Retraites, Conseil constitutionnel : ça passe ! Décision n° 2023-849 DC du 14 avril 2023 et Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.



Retraites, Conseil constitutionnel : ça passe ! Décision n° 2023-849 DC du 14 avril 2023 et Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
« Retraites, Conseil constitutionnel et stratégie juridique : ça passe, ça casse ou ça finasse » écrivions-nous il y a quelques jours. Nous relevions aussi la sociologie de ses membres (dits communément, mais non juridiquement, "Sages"). S'il y a eu une stratégie juridique du Conseil constitutionnel elle aura été la stratégie plate. Faire un travail de censure minimale pour rappeler qu'il existe mais surtout pour agir de concert avec les autres pouvoirs publics.

A long terme, enfin au moins d’ici deux ans, il faudra voir comment cette stratégie opérera, ou, s'il n'y a pas eu de stratégie, comment ce choix de censure limitée sera accueilli dans le pays.

Favorablement ? Parce que le Conseil n'est pas allé contre le gouvernement et le Parlement (c'est sa loi qui lui été déférée), et qu'il n'est pas un contrepouvoir mais juste, et avec justesse, le juge de la Constitution.

Défavorablement ? Parce que l'on considérera que le gouvernement a abusé des articles de la Constitution pour faire de l'ingénierie juridique en couplant les articles 47-1 et 49, alinéa 3, en sorte de le Parlement a été assez concrètement et nettement muselé.

Contrairement aux opinions les plus en vue, nous avons toujours pensé que le juge constitutionnel fait toujours du droit avec la boussole du politique, mais pas toujours de la politique. On ne s'en offusque pas, même si l'approbation n'est pas évidente à formuler. Aussi et de ce fait, selon sa composition, la boussole politique n'est pas la même et cela peut nettement infléchir les décisions : annuler ou ne pas annuler (et non pas retoquer). La belle affaire ! Dès qu'il y a 3 juges différents, dans tout tribunal de la République, ou très progressistes ou très conservateurs, qui composent un tribunal ou une cour... la décision peut varier notablement, et en droit, et surtout dans l'appréciation des faits. Si la Faculté ne l'apprend pas, la pratique l'enseigne !

Si le Conseil constitutionnel a tranché avec sa boussole politique, originale, alors qu'elle est-elle ? Un modèle de 1958 penserons-nous. Elle lui aura indiqué un nord qui signifiait solidarité des institutions pour que la Constitution tienne !**

Statuant derrière des rangées de CRS ou gendarmes mobiles, le Conseil constitutionnel a pu être dominé par le sentiment qu'il était temps que la France des chiffres domine, que le bon sens qui échappe aux Français leur soit redonné, autant de gré que de force, qu'il est temps que le pays soit volontaire et qu'il assume son avenir qui va imposer des sacrifices. Et le juge a pu penser, au fin fond de ses neurones : eh bien si les Français ne veulent pas que les institutions fonctionnent... qu'ils fassent la Révolution. En somme, « moi, Conseil constitutionnel, je dois censurer les abus intolérables, du reste par les principes que je dégage moi-même, mais je ne vais pas aider à la Révolution ».

Ce juge a d'autant plus pu le penser que - je crois - chacun ou presque de ses membres est déjà retraité d'un ou de plusieurs régimes de retraites et que chacun peut éprouver, très mathématiquement, que ne pas sauver les régimes actuels* menaceraient leur propre situation pour d'un côté 4 000 euros comme de l'autre côté (soit parfois 8 000 euros). Attention, je ne dis pas que les juges ont décidé pour sauver leurs situations personnelles (souvent privilégiées), je dis que ce fait personnel a pu peser dans la vue générale qu'ils ont de la situation politique, sociale et comptable du pays. C'est très différent.

Je dois avouer que je pensais que les retraites des uns et des autres allaient faire l'objet d'investigations ainsi que l'âge auquel ils avaient "pris" ces retraites.

Passons, ce point, en politique la question pourrait se poser, l'ambiance le permet, la mobilisation du pays aussi : la Ve République doit-elle être maintenue ? Au moins : que doit-on en changer pour que le Peuple soit réellement souverain ? Il n'est pas certain que la chose soit posée aussi clairement alors que la promulgation, qui est plus une obligation qu'une latitude..., offre psychologiquement l'occasion de se poser la question.

A 48 h près, la promulgation décevait, là elle dit fermement "les institutions marchent, elles doivent marcher". Qui entend s'y opposer ?! En somme, le Pouvoir a gagné, Emmanuel Macron a gagné (et, au passage, comment changer un Premier ministre qui a fait passer une réforme impossible depuis 30 ans...). Mais la vie politique a toujours une suite...

La Décision n° 2023-849 DC du 14 avril 2023 elle-même, dans ce contexte politique tendu, apparaît comme fade. Les constitutionnalistes y puiseront sans doute beaucoup déniant ainsi notre propos. L'apport principal est, à notre sens, que l'ingénierie juridique constitutionnelle est possible, la combinaison d'articles dans le fonctionnement des pouvoirs publics ne rend pas une procédure ou une adoption inconstitutionnelle. Combiner deux articles pour le juriste commercialiste ce n'est pas vraiment de l'ingénierie juridique, laquelle ne commence qu'avec un schéma impliquant dix dispositions légales sophistiquées et de natures différentes (civiles, fiscale, commerciales, sociales...). Mais toute matière a son rythme et son niveau technique...

La suite devrait être politique et non juridique, sauf l'hypothèse du RIP 2 qui mettra encore à l'honneur le Conseil constitutionnel. C'est qu'entre la Révolution et le cours classique du vote des lois (le fameux chemin démocratique...), il y a maintenant l'hypothèse du référendum d'initiative populaire (RIP). Il serait cette fois étonnant que, le 3 mai dit-on, le Conseil constitutionnel refuse cette voie... car la colère populaire pourrait alors se déplacer de l'Elysée à la rue Montpensier sans passer par la case Assemblée...


Décision n° 2023-849 DC du 14 avril 2023

Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023


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* Ils sont tous à mon sens persuadés que les "64 ans" c'était la seule mesure possible ou la moins mauvaise solution. Là, l'homogénéité politique pèse.
** La métaphore de la boussole a une valeur limitée car toute boussole indique toujours le nord.

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Et voilà l'objet juridique tant combattu !

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