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Règlement MICA : les crypto-actifs n'incluent pas les NFT sauf si les NFT sont plutôt des cryptos-actifs !



L'Occident (...) opère avec un modèle de système juridique dont la plupart des concepts sont vieux de cent ans et plus. Et usés. En partie usés, mais cette usure suffit à perturber la force du système. La loi et les législateurs n'arrivent ni à régir le quotidien et encore moins à anticiper. Elle est un instrument juridique inadapté. La régulation (les système de régulateurs) visait à palier les 3 pouvoirs étatiques traditionnels qui sont empêtrés dans leur bureaucraties et procédures, protocoles et précautions, administrateurs frileux, juges tatillons et juristes trop prudents.

Mais les régulateurs ou autorités de régulation manquent d'autorité... Ce sont des lieux complexes où de nombreux personnels passent un certain temps avec des profils très divers permettant un mélange d'expérience(s) avec le secteur privé, que nombre d'agents rejoignent un jour. Il manque une certaine permanence publique et le pouvoir exécutif peut désormais être déçu du 4e pouvoir, le pouvoir de régulation.

MICA montre ce (notre) système juridique et politique et peu efficace.

On ne le connaît que trop ce système, usé, dont on parle régulièrement mais seulement pour ce qui intéresse le public (OQTF, fraude fiscale, fraude sociale, peines pénales chimériques avec une administration pénitentiaire exsangue...). C'est celui de l'effondrement politique, presque en toute régularité et orthodoxie juridiques !

Revenons à notre cas, MICA. Les crypto-actifs que la loi PACTE (appelait) actifs numériques. Il sera voté 5 ans après la folle poussée des ICO. Il aurait fallu ramener tout le monde à la raison en 3 mois, au plus 9. Il sera en vigueur alors que :

- les cryptos pures ne font plus illusion,
- les stablecoins ne font plus l'objet de grands projets (Facebook Meta a abandonné...),
- et que les jetons d'utilité(s) sont morts-nés la bulle uuesque des ICO a éclaté depuis de nombreuses années (et pourtant il y aurait à faire... le MEDEF ?).

Dans le même temps, les (vraies) monnaies (légales) vont connaître une nouvelle forme pour la même monnaie, on va appeler ça e-euro, euro numérique, ou jeton-euro ou jeton monétaire (MDBC !) mais qu'importe l'appellation ; cela ne sera qu'un procédé de nomination (hier pièce, billet, monnaie électronique...) de la même monnaie. Certes avec des modalités d'emploi nouveaux (stockage et livraison). C'est le même et un tout autre sujet, le lien de la monnaie à son émetteur n'est soit pas une créance soit une créance à régime spécial et autoritaire...*

Il est donc difficile sinon ubuesque de se réjouir de la situation, situation bien triste, à l'annonce du vote du règlement MICA. On a du mal à lire la presse qui répète que MICA va mettre de l'ordre. Certes il y a aura de nombreux effets juridiques majeurs (de quoi en faire un livre entier !), mais on doutera de ses bons effets pratiques et précis, même s'il y aura un effet politique structurant.

Les réseaux sociaux grouillaient d'enthousiasmes de millions de personnes... la bulle a éclaté, l'affaire est devenue presque confidentielle : MICA arrive après la bataille.

La seule affaire sur laquelle on s'agite encore est celle des NFT, catégorie en large partie indéterminée, et dont on se demande si certains de ces tokens (jetons) ne sont pas aussi fongibles que les autres jetons. L'ubuesque général permet l'ubuesque spécial.

cOr le règlement b[MICA ne règlera pas ce point ; il ne vise pas les NFT et pour cause : on ne sait plutôt pas ce que c'est. Personne n'en convient aussi brutalement : la crainte de passer pour un ignorant. Passons. Pourquoi les NFT, eux, intéressent-ils encore ? Parce qu'elles ou ils concernent un "sous-jacent" (terme à notre sens inapproprié et injustifié).]cb

Ce sous-jacent est une œuvre qui, aussi futile soit-elle souvent, est une chose accessible à l'esprit ; c'est-à-dire un objet informatique relativement compréhensible. Cependant, le droit peut renvoyer à une œuvre du monde ordinaire, le monde physique tangible (un tableau déposé dans le coffre d'une banque allemande).**

Toujours est-il que, au lendemain de la publication de MICA au JOCE, le droit positif sera que les NFT peuvent être des crypto-actifs s'ils en ont "certains caractères" dit l'AMF. Voyez l'extrait de la communication de ce 20 avril 2023 (photo ci-dessus, et lien ci-dessous). Passons sur l'AMF, pour la politique législative.

Elle est déplorable, le cas des NFT le prouve à son tour. La situation sera incertaine, sauf pour quelques esprits très pointus. Or le sujet est posé en pratique. Les NFT sont désormais présentés comme des objets d'investissement et l'exceptionnelle réglementation MICA (vantée comme la première au monde), ne les explicite pas, ne les vise pas, ne les comprend pas... mais pourrait les effleurer ! Il est vrai que, on change un peu de plan, qu'on peut parler à l'infini d'investissement, y compris parmi les juristes, sans en donner le sens ni l'essence (on en est encore à confondre l'investissement avec l'épargne en négligeant le placement... Disserter sans fin en présence de notions cadres vagues et même confuses semble admis.)

Il fallait "penser" les tokens, le jetons !, "plus haut", de façon plus générale, et abstraite, en sorte que les règlement les aurait appréhendés pour aujourd'hui et pour demain. Il est vrai qu'il fallait aussi penser "haut" la différence entre l'économie dite réelle et la finance (distinction faite toujours à bon marché, sans critère de distinction de la finance) ; on peut alors ne pas comprendre pourquoi des cryptos seraient soumis à des lois de marchés régulés (MICA et PACTE) et ne pas être dans le commerce ordinaire ; et il n'a échappé à personne que la France - par exemple - ne connaît pas un "Droit de la finance", mais seulement le vieux droit bancaire...***

Les grandes lois sont des actes d'autorité qui doivent être simples et générales, tout le monde sait cela (désolé de cette platitude...), mais aucune institution ne le fait. En sorte que les lois doivent être refaites tous les cinq ans, l'UE est devenue une spécialiste de ce comportement. MICA n'est pas sorti qu'il est dit qu'un autre texte devrait être adopté sur les NFT. Et ainsi croît la pile largement inutile de textes.

La situation est ubuesque.

Le droit n'a pas seulement des rapports avec la poésie, il emprunte parfois aussi à l’œuvre burlesque ! Le juriste y joue le rôle du policier dépassé et désabusé...

L'annonce du vote de MICA par l'AMF

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* La monnaie légale repose sur un montage institutionnel variable mais complexe (fait de quelques règles de droit civil complétées d'un système monétaire et bancaire, le tout portant une reconnaissance d'une monnaie ; historiquement, le processus était sommaire on reconnaissait la monnaie sans institutions monétaires) ; le système repose désormais sur les couples "banques / banque centrale", et, aujourd'hui, pour l'UE, par un réseau de banques centrales, le SEBC ; ce montage complexe qui permet de consacrer la monnaie rattachée à une unité humaine (territoire, population, activités, Etat(s), structures publiques (polices et armées...) ; ce rattachement n'a "naturellement" rien à voir avec la créance et les titres de créance. Manier ce genre de thèses ne va du reste et souvent pas très loin qui repose sur quelques exemples de titres à ordre ou titres au porteur, sans jamais engager une théorie générale des titres négociables. La monnaie donne pourtant "manifestement" des instruments monétaires (expression légale) qui s'opposent par définition aux titres de créance et notamment au titres de paiement.... Au passage, ma prochaine analyse pour Banque & Droit portera sur le jeton et les titres négociables... En conclusion. La monnaie est monnaie. C'est sa qualification, et en général sa seule qualification utile. Qualification inutile aux autres objets à caractère monétaire qui, de toute façon, ne seront pas durablement reconnus par le juge comme étant une monnaie et, donc, sans ses effets très pratiques et concrets. Sauf révolution juridique des textes et non seulement des logiciels... qui toutefois peuvent beaucoup !

** Sur le prétendu et incompréhensible "espace" numérique, voyez ma théorie des "6 i", in
Le droit sous le règne de l'intelligence artificielle, Essai. 2023, 539 p. ⟨hal-03999299⟩, v. p. 22, 135 et 155.
Lien vers l'Essai, disponible sur HAL

*** Pour une appel ou une référence à un Droit de la finance, évolution du "droit bancaire et financier" expression déjà dépassée... voyez notre critique du juge pénal qui voit dans tout dépôt bancaire un "placement" de nature à qualifier le délité pénal de blanchiment : Mélanges GIBIRILA, éd. Presse Universitaire de Toulouse.

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