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Refuser la loi du vaccin, de la grande diversité des dogmatismes à la politique de vaccination.



Les mots sont déplaisants mais l'actualité commande de voir le sujet des emmerdeurs qu'on prétend emmerder - voilà deux mots notables. Les emmerdeurs existeront toujours, il signent généralement un défaut chez ceux qu'ils emmerdent. Mais s'ils sont néanmoins qualifiés d'emmerdeurs, c'est parce que le défaut est mineur et que, de leur part, leur défaut d'approche est net voire majeur. En fait, la question se place sur un terrain plus sérieux que les deux mots en cause.

Il nous semble qu'il faut plutôt parler du dogmatisme anti-vaccin, sujet devenu passionnant tant il est diversifié et profond. Chaque groupe qu'on peut considérer comme dogmatiques doit être composé de quelques centaines de milliers de personnes qui résistent. Et pour beaucoup farouchement. Activement. En dénonçant le délire covidiste des pouvoirs publics pour désigner ce qui est une politique de santé (sans doute discutable sur bien des points). Certains le font violemment en s'en prenant aux élus ou aux journalistes.

Ce refus politique a des ancrages psychologiques forts, qu'ils soient quelque peu ou pas pertinent. Un seul discours ne suffit tant les dogmatismes sont différents. L'observation de centaines "d'informations" et de témoignages montre la construction d'une psychologie du refus de la vaccination se fondant sur diverses réalités.

Construction d'une psychologie du refus du vaccin

Il y a d'abord le dogmatisme provenant de la pure incapacité, de l'incompréhension de tous les chiffres, de toutes les paroles de responsables et de toutes les démonstrations tenant à l'inculture profonde : certains ne comprennent pas, et pas plus la vaccination qu'autre chose. Il est inconvenant de le dire, veuillez m'en excuser.

Il y a tout à l'opposé le dogmatisme tenant à refus protestataire, à un réflexe de réfractaire ; du reste je suis parfois contre mais je suis vacciné... Mais comme je suis protestataire, je m'insurge (protester simplement ne serait pas crédible) contre les vues générales, les médias, les toubibs, les profs, les avocats, la mal bouffe, les lois... je proteste contre toutes les mesures qui sont... je suis un peu contre tout.

Il y a aussi le refus intellectuel, parfois philosophique, parfois juridique : la conception de la liberté m'interdit que l'on me contraigne, pensent certains. L'affaire est presque absurde dans une démocratie quand une loi référendaire ferait passer une vaccination obligatoire haut la main... La liberté n'est que ce que nos frontières et sûretés publiques nous donnent. Pas plus que le passe sanitaire n'était pas évidemment inconstitutionnel, la liberté déployée in abstracto ne veut rien dire.

Il y a encore je crois le refus des terrorisés : tous les débats et la pile de questions posées les effraient et ils sont proches de la phobie et, en quelque sorte, paralysés ; sur cette question, ils sont incapables de se gouverner, ce sont peut-être les seules centaines de milliers de personnes qui puissent être convaincues par un médecin qui en trois reprises et en prenant 3 heures les convaincra (mission impossible).

Il y a le refus des négligents, des retardataires procrastinateurs professionnels, un paquet sont sortis de réa ou d'hôpital en disant "oh eh bien j'attendais..." ; un attendait de voir, l'autre attendait le vaccin français, l'autre attend parce que c'est dans sa nature ; on peut y adjoindre mais sans intérêt les personnes très âgées ou affaiblies, très isolées mais sans grand intérêt pour l'analyse.

Il y a également le refus des manipulateurs qui jouissent de communiquer ou expliquer des choses fausses aux gens, ce qui est le cas échéant d'autant plus jouissif que l'on y connaît rien ; aujourd'hui, les manipulateurs peuvent s'étaler dans les réseaux sociaux et faie des émules ; leur art de tromper le monde est une perversion comme une autre (on dit plus bas complotiste).

Il y a ensuite le refus de supériorité vécue de ceux qui, brillants, cultivés, intelligents, font un complexe de supériorité ; après une revue de cent articles, ils savent que le vaccin est plutôt mauvais ainsi que les mesures adoptées ici, du reste, ici comme dans trente autres pays ; ils arrêtent en toute intelligence leur conduite individuelle ; en toute intelligence !

Il y a croit-on encore le refus politique qui peut être extrémiste, anarchique, délinquant... ou un simple refus politique pur et dur, démocratique, visant à déstabiliser et dézinguer le président et son gouvernement, par les manifs et le vote ; peu importe qui viendra après ; ils expliquent ce que doit être la démocratie, même s'ils n'ont jamais payé une carte de parti politique ni distribué un tract pour une cause politique.

Il y a souvent le refus religieux (ou spirituel) : ma vie est religion, ma vie est entre les mains de dieu, et les basses mesures administratives ne recueillent de ma part que mépris. Je les récuse donc par écho de ma croyance profonde en la seule existence, réalité et valeur : Dieu ! Finalement, ni le vaccin, ni le pouvoir civil ne peut entraver le cours de Dieu (ou de mon Eglise).

Il y a bien sûr le refus spécifique de la piqûre, du mal introduit dans le corps par ce produit (corps qui est ma propriété...!) ; je ne mange pas de produits industriels ou traités et donc je refuse un produit qui est industriel, pas naturel ; c'est un dogme qui consiste à nier le fait scientifique au nom d'une sorte de principe civique appuyé sur un dogme scientifique (la fabriqué, l'industriel est plus mauvais que le produit naturel, la cueillette de champignons renverse les convictions).

Il y a enfin le refus de la science institutionnalisée, et je le double d'une dernière catégorie ; pour exister "la science" (mais elle n'est pas une personne) sélectionne celle qu'elle voit comme les meilleurs et fait des centaines d'aigris qui en veulent à tous ceux qui ont fait des grandes écoles, des doctorats, ceux qui s'affichent au moins implicitement en chercheurs et auteurs reconnus, les scientifiques... une couche de cadres peut détester cette fraction de la population dont les recommandations poussent au déni. C'est le grand danger qui peut nous amener à l'obscurantisme.

Il y a en écho le refus spécial de la médecine moderne avec son ombre BigPharma ; tenez, quand vous pensez qu'il lui a fallu 30 ans, à cette médecine, pour reconnaître les ostéopathes... il y a de quoi lui faire des reproches... voyez encore les querelles profondes sur l'homéopathie qui montre la méfiance à son égard tant les médecins ont de morve ; le milieu médical et des laboratoires n'est pas parfait et il a sans doute suscité des points d'ancrage de la critique ; d'où le succès inattendu du professeur qui se retourne contre son corps sans nuance et qui en retour recueille le titre de charlatan de sa propre communauté.

Voilà une analyse trop vite faite. Je suis curieux de savoir si vous trouvez des profils différents. Il va de soi que le cumul de certains de ces profils avec, au centre, celui de manipulateur fait de l'acteur ce que l'on appelle un complotiste, notion politique qui mériterait une analyse juridique - c'est à dire une analyse plus approfondie. Mais voilà un panorama qui peut laisser penser que, sur ce sujet, convaincre 90 % de la population est déjà une performance.


Construction d'une politique juridique vaccinale

En philosophie du droit, convaincre c'est, pour le Pouvoir, convaincre pour appliquer une politique publique de santé par la raison, la communication et les incitations. La plupart des politiques reposent pour l'essentiel sur ces moyens - et quelques interdits. S'y opposer est possible. Voilà divers mécanismes fondamentaux (convaincre, expliquer inciter) qui peuvent être exploités par un juriste.

Un degré peut être franchi pour des raisons de sécurité publique (santé du public, sauvegarde de l'hôpital sur lequel repose la santé publique) : alors on peut acculer les "antivax" par des contraintes fortes qui laissent encore la liberté, notamment celle de tomber malade et de mourir ; là, je ne sais si c'est nouveau et j'en doute, c'est la politique juridique qui consiste à emmerder. Cela préserve la liberté de ne pas se faire vacciner, c'est prendre au piège la thèse : puisque la liberté de ne pas subir un vaccin est si essentielle eh bien l'Etat la sauve mais au prix de contre-mesures. C'est la politique actuelle et ce qui suit indique que c'est probablement la meilleure.

Passer par la loi purement et simplement obligatoire, imposer une vaccination, soit l'obligation vaccinale légale, est un schéma plus classique. On peut alors sanctionner directement ce fait : notamment par une ou des infractions pénales. Le citoyen pourra toujours ne pas aller se faire vacciner, on voit mal un Etat moderne vacciner de force.... mais ce sera violer la loi. Même dans ce cas, la personne antivax pourra encore s'y opposer de façon originale en invoquant par exemple le concept de "désobéissance civile", concept plus radical et sans doute plus étudié par les juristes. Il consiste à dire je m'oppose à la loi au nom de lois supérieures à la société et à l'Etat. Ce grand volet classique rappelle surtout le triomphe du positivisme.

Le Droit c'est la loi, et c'est tout.

Une sénatrice en témoigne à sa façon. Mme Laurence Muller Bronn a déposé (en vain) un amendement à l'examen du projet de loi Passe Vaccinal pour créer un statut d'objecteur de conscience vaccinale dans le code de la santé publique. S'il le fallait, dans son esprit, c'est que la loi qui impose une vaccination, directement ou indirectement, a bien toute force de loi. Notons néanmoins la belle notion proposée (outre sa pertinence politique), qui ne va toutefois pas jusqu'à la création d'un concept juridique - c'est une simple notion.



Pour le détail, pour toucher 100 % de la population avec efficacité, il faut admettre qu'il faut trois ou quatre discours différents selon la psychologie des citoyens. Cela relève de l'impossible. On espère que le virus va passer sans avoir à finaliser cette politique. Il faudra néanmoins y réfléchir car si demain un virus 10 fois plus transmissible et 5 fois plus létal survient, il y a à parier que les dogmatismes persisteront, entravant une politique forte et générale, le bilan humain devenant alors épouvantable.

En guise de conclusion

Imaginez si, demain, tous les vaccinés meurent : ne pas être dogmatique impose de l'envisager. La communauté scientifique et les communautés étatiques peuvent se tromper !Les vaccinés laisseraient un monde composé de tous les dogmatismes précités. Imaginez... Ces survivants diraient, à volonté, que les vaccinés étaient des dogmatiques... des dogmatiques de la science ?

"La science" est un fruit doux-amer de l'Humanité et, à nouveau, ses méthodes et connaissances ne sont pas d'airain.

La science établie a toujours un aspect transitoire. Voilà la grande difficulté et le grand sujet. Allez, je m'en retourne à mes réflexions sur l'épistémologie...

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