La garde à vue mise à mort à terme de onze mois. Un camouflet pour la politique pénale et la politique législative. Une victoire de la réforme constitutionnelle.



La garde à vue mise à mort à terme de onze mois. Un camouflet pour la politique pénale et la politique législative. Une victoire de la réforme constitutionnelle.
Le grand boum juridique de l'été vient du Conseil constitutionnel qui convoque le Parlement pour refondre les articles de la garde à vue. Initialement destinée à protéger la personne entendue, les OPJ étant face à un contre la montre, la garde à vue est devenue une mécanique infernale, une mécanique automatique. La décision était très attendue, voyez par exemple le commentaire du site Combats pour les droits de l'Homme :


Site Droits de l'Homme, article par M. SLAMA

Le Gouvernement a donc saisi, en ce début de mois de septembre, le Conseil d'Etat, pour avis, d'un projet de loi modifiant la garde à vue ordinaire, dite de aussi de droit commun (il existe des règles exceptionnelles pour la recherche d'actes de terrorisme). La situation juridique va donc changer et il faudra voir si la situation pratique change aussi vite, la presse en parle déjà :

Le Figaro

Pour un rien les gens sont mis en garde à vue ce qui est traumatisant puisque, pour un rien, vous êtes dans la même situation qu'un individu vraiment dangereux. Pour les cas vraiment utiles, la garde à vue est en outre devenue une mécanique de pression peu admissible pour obtenir ou soutirer des aveux, lesquels dispense de toute recherche d'éléments objectifs. L'enquête au bureau est plus facile que sur le terrain, ce qui accommode aussi un Etat impécunieux : une enquête sur le terrain coûte plus cher qu'un PV comportant des aveux.

La politique sécuritaire menée depuis des années a largement contribué à cette dérive, les parquets ayant accompagné ce mouvement. On notera que le président du Conseil constitutionnel lui-même pourra être vu comme un rouage ordinaire de cette dérive, et il ne manque pas de sel que la décision soit rendue sous sa présidence et en présence d'un ancien chef de l'Etat que l'on peut voir comme l'un des acteurs majeur de la politique pénale qui a donné cette politique et ce dispositif législatif. Mais cet aspect donne finalement un très grande autorité à la décision puisque même les acteurs de cette politique et les syndicat de policiers devraient savoir en tirer des conséquences.

Tous les éléments-clefs de la garde à vue semblent critiqués par la décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 : le régime des interrogatoires, la question de la présence (ou de l'absence) de l'avocat, les règles d'accès au dossier ou encore les droits des suspects. Cela a une conséquence globale. Les dispositions actuelles de la garde à vue ne respecte pas « la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, ne peut plus être regardée comme équilibrée», jugent les Sages.

On notera en conclusion deux choses juridiques assez remarquables.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel est devenu en quelques mois une juridiction suprême, alors qu'il n'en existait pas, soit une juridiction capable de juger le Droit (conformité d'un texte aux principes fondamentaux) à partir d'une affaire précise, soit indirectement le Fait, et sur demande de tout justiciable. Il y avait bien, dans la réforme constitutionnelle en cause, une évolution remarquable.

En second lieu, le pouvoir judiciaire (au sens large) est sensiblement revalorisé en pouvant, en pratique, rendre des décisions qui ne sont pas des "arrêts de règlements" (notion traditionnelle) mais qui, sans donner de solution précise, constituent de véritables "ordres de réviser la loi". Voilà une sorte de décision qui est, à certains égards, plus forte que la loi (puisque la loi doit être modifiée), mais qui lui est également inférieure (puisqu'elle ne donne pas une solution précise sur ce que doit être le régime juridique de la garde à vue - et il va y avoir des discussions !).

On notera que cette réforme pénale est le résultat assez direct de la réforme constitutionnelle qui autorise de soulever les "QPC", sorte d'exceptions d'inconstitutionnalité. La démocratie a alors probablement fait un progrès sensible. Et on se souvient que cetter réforme fut adoptée à quelques voix...

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