hervecausse

Le banquier prestataire de services d'investissement (PSI) n'a pas d'obligation de conseil mais il peut avoir à vous conseiller... (Cass. com., 20 juin 2018)



La jurisprudence sur les obligations d'information et de conseil n'est pas claire. Il faudrait ré-étager toutes les obligations qui peuvent exister en lien avec cette formule. La Cour de cassation a créé un peu partout des obligations qui suscitent un contentieux important.

En matière de banque et de PSI, l'arrêt reproduit vaut le détour. La Haute juridiction dit une chose et son contraire à force de mots de la loi (pertinence, prudence, loyauté). On peut dire que c'est subtil. On peut aussi penser que cela l'est trop, au point d'être contradictoire.

"... si le banquier prestataire de services d'investissement n'est pas, en cette seule qualité, tenu d'une obligation de conseil à l'égard de son client, il est tenu, lorsque,à la demande de celui-ci ou spontanément, il lui recommande un service ou un produit et lui prodigue ainsi un conseil, de le faire avec pertinence, prudence et loyauté...".

Cette phrase est obscure, rendons-la claire : la qualité de PSI (peu important ici celle de banque), le statut de PSI, en lui-même, n'implique pas une obligation de conseil mais, si le PSI recommande un service ou un produit (d'où la cour sort-elle ce mot ? des Echos ?), la PPL a un sens qui est proche du conseil.

Certes cela reste en partie obscur puisque la Cour n'est pas en état de rendre un principe, pour ce faire, il lui faudrait une vision d'ensemble qu'elle n'a pas.

Nous pensons que la DSI (1993) permettait de poser des arrêts de principe que le juge du droit a manqué de prendre, et c'est fort ancien. Les avocats auraient dû invoquer les termes précis et inconditionnels de la DSI et de la MIF, d'abord reproduits dans la loi de 1996 puis dans le Code monétaire et financier, pour tenter d'arracher des décisions de principe, ce qui passait par la CJUE.

On navigue ainsi entre un droit très sophistiqué et peu ou pas appliqué et des arrêts adoptés sur le droit commun. Il y a avec cette arrêt une petite avancée pour le client, elle aurait pu être consacrée il y a 10 ou 20 ans... Pour débuter. Mais que tirer de cette décision sinon que des plaideurs mal instruits vont tenter leur chance sans pouvoir la mesurer et donc partir dans un contentieux long et donc épuisant et coûteux.





La MIF 2 n'aide pas les investisseurs sur le terrain des recours judiciaires. Le droit européen est capitaliste, ouvertement pour les investisseurs, concrètement en leur défaveur - la faveur est aux entreprises qui doivent faire le marché unifié, et maintenant le marché unifié des capitaux !

L'extrait d'attendu reproduit ci-dessous avertit qu'il n'y a pas d'obligation de conseil (de principe, automatique et générale), mais que les obligations des règles de bonne conduite permet de juger qu'une sorte de recommandation, le mot conseil est interdit, doit être faite au client. Il s'agissait de lui proposer un contrat financier le couvrant d'un risque de taux d'intérêt.

On passe sur la cassation qui concerne l'évaluation du préjudice.



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Extrait de la base publique Legifrance

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mercredi 20 juin 2018 N° de pourvoi: 17-11473

Publié au bulletin Cassation

Mme Mouillard (président), président
Me Le Prado, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, pour couvrir le risque d'augmentation du taux d'intérêt, stipulé variable, à partir duquel était calculé le montant des loyers du crédit-bail immobilier qu'elle avait souscrit le 27 août 2008 pour financer la construction d'un bâtiment d'un coût total hors taxes de 1 400 000 euros, la société Acometis a conclu avec la société Banque CIC Est (la banque) un contrat d'échange de conditions d'intérêts (le contrat de « swap ») prévoyant, sur le même montant, l'échange d'un taux Euribor 3 mois payé par la banque contre un taux fixe de 4,06 % payé par la société Acometis ; qu'estimant que la banque avait, à cette occasion, manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil, la société Acometis l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Acometis la somme de 165 701,34 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2016 alors, selon le moyen :

1°/ que le contrat de « swap » de taux d'intérêt est par nature aléatoire et repose sur le risque supporté par chacune des parties résultant de l'évolution du taux variable de référence par rapport au taux fixe conventionnel pendant la durée du contrat et dont l'évolution future n'est pas connue à la date de signature du contrat ; qu'il ne peut donc être reproché à un banquier de ne pas avoir informé son client d'une baisse certaine et durable des taux dont il ne pouvait avoir connaissance et qui s'est révélée plus d'un an après la conclusion du contrat ; qu'en imputant néanmoins à la banque un manquement à son obligation d'information et de conseil pour ne pas avoir proposé un contrat « cap » à son client motif pris que « ce contrat s'inscrivait dans le courant de prévision de baisse des taux connu de la banque dès le 8 février 2008 », sans constater qu'à cette date, la banque savait qu'une baisse certaine et durable des taux interviendrait un an plus tard, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que le banquier prestataire de services d'investissement n'est pas, en cette seule qualité, tenu d'une obligation de conseil à l'égard de son client, qu'il soit ou non averti, sauf engagement contractuel en ce sens ; que par motifs propres et adoptés des premiers juges, l'arrêt relève que dans la convention litigieuse, la banque intervient comme partie et non comme conseil de la société Acometis ; qu'en qualifiant cette dernière mention de « clause de style » pour accueillir la demande de dommages-intérêts formée par la cliente pour manquement à une obligation de conseil pourtant non souscrite par la banque, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir énoncé que l'information délivrée par le banquier prestataire de services d'investissement doit être objective, suffisante et compréhensible, afin de permettre à son client de comprendre la nature du service d'investissement et du type spécifique d'instrument financier proposé, ainsi que les risques y afférents, et de prendre sa décision en toute connaissance de cause, l'arrêt retient que la proposition de couverture de taux adressée par la banque à la société Acometis le 20 février 2008 était très sommaire puisqu'elle se bornait à lui présenter deux instruments, le « swap » de taux, s'agissant de la fixité, et le « tunnel (3,5 % - 4,5 %) » ; qu'il retient ensuite, s'agissant du « swap », que la banque a omis d'indiquer à la société Acometis que le choix de cette option était irrévocable, qu'elle ne bénéficierait donc pas d'une éventuelle baisse des taux et qu'elle s'exposait à supporter un coût élevé en cas de sortie du contrat ; qu'il retient enfin qu'aucune des deux propositions de la banque ne comprenait de simulation chiffrée des risques encourus au regard de l'évolution prévisible ou non des taux d'intérêts ; qu'en cet état, la cour d'appel a pu retenir que la banque avait manqué à son obligation d'information, sans avoir à constater que cet établissement de crédit avait connaissance au moment de la conclusion du contrat de « swap » de la baisse des taux d'intérêts ;

Et attendu, d'autre part, que si le banquier prestataire de services d'investissement n'est pas, en cette seule qualité, tenu d'une obligation de conseil à l'égard de son client, il est tenu, lorsque,à la demande de celui-ci ou spontanément, il lui recommande un service ou un produit et lui prodigue ainsi un conseil, de le faire avec pertinence, prudence et loyauté, en s'enquérant de ses connaissances, de son expérience en matière d'investissement, ainsi que de sa situation financière et de ses objectifs, afin que l'instrument financier conseillé soit adapté ; que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt constate que la banque s'est abstenue de proposer à la société Acometis un « cap », instrument financier usuel en la matière et beaucoup moins onéreux pour le client, au profit d'un « swap », qui lui assurait une rémunération maximum, cependant que le « cap » était adapté à la situation de la société, répondait à sa demande et s'inscrivait dans le courant de prévision de baisse des taux dont la banque avait connaissance dès le 8 février 2008 ; qu'il relève encore qu'elle a proposé cet instrument financier pour la totalité de la somme, soit 1 400 000 euros, tandis que 250 000 euros devaient faire l'objet d'un financement à taux zéro par les collectivités locales, de sorte que la souscription d'un « swap » de taux était inutile pour ce montant ; qu'il ajoute qu'elle a proposé le « swap » de taux pour une durée de cinq ans, cependant que le contrat de crédit-bail prévoyait la possibilité de transformer le taux variable en taux fixe dès le 1er janvier 2010, de sorte que la souscription du « swap » était inutile pour près de deux tiers de sa durée ; qu'il en déduit qu'au regard du contrat de crédit-bail, que la banque connaissait parfaitement, et de la situation et des besoins de sa cliente, qu'elle connaissait tout autant, la banque a commis une faute en recommandant la souscription du « swap » litigieux ; qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a pu retenir que la banque avait commis une faute en prodiguant à la société Acometis un conseil inadapté ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour évaluer le préjudice causé à la société Acometis, l'arrêt retient que le non-respect, par la banque, de ses obligations d'information et de conseil a entraîné, au détriment de cette société, la perte d'une chance de bénéficier d'un taux favorable et, corrélativement, le paiement d'importantes sommes au titre du « swap » ; qu'il en déduit que ce préjudice est égal à la différence entre les sommes payées en exécution du contrat de « swap » au 2 janvier 2014, 184 701,34 euros, et le coût d'un instrument favorable tel que le « cap », 19 000 euros, soit 165 701,34 euros ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs tenant pour certain qu'informée de la possibilité de conclure un contrat de « cap » pour couvrir son risque de taux, la société Acometis aurait souscrit ce type d'instrument financier au lieu du « swap » qui lui était conseillé, quand elle aurait, tout aussi bien, pu décider de ne pas souscrire de contrat de couverture ou privilégier une autre formule, la cour d'appel, qui n'a pas mesuré le préjudice à la chance perdue d'éviter le dommage qui s'est réalisé mais l'a réparé dans son intégralité, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

CA COLMAR

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRÊT DU 30 Novembre 2016


Numéro d'inscription au répertoire général 1 A 15/02874

Décision déférée à la Cour 02 Avril 2015 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE COLMAR

APPELANTE - INTIMÉE INCIDEMMENT

SA BANQUE CIC EST

prise en la personne de son représentant légal


COLMAR
Représentée par Me Gérard CAHN, avocat à la Cour

Avocat plaidant Me ..., avocat à STRASBOURG

INTIMÉE - APPELANTE INCIDEMMENT

SAS ACOMETIS (ATELIERS DE CONSTRUCTION METALLIQUE INDU STRIELLE DE SOULTZ)

prise en la personne de son représentant légal

7 Place du 17 Novembre BP 7

68360 SOULTZ

Représentée par Me Sophie BEN AISSA-ELCHINGER, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de

Mme DORSCH, Conseillère faisant fonction de Présidente, entendue en son rapport

M. ROBIN, Conseiller

M. REGIS, Vice-président placé auprès du premier président

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats Mme MUNCH-SCHEBACHER

ARRÊT

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Christine DORSCH, conseillère faisant fonction de présidente et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La Société ACOMETIS, cliente de la Banque CIC EST depuis mai 1996, est une entreprise de fabrication et de vente de produits de menuiserie, et de constructions métalliques installée à SOULTZ dans le Haut Rhin. En vue de réorganiser son site industriel, la SAS ACOMETIS a, suite à un incendie, décider de la construction d'un bâtiment de 1436 m2 à usage de stockage, d'ateliers, de bureaux et de locaux sociaux, le coût total de cette opération s'élevant à la somme de 1.400.000 euros HT. L'opération a été financée au moyen d'un crédit-bail immobilier.

Le 15 février 2008 la SAS ACOMETIS acceptait l'offre de crédit-bail immobilier prévoyant un financement par la société ALSABAIL à hauteur de 55 %, et par CMCIC LEASE à hauteur de 45 %. La SA BANQUE CIC EST participait à cette opération par le biais de la société CMCIC LEASE. Le remboursement s'échelonnait sur 60 trimestres, soit 15 ans, moyennant un taux d'intérêt indexé sur l'indice variable EURIBOR à 3 mois, avec un taux de marge de 1,2 %. Ce crédit-bail immobilier a fait l'objet d'un acte authentique établi le 27 août 2008. L'acte établi un financement

· Par la société ALSABAIL à hauteur de 770 000 euros, soit 250 000 euros financés sous forme d'avance à taux zéro faite par les collectivités locales, et 520 000 euros provenant de fonds propre de la société ALSABAIL, ce financement étant adossé à l'indice variable EURIBOR 3 mois, avec un taux de marge de 1,2 % ;

· Par le CM-CIC LEASE à hauteur de 630 000 euros adossé à l'indice variable EURIBOR 3 mois avec un taux de marge de 1,2 %.

L'acte notarié prévoyait également la possibilité de conversion du taux variable en taux fixe annuellement le 1er janvier de chaque année, et pour la première fois le 1er janvier 2010,

avec un préavis de 3 mois. Il est stipuler que le taux d'intérêt fixe sera déterminé d'un commun accord entre les parties, et que la conversion en taux fixe est irréversible.

En parallèle de ces actes, afin de neutraliser la variabilité du taux d'intérêt, la SA BANQUE CIC EST proposait le 20 février 2008 à la SAS ACOMETIS deux systèmes d'une part une assurance SWAP pour transformer le taux variable en taux fixe, ou d'autre part un système dit 'TUNNEL' afin de limiter le taux maximum et minimum des intérêts. La SAS ACOMETIS a opté pour le SWAP, et le 29 février 2008 la banque acceptait l'échange des conditions d'intérêts soit un taux fixe de 4,06 %.

Affirmant que la Banque CIC a manqué à son obligation d'information et à son devoir de mise en garde, la SAS ACOMETIS a le 14 février 2013, assigné la Banque CIC EST devant le tribunal de grande instance de COLMAR aux fins de la voir condamnée à réparer son préjudice par l'allocation d'une somme de 173.217 euros à titre de dommages, outre 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En tant que de besoin elle sollicitait une expertise pour chiffrer le préjudice.

La SA BANQUE CIC EST pour sa part soutenait n'avoir commis aucune erreur d'appréciation et avoir répondu avec précision à la demande de son client, et lui avoir apporté les renseignements et modalités utiles. Elle contestait l'existence d'un devoir de mise en garde, et sollicitait 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 2 avril 2015 le tribunal de grande instance de COLMAR a condamné la SA BANQUE CIC EST à payer à la SAS ACOMETIS la somme de 65.498 euros, outre 3.000 euros de frais irrépétibles. La banque a été condamnée au frais et dépens, et l'exécution provisoire n'a pas été ordonnée.

Le tribunal a jugé que la banque a failli à son obligation de conseil résultant des articles L 533-11 et suivants du code monétaire et financier. Le tribunal a relevé une contradiction entre d'une part les mentions relatives à la complexité du contrat, à l'invitation à la réflexion, la consultation de conseiller, et d'autre part la mention que la banque n'a pas conseillé le client. Il a jugé que la SAS ACOMETIS n'est en rien versée dans le maniement des instruments financiers, et reste tributaire des conseils de la banque. Il a, à ce titre, analysé le procès-verbal de constat de la conversation téléphonique du 29 février 2008 par laquelle la SAS ACOMETIS accepte le taux fixe en faisant preuve d'une franche ignorance des mécanismes financiers. Le tribunal reproche à la banque

· Un défaut d'information sur le caractère irrévocable du SWAP,

· La mise en oeuvre d'un SWAP de 5 ans alors que le contrat de crédit-bail permettait de substituer un taux fixe dès janvier 2010,

· D'avoir appliqué le SWAP à la totalité de l'opération alors que 250.000 euros était avancés au taux de 0%, de sorte que le risque n'existait que pour 1.150.000 euros et non 1.400.000 euros.

Le tribunal a estimé que la SAS ACOMETIS a perdu une chance de bénéficier d'un taux favorable. Il a chiffré le préjudice à 65.498 euros correspondant au coût du SWAP au 31 mars 2011 (84.498 euros) moins 19.000 euros correspondant au coût d'un instrument favorable tel le CAP.

La SA BANQUE CIC EST a le 21 mai 2015 interjeté appel contre cette décision.

A l'appui de son recours la BANQUE CIC EST soutient n'avoir fait que répondre à la volonté farouche du dirigeant de la société d'obtenir un taux fixe, alors que le contrat avait été irrévocablement signé à taux variable, de sorte que seule l'adjonction d'un instrument financier tel le SWAP permettait d'obtenir le résultat souhaité. Elle insiste sur le fait que le seul souhait du client était d'obtenir un taux fixe et qu'elle a parfaitement rempli ses obligations à cet égard, sans que puisse lui être reproché un défaut d'études préalables. Elle conteste le défaut d'information.

S'agissant de l'obligation de conseil elle estime que les écrits d'un expert-comptable produits par l'intimée, ne sont qu'un avis émanant d'un expert-comptable n'ayant ni qualité, ni compétence particulière. Elle souligne que le contrat a été conclu à un moment où les marchés étaient particulièrement agités, et qu'elle ne pouvait prévoir la baisse des taux. Elle déclare que le SWAP est un mécanisme simple qui ne requiert aucune connaissance particulière, et que cette formule a clairement été voulue par le dirigeant de la SAS ACOMETIS. Elle soutient qu'aucun document n'établit la réalité du financement à taux zéro par les collectivités, de sorte que c'est à bon droit que le SWAP a porté sur la totalité du financement. Enfin elle conteste l'existence d'une obligation de mise en garde en l'absence d'opération spéculative.

S'agissant du préjudice allégué dont elle conteste la qualification, la SA BANQUE CIC EST souligne que la SAS ACOMETIS ne démontre pas avoir payé 184.701,34 euros au titre du SWAP.

Ses dernières conclusions récapitulatives en date du 30 octobre 2015 tendent à INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

DIRE ET JUGER que CIC EST n'a commis aucune faute technique ni défaut de conseil ni mauvais conseil.

DIRE ET JUGER que CIC EST n'a aucune responsabilité dans la perte de chance de pouvoir éviter de payer une indemnité d'assurance-crédit, tout en étant certain de ne devoir que des indemnités fixes.

CONDAMNER ACOMETIS aux frais et dépens de première instance et d'appel, et au paiement pour l'instance d'appel de la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

DÉCLARER l'appel incident de la Société ACOMETIS mal fondé, et le rejeter.

CONDAMNER ACOMETIS aux frais et dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 10.000euros.

La SAS ACOMETIS réplique que la banque n'a pas respecté son obligation d'information, de conseil et de mise en garde. Étant un investisseur profane, elle invoque l'absence de vérifications précontractuelles prévues à l'article L 533-13 du Code Monétaire et Financier, ainsi que le Règlement de l'Autorité des Marchés Financiers précisant les contours de cette obligation d'information.

Elle expose qu'en février 2008, elle était une PME avec un comptable unique assisté d'une secrétaire comptable à mi-temps, dont la clôture des comptes était assurée par un expert-comptable. Elle déclare qu'elle ne disposait dès lors d'aucune ressource autre que le conseil de la Banque pour assurer la gestion des risques de taux. Elle affirme que la SA BANQUE CIC EST a manqué à l'obligation d'information prévue par l'article L 533-12 du Code Monétaire et Financier car la proposition litigieuse est lapidaire, que le CIC n'a pas décrit clairement les caractéristiques propres à l'instrument qu'elle lui proposait, qu'il ne l'a pas informée de la perte du bénéfice d'une éventuelle baisse de taux, du caractère irrévocable du contrat de SWAP de taux, ni du coût d'une sortie du contrat, aucune simulation n'ayant été établie.

La SAS ACOMETIS reproche également à la banque l'absence de proposition d'un CAP plus adapté, l'absence d'information sur l'évolution prévisible à la baisse des taux à court terme et sur le fait qu'elle ne pourrait bénéficier d'une baisse des taux, l'absence d'information du coût d'un SWAP de taux, l'absence d'information de la possibilité que contenait le crédit-bail de transformer le taux variable en taux fixe à compter du

1er janvier 2010, la mise en place inutile du SWAP sur la somme de 250.000 euros objet d'un financement à taux zéro.

Elle estime que ce faisant, la BANQUE CIC-EST a commis une faute contractuelle qui engage sa responsabilité, ainsi que l'a retenu le premier Juge. Elle chiffre à la somme de 165 701,34 euros le montant du préjudice correspondant aux montants versés au titre du SWAP (184.701,34 euros) moins le coût d'un CAP (19.000 euros) conformément au décompte de son expert-comptable.

La société ACOMETIS forme un appel incident, et par ses dernières conclusions récapitulatives du 28 janvier 2016 demande à la cour de rejeter l'appel principal et sur appel incident de

INFIRMER le jugement entrepris s'agissant uniquement du montant de l'indemnisation fixé par le premier Juge, et Statuant à nouveau,

CONDAMNER la BANQUE CIC EST à verser à la société ACOMETIS la somme de 165 701,34 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

CONDAMNER la BANQUE CIC EST aux entiers dépens de la procédure d'appel, CONDAMNER la BANQUE CIC EST à payer à la société ACOMETIS la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONFIRMER le jugement entrepris pour le surplus.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 septembre 2016. MOTIFS

Attendu que la SA BANQUE CIC EST est, en application des articles L 533-11 et suivants du code monétaire et financier, débitrice d'une obligation d'information et de conseil ;

· Sur l'obligation d'information

Attendu que l'information délivrée doit être objective, suffisante, compréhensible pour un investisseur moyen, et lui permettre de comprendre raisonnablement la nature du service d'investissement et du type spécifique d'instrument financier proposé, ainsi que les risques y afférents, afin qu'il prenne sa décision en toute connaissance de cause ;

Attendu que l'obligation est d'autant plus forte lorsque le client n'est pas un investisseur averti, tel le cas en l'espèce ;

Qu'en effet il n'est pas contesté qu'en févier 2008 la société ACOMETIS était une PME avec un comptable unique, assisté d'une secrétaire comptable à mi-temps, et dont la clôture des comptes était assurée par un expert-comptable, et qu'aucun des échanges précontractuels ne contredit le caractère non averti de cette société ;

Que d'ailleurs la retranscription, par procès-verbal d'huissier de justice, de l'enregistrement de la conversion téléphonique du 29 février 2008 entre Monsieur ... responsable de la salle des marchés CIC, et Monsieur ... gérant de la SAS ACOMETIS, établit de manière édifiante l'absence de connaissance de ce dernier des outils financiers objet du contrat litigieux, que sa compréhension, avec des difficultés à évoquer les mots justes, s'est limitée à la fixité du taux à 4,06, sur 5 ans et sur la somme totale ;

Qu'enfin la mention dans l'acte du 29 février 2008 selon laquelle 'chaque partie déclare disposer de l'expérience et de la connaissance nécessaire pour évaluer les avantages et les risques encourus au titre de cette transaction après avoir fait sa propre analyse des aspects juridiques, fiscaux, comptables et réglementaires jugés nécessaires et ne s'en est pas remise pour cela à l'autre partie', est une clause de style ne permettant pas de déceler la réalité des connaissances ou de l'expérience du client, et n'est pas de nature à octroyer à la société ACOMETIS la qualité d'investisseur averti ;

Attendu que la SA BANQUE CIC EST a le 20 février 2008 adressé à la SAS ACOMETIS une proposition de couverture de taux présentant deux instruments d'une part le SWAP de taux s'agissant de la fixité, et d'autre part le Tunnel (3,5 % - 4,5 %) ;

Attendu que cette proposition est très sommaire, et qu'elle ne présente pas le 3ème instrument, le CAP, habituellement présenté avec les deux autres formules ;

Que s'agissant du SWAP la banque omet d'informer le client que le choix de cette option est irrévocable, et qu'en cas de baisse des taux il n'en bénéficiera pas, ni du coût élevé (plus de 66.000 euros) qu'engendrerait une sortie du contrat ;

Qu'enfin aucune des deux propositions ne comprenait de simulation chiffrée des risques encourus au regard de l'évolution prévisible ou non des taux d'intérêts ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la SA BANQUE CIC EST n'a pas fourni à la SAS ACOMETIS les éléments suffisants, et compréhensibles lui permettant de comprendre raisonnablement la nature du contrat, ses avantages par rapport à d'autres formules, et surtout les risques qui y sont liés, de sorte qu'elle a failli à l'obligation d'information dont elle est débitrice ;

· Sur l'obligation de conseil

Attendu que s'agissant de l'obligation de conseil la SA BANQUE CIC EST s'abstient par défaut d'information de proposer un CAP beaucoup moins onéreux pour le client, au profit d'un SWAP assurant une rémunération maximum à la banque, alors que le CAP était adapté à la situation de la société, répondait à sa demande, et s'inscrivait dans le courant de prévision

de baisse des taux dont la banque avait connaissance dès le 8 février 2008 ;

Attendu par ailleurs qu'elle propose cet instrument financier pour la totalité de la somme soit 1.400.000 euros, alors que 250.000 euros doivent faire l'objet d'un financement à taux zéro par les collectivités locales, de sorte que le paiement d'un SWAP de taux est totalement inutile pour ce montant de 250.000 euros ;

Que la banque soutient que la preuve n'est pas rapportée de l'octroi effectif de cette aide, mais que dans ce cas il lui appartenait, dans le cadre d'une relation loyale avec sa cliente, d'aborder la question, et formuler une proposition pour 1.400.000 euros, et l'autre pour 1.150.000

euros, ce dont elle s'est abstenue ;

Que de la même manière elle propose, et donc conseille, le SWAP de taux pour une durée de 5 ans alors même que le contrat de crédit-bail prévoit la possibilité de transformer le taux variable en taux fixe dès le 1er janvier 2010, de sorte que le paiement du SWAP apparaît inutile pour près de 2/3 de sa durée ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède, qu'au regard du contrat de crédit-bail que la banque connaissait parfaitement, et de la situation et des besoins de sa cliente qu'elle connaissait tout autant ; en proposant un SWAP de taux durant 5 ans pour la totalité du financement, et en occultant la proposition d'un simple CAP malgré l'orientation à la baisse des taux d'intérêts, la SA BANQUE CIC EST a violé l'obligation de conseil à sa charge ;

Attendu que le jugement entrepris, parfaitement motivé s'agissant du non-respect de ces deux obligations, mérite d'être confirmé ;

· Sur le préjudice

Attendu que la responsabilité contractuelle de la banque est engagée, en raison du non-respect de ses obligations d'information et de conseil qui ont entraîné au détriment de la SAS ACOMETIS la perte d'une chance de bénéficier d'un taux favorable, et corrélativement le paiement d'importants montants au titre du SWAP ;

Attendu que le premier juge a chiffré le préjudice à 65.498 euros correspondant au coût du SWAP au 31 mars 2011 (84.498 euros) moins 19.000 euros soit le coût d'un instrument favorable tel le CAP, mais qu'il n'a pas retenu la somme de 192.217 euros avancée par la SAS ACOMETIS car elle ne correspondait qu'à une projection et non au préjudice effectivement subi ;

Que le juge ajoute qu'il convient d'inviter la société ACOMETIS à présenter les éléments utiles pour chiffrer et établir son préjudice pour la période postérieure ;

Attendu qu'à hauteur de cour la SAS ACOMETIS expose que le SWAP est venu à échéance le 31 décembre 2013, et qu'elle a versé à ce titre 184.701,34 euros de sorte qu'elle chiffre le préjudice effectivement subi aux montants versés moins 19.000 euros correspondant au coût d'un CAP soit 165.701,34 euros ;

Attendu que la SA BANQUE CIC EST conteste le préjudice, et soutient que la SAS ACOMETIS ne démontre pas avoir payé 184.701,34 euros au titre du SWAP ;

Mais attendu que contrairement aux affirmations de la SA BANQUE CIC EST, la SAS ACOMETIS justifie du paiement de la somme de 184.701,34 euros au titre du SWAP par la production (pièce 31) d'une attestation circonstanciée de l'expert-comptable, Monsieur Remy ... en date du 16 novembre 2015, accompagnée d'un tableau récapitulatif de tous les paiements effectués par la SAS ACOMETIS au titre du SWAP du 1er trimestre 2009 au 4ème trimestre 2013 pour un montant total de 184.701,34 euros ;

Que le préjudice effectivement subi par la SAS ACOMETIS correspondant au coût du SWAP au 2 janvier 2014 (184.701,34 euros) moins 19.000 euros soit le coût d'un instrument favorable tel le CAP, de sorte que le jugement quoique parfaitement motivé doit être infirmé afin de tenir compte de l'actualisation du préjudice ;

Qu'il est fait droit à l'appel incident et la SAS ACOMETIS est condamnée à payer à la SAS ACOMETIS la somme de 165.701,34 euros ;

· Sur le surplus

Attendu que le jugement déféré est confirmé s'agissant des frais irrépétibles et des frais et dépens ;

Attendu que l'appelante qui succombe sur les mérites de son appel est condamnée aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel ;

Que l'équité ne commande pas de faire application à son profit de l'article 700 du code de procédure civile, et en revanche commande d'allouer une somme de 2.000 euros sur ce même fondement à la SAS ACOMETIS ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il condamne la SA BANQUE CIC EST à payer à la SAS ACOMETIS la somme de 65.498 euros,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Condamne la SA BANQUE CIC EST à payer à la SAS ACOMETIS la somme de 165.701,34 euros avec les intérêts légaux à compter du 30 novembre 2016,

Y ajoutant,

Condamne la SA BANQUE CIC EST aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel,

Condamne la SA BANQUE CIC EST à payer à la SAS ACOMETIS la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

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