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Payer sa facture de prestations de sécurité, sans pouvoir invoquer l'irrégularité de la situation de salariés (Cass. com. 4 juin 2013)



Une société avait cru pouvoir se défaire de son entreprise de sécurité à moindre coût, voire même peut-être sans lui payer les prestations accomplies. La cliente avait prétendu rompre le contrat de sécurité (gardiennage) au motif que deux des salariés n'avaient pas d'agrément.

La Cour de cassation répond sobrement, comme le juge d'appel, que les deux salariés ont été déclarés en préfecture. Il est probable que l'entreprise ait lu de façon fantaisiste la loi ou bien qu'elle ait fait une erreur s'agissant de textes un temps applicable. Cette déclaration était alors la seule formalité à devoir accomplir note la Cour de cassation, qui rajoute que ce moyen n'a pas été parfaitement présenté (en plaidant en première instance et en appel, ce qui interdit ensuite de s'en servir à hauteur de cassation).

Le problème posé par cette attitude de rupture de contrat et de refus de payer est celui de la coordination du droit d'ordre public (condition d'exercice d'un métier pour des raisons d'ordre public) et du droit commercial : exécution d'un contrat de bonne foi et avec rigueur. On est dans deux champs différents et le juge du commerce ne peut pas apprécier que le client soulève ce qui est, fondamentalement, un problème administratif pour ne pas payer les sommes dues au titre du contrat. Voilà l'aspect qui donne le sens de la décision en l'espèce.

Cette décision permet en outre de protéger l'entreprise de sécurité privée qui a des agents à payer, et on sait la situation délicate de ce secteur.

D'un autre côté, le client n'ignore pas la loi et les conditions légales et réglementaires de l'exercice professionnel qui sont pour lui, au moins indirectement, une garantie. Il est en effet peu probable que le client y gagne si le prestataire de sécurité ne respecte pas feue la loi de 1983 sur les activités de sécurité rivée et, aujourd'hui, le Code de la sécurité intérieure dans laquelle elle a été codifiée (en illustration ci-dessous le CSI de Lexisnexis annoté par deux collègues).


Il va de soi que les clients doivent essayer ou savoir éviter que l'entreprise de sécurité privée n'emploie des salariés qui ne répondent pas aux conditions légales... Mais pour l'invoquer il faut en premier lieu être certain de l'irrégularité et, en second lieu, il lui faut inclure une ou deux clauses faites de deux ou trois alinéas pour donner de la vigueur à son invocation et donc à sa position contractuelle (au contrat de surveillance et gardiennage ou ou contrat de télésurveillance).

Et on gardera ce savoir-faire au chaud, en ne disant rien de ces clauses, pour toute entité réellement intéressée, sachant qu'il n'est pas facile de rédiger des clauses types.


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Extrait de LEGIFRANCE

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 4 juin 2013
N° de pourvoi: 12-10166
Non publié au bulletin Rejet

M. Espel (président), président
Me Foussard, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2011), que la société Prologis France IX (société Prologis) a confié le 1er juin 2005 à la société VSE télésurveillance (société VSE), une mission générale de surveillance d'un ensemble immobilier ; qu'après avoir mis en demeure la société VSE de justifier de l'agrément préfectoral de ses agents, MM. X... et Y..., et de la possibilité pour cinq autres salariés d'intervenir sur ses sites, la société Prologis a résilié le contrat par courrier du 17 juin 2008, invoquant à l'encontre de la société VSE des manquements caractérisés à ses obligations justifiant l'application de la clause résolutoire prévue à l'article 7.1 du contrat ; qu'elle a été assignée en responsabilité par la société VSE ;

Attendu que la société Prologis fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société VSE la somme de 425 250 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen, que nul ne peut être employé pour participer à une activité de sécurité privée telle que définie par l'article 1er de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, dans sa rédaction applicable en la cause, s'il n'a fait l'objet d'un agrément préfectoral ; qu'en l'espèce, pour affirmer que la société Prologis ne pouvait se prévaloir de la clause résolutoire stipulée à l'article 7.1 du contrat litigieux, l'arrêt a affirmé que la loi précitée se bornait à exiger de l'employeur d'un agent de sécurité qu'il déclare l'embauche de celui-ci à la préfecture, ce qui avait été le cas de MM. X... et Y..., peu important que ceux-ci n'aient pas été agréés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres, que la société VSE avait déclaré à la préfecture de Bobigny l'embauche de M. X... le 1er juin 2007 et celle de M. Y... le 4 octobre suivant, et ainsi satisfait à la seule obligation imposée par le texte, et, par motifs adoptés, qu'à réception de la mise en demeure, la société VSE a remplacé les deux salariés dont elle n'était pas en mesure de justifier l'agrément par d'autres salariés dont elle en justifiait, l'arrêt en déduit qu'aucun manquement contractuel ne peut être reproché à la société VSE et que la société Prologis ne peut se prévaloir de la clause résolutoire ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, dès lors qu'il n'était ni démontré ni même allégué que les salariés concernés ne remplissaient pas les conditions légales pour remplir leurs fonctions, a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et le second moyen, ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Prologis France IX aux dépens ;

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