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La détention de parts de fonds communs de placement (FCP) n'équivaut pas celle d'actions de société au titre de l'ISF (Cass. com. 18 jan. 2011). FCPE Noraction et SA Norauto.



La détention de parts de fonds communs de placement (FCP) n'équivaut pas celle d'actions de société au titre de l'ISF (Cass. com. 18 jan. 2011). FCPE Noraction et SA Norauto.
Est-ce un arrêt de droit des sociétés ? De droit bancaire ? De droit des investisseurs et des services d'investissement ? De droit fiscal ? C'est un arrêt de droit commercial et il faut un peu de toutes ces matières pour faire l'épissure du "droit commercial" un peu trop disparu aujourd'hui. Cet arrêt fera goûter aux commercialistes qu'ils sont bien des spécialistes du droit des affaires - soit des commercialistes, ou "affairistes", terme sans équivoque en droit. Il faut l'être pour comprendre cette décision ou, encore, dans un cours de droit des affaires, suivre l'idée selon laquelle un FCP est une technique de financement (bancaire ?) des entreprises - malgré les nuances à formuler et l'arrêt d'espèce le montre à sa façon.

En effet, en poussant un peu l'analyse, on cerne dans quelle mesure certains OPCVM peuvent être destinés à financer un groupe restreint de sociétés - ce qui souligne la notion de financement. L'objectif est autant de permettre à ces sociétés d'augmenter les participations que de permettre aux FCP de permettre les investissements attendus de ses souscripteurs. Les unes ne vont pas sans les autres. De ce fait, de façon plus ou moins nette, le FCP est une technique de financement des entreprises et, en pratique, une technique de financement bancaire car ce sont les banques qui réalisent ces "montages". Cela est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit ici d'un FCPE (FCP d'entreprises) et on renverra les amateurs au code monétaire et financier pour relire son régime (art. L. 214-39 et s.).

Les porteurs financent le FCP (en souscrivant des parts de FCP) qui lui-même investit dans des sociétés (actions). Bien que le FCP ne dispose pas de la personnalité morale, il fait écran en tant qu'entité originale. Il n'est donc pas possible d'assimiler la détention via le fonds (expression qui en soi n'est déjà qu'illusion) à la pure détention. Avec cette position, la cour d'appel a parfaitement appliqué les articles 885 E et 885 O bis du code général des impôts relatifs à l'ISF, le FCPE ne pouvant par ailleurs être considéré comme une société interposée.

Pour l'espèce, la question qui se pose alors est : l'actionnaire a-t-il tenté un coup avec sa déclaration fiscale ou bien le banquier qui lui a vendu les parts de FCPE a-t-il oublié de lui mentionner ce détail fiscal ? Pour la plus petite histoire encore, qui ne met ni en cause la notion de détention, de financement, de personne morale, d'entité... on invitera les personnes qui ont ce problème fiscal à lire l'article 885-I du CGI qui aménage désormais cette imposition...




Arrêt copié sur la base publique Legifrance

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 18 janvier 2011

N° de pourvoi: 10-11941
Publié au bulletin Rejet

Mme Favre (président), président
SCP Monod et Colin, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 7 décembre 2009), que M. X... détenait des actions de la société Holding Hofider et de la société anonyme Norauto ainsi que des parts du fonds commun de placement d'entreprise Noraction ; que, le 31 janvier 2006, l'administration fiscale lui a notifié des propositions de rectification au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), pour les années 2003, 2004 et 2005, en réintégrant les parts du fonds commun de placement qui ne figuraient pas dans les déclarations souscrites ; que l'intéressé a accepté ce redressement à hauteur des parts du fonds commun de placement ne correspondant pas à des actions de la société Norauto, estimant que les titres de cette dernière, détenus soit directement soit par l'intermédiaire du fonds commun de placement, constituaient un bien professionnel unique bénéficiant de l'exonération prévue par l'article 885 O bis du code général des impôts ; qu'après avis de mise en recouvrement et rejet de sa réclamation, M. X... a saisi le tribunal de grande instance afin d'obtenir le dégrèvement partiel des impositions mises à sa charge ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que les parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit plusieurs conditions et notamment s'il justifie d'une détention directe des titres en cause ou par l'intermédiaire d'une société interposée ; que le fonds commun de placement n'ayant pas la personnalité morale les porteurs de parts, copropriétaires de l'actif du fonds, sont donc directement copropriétaires des actions qui le composent ; qu'en décidant, cependant, en l'espèce, que la détention, par M. X..., des actions Norauto via le FCPE Noraction ne constituait pas la détention directe des titres, la cour d'appel a violé les articles 885 E et 885 O bis du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

2°/ que les parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes, à savoir, premièrement soit être gérant d'une société à responsabilité limitée ou d'une société en commandite par actions, soit associé en nom d'une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions et, deuxièmement, détenir 25 % au moins des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société ; que la loi qui prévoit que, pour que le bien puisse être qualifié de bien professionnel, son propriétaire doit détenir 25 % des droits de vote attachés à ce bien n'impose pas qu'il exerce effectivement ce droit ; qu'en retenant pour refuser l'exonération fondée sur l'article 885 O bis du code général des impôts que les droits de vote attachés aux actions Norauto sont exercés non par M. X..., détenteur de parts du FCPE Noraction composé des actions Norauto, mais par le conseil de surveillance du fonds, la cour d'appel qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, à savoir l'exercice du droit de vote par les détenteurs d'actions eux-mêmes, a violé les articles 885 E et 885 O bis du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

3°/ que le conseil de surveillance du fonds commun de placement d'entreprise, composé de salariés représentant les porteurs de parts et eux-même porteurs de parts, exerce les droits de vote attachés aux valeurs comprises dans le fonds ; qu'il s'ensuit que le conseil de surveillance du FCPE exerce le droit de vote en qualité de mandataire des salariés, porteurs de parts ; qu'en retenant pour refuser l'exonération fondée sur l'article 885 O bis du code général des impôts que les droits de vote attachés aux actions Norauto sont exercés non par M. X... et Mme Y..., détenteurs de parts du FCPE Noraction composé des actions Norauto, mais par le conseil de surveillance du fonds, la cour d'appel a violé l'article L. 214-39 du code monétaire et financier, ensemble l'article 885 O bis du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le fonds commun de placement, n'ayant pas la personnalité morale, ne pouvait être considéré comme une société interposée au sens de l'article 885 O bis du code général des impôts et que, dans le cadre de celui-ci, M. X... ne détenait pas des actions de la société Norauto mais des parts de ce fonds ; que de ces seuls motifs, la cour d'appel a exactement déduit que les parts de ce fonds ne pouvaient bénéficier de l'exonération de l'assiette de l'ISF prévue par le susdit article 885 O bis ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'autre grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; ...

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