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"...les bons de caisse n'étant pas des valeurs mobilières mais des titres exprimant une reconnaissance de dette de la banque..."...? (Cass. com. 27 mars 2012, n°11-15316)



"...les bons de caisse n'étant pas des valeurs mobilières mais des titres exprimant une reconnaissance de dette de la banque..."...? (Cass. com. 27 mars 2012, n°11-15316)
Que voilà une curieuse motivation ! Intéressante pour le creux qu'elle évoque, elle montre que l'on n'a pas su rattacher les titres au droit commun. D'où la formule logomachique, à notre humble avis, de la Cour de cassation : "... les bons de caisse n'étant pas des valeurs mobilières mais des titres exprimant une reconnaissance de dette de la banque dans le cadre de son activité...". Mais les valeurs mobilières, titres financiers parmi les instruments financiers, constatent et donc reconnaissent des dettes !

L'émetteur reconnaît une dette ce pour quoi le titre, obligations comme bons de caisse, constitu un titre de créance. On pourrait penser que l'arrêt est inspiré par des considérations d'espèce, notamment factuelles ; mais devait-il alors être publié au Bulletin de la Cour de cassation ? On laissera nos lecteurs découvrir dans notre ouvrage les explications que nous croyons utiles de donner sur les reconnaissances de dette, les titres, les bons et les questions de prescription (Droit bancaire et financier, Gualino, sept. 2012, à paraître).

Dans la mesure où la motivation ne tient pas, il ne semble pas utile de discuter le problème par ailleurs posé à la Cour de cassation, à savoir celui de la prescription de la demande en remboursement. Cette question, qui croise l'ancien artcile L. 27 du Code des domaines, ci-dessous cité dans l'arrêt, n'a pas toujours été approfondie. Les banquiers et autres émetteurs de bons de caisse - un moyen de financement - pourraient avoir intérêt à se méfier de cette décision qui nous semble fragile... il n'a pas été assez insisté sur l'acte juridique et les clauses qui composent les contrats d'émission de titres et titres et qui seules en edéterminent la nature profonde.

"...les bons de caisse n'étant pas des valeurs mobilières mais des titres exprimant une reconnaissance de dette de la banque..."...? (Cass. com. 27 mars 2012, n°11-15316)
Références
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 27 mars 2012
N° de pourvoi: 11-15316
Publié au bulletin Rejet

Mme Favre (président), président
Me Le Prado, SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s)


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Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 12 janvier 2011), que Mme X... a demandé à la société SA CIAL aux droits de laquelle vient la société Banque Cic Est (la banque), le paiement de la somme de 92 993,90 euros en remboursement de bons de caisse ; que la banque ayant refusé de faire droit à cette demande, Mme X... l'a assignée en paiement de cette somme ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré sa demande irrecevable par l'effet de la prescription édictée à l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, alors, selon le moyen, que selon les dispositions combinées de l'article L. 27 du code du domaine de l'Etat, de l'article 2 de la loi du 3 janvier 1977 et de l'article 1er du décret n° 79-894 du 15 octobre 1979, les banques doivent, après avoir clôturé un compte pour lequel aucun ordre d'opération n'a été donné ni aucune réclamation formulée depuis dix années, déposer les avoirs en titres qui y étaient inscrits à la Caisse des dépôts et consignations ; qu'il résulte, en outre, de ces dispositions que les ayants droit disposent ensuite d'un délai de trente ans pour réclamer à cet établissement le paiement des avoirs en titres ainsi déposés, par dérogation à l'article 189 bis du code de commerce, devenu l'article L. 110-4 de ce code ; qu'en cas de manquement par une banque à son obligation légale de procéder à un tel dépôt, après clôture du compte, elle doit le remboursement des avoirs à leur titulaire pendant un délai de trente ans ; que, dans ses conclusions d'appel, Mme X... soutenait que la banque s'était placée dans le cadre d'un contrat de dépôt de titres en délivrant des reçus de bons de caisse et qu'il lui revenait de démontrer qu'elle avait reversé à la Caisse des dépôts et consignations, conformément à l'article 2 de la loi du 3 janvier 1977, les sommes correspondant aux bons de caisse litigieux, dès lors que ceux-ci avaient été versés sur un compte ; qu'en faisant application de la prescription décennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur, au motif inopérant que les bons de caisse n'étaient pas des valeurs mobilières, sans rechercher si les titres litigieux avaient été déposés en compte à la banque, si le solde de ce compte était resté créditeur pendant plus de dix ans sans qu'une opération y ait été enregistrée, s'il avait été clôturé en conséquence et si les avoirs qui y étaient inscrits avaient été déposés à la Caisse des dépôts et consignations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que les bons de caisse n'étant pas des valeurs mobilières mais des titres exprimant une reconnaissance de dette de la banque qui a reçu les fonds dans le cadre de son activité, le délai de prescription est le délai de droit commun prévu par l'article L. 114-4 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, l'arrêt en déduit que l'article L. 27 du code du domaine de l'Etat, devenu l'article L. 1126-1 du code général de la propriété des personnes publiques, est sans emport dans la procédure ; qu'en l'état de ces énonciations, constatations et appréciations faisant ressortir qu'il importait peu que les bons de caisse aient été laissés en dépôt, dès lors que le porteur des reçus constatant ce dépôt ne pouvait prétendre au remboursement des bons de caisse, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du vingt-sept mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour Mme X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la demande de Mme X... irrecevable par l'effet de la prescription édictée à l'article L. 110-4 ancien du code de commerce ;

Aux motifs que « la décision d'irrecevabilité sera confirmée, sur un autre fondement invoqué par l'intimée, à savoir la prescription de l'action ; que le délai de prescription qui s'applique à cette action en paiement à l'encontre de la société CIC Est est le délai de droit commun prévu par l'article L. 110-4 ancien du code de commerce pour les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non commerçants (Cass. com. 21/03/95), les bons de caisse n'étant pas des valeurs mobilières mais des titres exprimant une reconnaissance de dette de la banque qui a reçu les fonds dans le cadre de son activité ; que l'article L 27 du code du domaine de l'Etat est sans emport dans la présente procédure, qui ne concernent pas des avoirs en compte ou des titres en dépôt ; qu'en l'espèce, les bons ont été émis le 5 octobre 1977 (bon de caisse en copie), le 5 juin 1978 et le 9 août 1978 (reçus de bons), sans qu'il y ait lieu de rechercher si le second reçu constituerait le renouvellement du premier, ou si la détention de reçus au lieu de titre suffit pour obtenir paiement, la prescription était acquise à la date de l'assignation ; que, certes, la prescription ne court pas à l'encontre de celui qui est dans l'impossibilité d'agir ; que Anne-Marie X..., à qui incombe la preuve de cette impossibilité, contrairement à ce qu'elle fait plaider, ne démontre en rien qu'elle n'a pu entrer en possession des documents présentés que moins de 10 ans avant d'assigner la banque, ses seules allégations ou celles de son frère ne suffisant pas à établir la date de leur prétendue découverte » (arrêt attaqué, page 3) ;

Alors que selon les dispositions combinées de l'article L. 27 du code du domaine de l'Etat, de l'article 2 de la loi du 3 janvier 1977 et de l'article 1er du décret n° 79-894 du 15 octobre 1979, les banques doivent, après avoir clôturé un compte pour lequel aucun ordre d'opération n'a été donné ni aucune réclamation formulée depuis dix années, déposer les avoirs en titres qui y étaient inscrits à la Caisse des dépôts et consignations ; qu'il résulte, en outre, de ces dispositions que les ayants droit disposent ensuite d'un délai de trente ans pour réclamer à cet établissement le paiement des avoirs en titres ainsi déposés, par dérogation à l'article 189 bis du code de commerce, devenu l'article L. 110-4 de ce code ; qu'en cas de manquement par une banque à son obligation légale de procéder à un tel dépôt, après clôture du compte, elle doit le remboursement des avoirs à leur titulaire pendant un délai de trente ans ; que, dans ses conclusions d'appel, Mme X... soutenait que la Banque s'était placée dans le cadre d'un contrat de dépôt de titres en délivrant des reçus de bons de caisse et qu'il lui revenait de démontrer qu'elle avait reversé à la Caisse des dépôts et consignations, conformément à l'article 2 de la loi du 3 janvier 1977, les sommes correspondant aux bons de caisse litigieux, dès lors que ceux-ci avaient été versés sur un compte ; qu'en faisant application de la prescription décennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur, au motif inopérant que les bons de caisse n'étaient pas des valeurs mobilières, sans rechercher si les titres litigieux avaient été déposés en compte à la Banque, si le solde de ce compte était resté créditeur pendant plus de dix ans sans qu'une opération y ait été enregistrée, s'il avait été clôturé en conséquence et si les avoirs qui y étaient inscrits avaient été déposés à la Caisse des dépôts et consignations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités.


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Analyse
Publication : à venir sur Legifrance

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon du 12 janvier 2011


"...les bons de caisse n'étant pas des valeurs mobilières mais des titres exprimant une reconnaissance de dette de la banque..."...? (Cass. com. 27 mars 2012, n°11-15316)

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