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De l'exclusion parfois illicite d'un membre d'association, à propos d'un organisme de défense et de gestion (ODG) du Code rural.



Au-delà de la figure dominante du droit des sociétés, il existe un droit des groupements qui est parfois rappelé aux personnes morales et à ceux qui les dirigent, notamment aux représentants légaux, dont les présidents d'association.

Tout organisme - privé ou public - risque de dériver vers la délicate dictature de quelques membres et dirigeants et, de ce fait, les opposants risquent de trop gêner. La tentation existe alors de les exclure.

Or les membres d'une association tiennent leur qualité d'un contrat multilatéral, collectif, le contrat d'association - comme les associés tiennent leur qualité du contrat de société.

Ce problème dit beaucoup la mesquinerie usuelle de l'être humain, sa médiocrité et sa petitesse : et elle est grande !

Les juges rappellent dans la décision reproduite qu'un membre d'association ne saurait être exclu que sur la décision de l'AG - régulièrement prise s'entend, en la forme et au fond, c'est-à-dire avec un motif.

Le président de l'association - ou son bureau, par exemple - n'est pas propriétaire de la personne morale à pouvoir chasser qui il souhaite comme il le veut.

La décision reportée est compliquée mais d'autant plus à lire et importante que l'association avait la qualité d'ODG. Or, ce type de groupement, de droit européen, est au service de tous les professionnels ayant droit au signe de qualité que l'organisme défend et gère. Il y aurait à dire sur ce plan, mais cela dépasserait cette rubrique concernant les personnes morales.

Au-delà de l'espèce, l'affirmation de la souveraineté de l'AG pour prononcer une exclusion, à défaut d'une procédure statutaire précisée, vaut principe. Avertissement à ceux qui gèrent mal les associations ou les ODG. En effet, une telle procédure irrégulière est-elle même fautive et mériterait peut-être, si les fautes sont graves, une sanction...


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Arrêt « aéré » par des sauts de lignes pour en faciliter la lecture.


Chambre commerciale
N° de pourvoi : 17-31.094, Publié au bulletin
4 décembre 2019
Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 07 février 2017
Président
Mme Mouillard


Avocat(s) SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Q... F..., entreprise de minoterie exploitant un moulin à [...], est titulaire de la marque semi-figurative « Les Monts d'Arrée tradition Bretagne » n° 93474333, déposé à l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) le 22 juin 1993 dans la classe 30 et renouvelée le 9 juin 2003 ;

qu'en application du règlement communautaire n° 560/2010 du 25 juin 2010, la dénomination « Farine de blé noir de Bretagne/Farine de blé noir de Bretagne - Gwinizh du Breizh » a été inscrite au registre des indications géographiques protégées (IGP) et sa défense confiée à l'association Blé noir tradition Bretagne (l'association BNTB), en tant qu'organisme de défense et de gestion, dont la société Q... F... était membre depuis l'année 1987, et qui est titulaire de la marque semi-figurative « Blé noir tradition Bretagne Gwinizh du Breiz » n° 073512105, déposée à l'INPI le 5 juillet 2007 en classes 30, 31, 32 et 33 ;

qu'à l'issue de la visite de contrôle du moulin, interrompue en cours d'exécution, le 18 septembre 2009, par un représentant du centre CERTIPAQ mandaté par l'association BNTB,
la société Q... F...

s'est vu notifier, le 30 septembre 2009, son absence d'habilitation, ayant pour effet de la priver de la faculté d'utiliser l'IGP en cause ;

qu'elle a été, le 25 janvier 2010, informée de son exclusion de l'association BNTB en raison du refus de certification ; que reprochant à la société Q... F... de continuer à faire usage de sa marque et d'éléments composant l'IGP, l'association BNTB et la société du [...], membre de l'association, l'ont assignée aux fins d'obtenir réparation des atteintes portées à la marque « Blé noir tradition Bretagne Gwinizh du Breiz » et à l'IGP « Farine de blé noir de Bretagne/Farine de blé noir de Bretagne - Gwinizh du Breizh » ; que l'Institut national de l'origine et de la qualité est intervenu volontairement à l'instance ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident, dont l'examen est préalable :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur ce moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 642-21 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901 et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour rejeter la demande d'annulation de l'exclusion de l'association BNTB, prise par la présidente de celle-ci contre la société Q... F... le 25 janvier 2010, ainsi que la demande de réintégration de cette société, l'arrêt retient que selon l'article 7 des statuts de l'association BNTB, la qualité de membre « se perd par non-respect du cahier des charges »,

qu'ainsi libellée, cette clause s'interprète comme une clause de résiliation de plein droit de la qualité de membre et qu'en l'absence de disposition statutaire autre, la résiliation n'est subordonnée à aucun vote formel de la part d'une assemblée générale ;

Qu'en statuant ainsi, alors que dans le silence des textes et des statuts relatifs au fonctionnement d'une association, la décision de radier ou d'exclure un sociétaire relève de l'assemblée générale, son président ne pouvant prendre, en cette matière, que des mesures à titre conservatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi incident ni sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement ayant déclaré irrecevable la société du [...] en son action en contrefaçon de la marque semi-figurative « Blé noir tradition Bretagne » et déclaré recevable l'intervention volontaire de l'Institut national de l'origine et de la qualité au titre de l'atteinte portée à l'indication géographique protégée « Farine de blé noir de Bretagne/Farine de blé noir de Bretagne - Gwinizh du Breizh », l'arrêt rendu le 7 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne l'association Blé noir tradition Bretagne, la société du [...] et l'Institut national de l'origine et de la qualité aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Q... F... la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique…
MOYENS ANNEXES au présent arrêt …



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