Une simple dissimulation de revenus dans une procédure de divorce vaut fraude et ouvre un recours en révision (art. 595, C. proc. civ.)



Le recours en révision vise à contester une décision juridictionnelle qui a l'autorité de la chose jugée à raison, si on synthétise l'idée de l'article 495 du Code de procédure civile, d'une fraude de l'une des parties. Est en général en cause une fraude résultant de la production d'une déclaration fausse ou d'une pièce fausse qui a servi à forger la conviction du juge et, donc, à gagner le procès, ou à gagner sur l'un des points du procès. Alors même qu'un pourvoi en cassation ou un appel n'est plus possible, le recours en révision permet de remettre en cause le dossier et donc la décision qui semblait définitive.

Il s'agit d'un recours plutôt exceptionnel

Au cours d'une procédure de divorce, les époux doivent produire leurs revenus pour déterminer les droits pécuniaires de l'un vis-à-vis de l'autre. La loi l'exige et la Cour de cassation ne manque pas de le souligner. Un époux avait dissimulé une partie de ses revenus de manière à diminuer les droits à prestation compensatoire de son épouse. Cette dernière avait introduit un recours en révision et la cour saisie l'avait rejeté. Tout en prenant acte de la dissimulation, le juge d'appel estima qu'il n'y avait pas de manoeuvres attestant de l'existence de la fraude. La leçon est claire : l'abstention frauduleuse vaut les manoeuvres frauduleuses, les juges de le cour d'appel ne l'avaient pas compris.

Cet arrêt d'appel est donc cassé par la Cour de cassation.

Publié au Bulletin de la Cour de cassation, la décision renverra à une décision de 2008 statuant dans le même sens et citée ci-après. La seule dissimulation vaut fraude, du moins pour des revenus, et dans le cadre de cette procédure, celle d'un divorce, ce qui ouvre à la victime un recours en révision. Dans une affaire du 23 novembre 2011, où les faits de minoration de revenus étaient les mêmes, l'épouse avait gagné sur toutes ses demandes en première instance et avait encore gagné en faisant juger recevable son appel, voie qu'il faut donc utiliser si cela est possible. Le mari ne reprendra pas le même avocat ! Voyez ce cas :

Utiliser la procédure d'appel s'il est encore possible, si les revenus du débiteur se révèlent supérieurs en cours de procédure


Arrêt extrait de Legifrance

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 21 février 2013

N° de pourvoi: 12-14440
Publié au bulletin Cassation

Mme Flise , président
Mme Nicolle, conseiller rapporteur
Me Balat, SCP Blanc et Rousseau, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 595, alinéa 1er, du code de procédure civile, ensemble les articles 271 et 272 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un arrêt passé en force de chose jugée a prononcé le divorce des époux Michel X... et Paridokht Y... aux torts du mari et débouté l'épouse de sa demande de prestation compensatoire ; qu'invoquant la fraude commise par M. X..., Mme Y... a formé un recours en révision ;

Attendu que pour déclarer irrecevable le recours en révision , l'arrêt retient que si M. X... a menti sur le montant de ses revenus salariés, ce seul mensonge ne suffit pas à caractériser la fraude exigée par l'article 595 du code de procédure civile dès lors qu'il n'est pas accompagné de manoeuvres destinées à le corroborer ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le patrimoine est un élément d'appréciation expressément prévu par la loi dont le juge doit tenir compte pour fixer la prestation compensatoire, de sorte que la dissimulation par l'époux de l'existence de revenus, nécessairement déterminants pour statuer sur la demande de l'épouse, constitue une fraude, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme Y... la somme de 2 500 euros ;
...
...

--------------
Analyse
Publication :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles , du 17 novembre 2011

Titrages et résumés : RECOURS EN REVISION - Cas - Fraude - Caractérisation - Dissimulation par un époux d'un élément de son patrimoine déterminant pour la fixation d'une prestation compensatoire

Le patrimoine étant un élément d'appréciation expressément prévu par la loi dont le juge doit tenir compte pour fixer la prestation compensatoire, la dissimulation par un époux de l'existence de revenus, nécessairement déterminants pour statuer sur la demande de l’épouse, constitue une fraude autorisant le recours en révision du jugement de divorce qui avait débouté l’épouse de sa demande de prestation compensatoire
RECOURS EN REVISION - Ouverture - Conditions - Existence d'une fraude - Caractérisation - Cas - Dissimulation par un époux d'un élément de son patrimoine déterminant pour la fixation d'une prestation compensatoire
Précédents jurisprudentiels : A rapprocher :2e Civ., 12 juin 2008, pourvoi n° 07-15962, Bull. 2008, II, n° 141 (cassation)

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