calais AULOY, Etudes de Droit de la consommation, Dalloz, 2003 : photo en illustration), L'article s'appelle cette fois 'L'investisseur" et je tente d'en faire une analyse plutôt approfondie. Et comme de bien entendu, cette publication n'est pas citée... au détriment de l'autre. Un comble ! Mais au-delà du "je suis cité" ou "je ne suis pas cité", il y a le fond, la question des idées qui restent du coup en attente d'évolution.

Dans le texte consacré à "L'investisseur", je soutiens une distinction entre le consommateur et l'investisseur, mais également entre l'investisseur et l'épargnant. Je tente de trouver une ligne de partage qui tient en une idée (sous toutes réserves car je ne souhaite pas me relire...) : l'épargnant ne souhaite aucun risque (PEL, CEL, Livret A...), l'investisseur en prend certains (et cela commence par l'obligataire, l'acheteur de titres...). Naturellement, celui qui achète des actions (voyez ci-dessous la question du TEG et des banques coopératives) est un investisseur (qui fait un investissement en achetant des parts et non des frais), le cas échéant un épargnant si la structure sociale est hors de tout risque. Il est en tout cas "l'inverse" d'un consommateur qui généralement achète des biens non-durables, qui a priori ne se valorisent pas, qui souvent se dévalorisent et qui ne rapportent rien. Naturellement cette image type (tout de même assez précise) ne suffit pas et la question de l'acheteur immobilier pose simplement l'épaisseur du problème quand on sait qu'il a sa place dans le Code de la consommation...

La conclusion est donc néanmoins, cette fois, dans cet article de 2003, assez précise : l'investisseur à défaut de toujours être "l'inverse" du consommateur s'en distingue sur divers plans. Néanmoins, face à un professionnel, son besoin de défense reste le même voire est accru lorsque les opérations financières sont complexes ou nouvelles pour le "client" (autre notion). La crise financière l'a démontré. Dans le même fil d'idée, j'avais plaidé (autre texte !) pour un renforcement de l'obligation de conseil dans les Mélanges offerts à Dominique SCHMIDT en considérant que la jurisprudence "Buon" ne respectait pas la directive services en investissement laquelle imposait une obligation renforcée de conseil ; la jurisprudence a tardivement évolué en imposant une obligation de mise en garde de l'investisseur qui est, selon moi, une protection plus forte que celle généralement accordée par les textes consuméristes.

C'est dire, en court, qu'il y a des raisons importantes de distinguer entre ce consommateur et cet investisseur. Et qu'un texte consacré à l'un n'est pas toujours un texte consacré à l'autre. Le sujet me paraissant fondamental je l'ai donné en sujet de thèse sous l'intitulé "l'investissement"... laquelle a fait largement le tour de la question.

La mauvaise citation n'est donc pas qu'un problème de méthode académique ; elle est aussi un problème de fond qui aboutit directement à pouvoir construire le débat ou, au contraire, à l'enliser. Dans l'objectif qui est de dégager des notions et mécanismes dont les gouvernants, les juges et les praticiens ont besoin, la bonne citation est utile.

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