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Former un avocat en Alabama, dans "Va et poste une sentinelle" de Harper Lee (Grasset, 2015)



Former un avocat en Alabama, dans "Va et poste une sentinelle" de Harper Lee (Grasset, 2015)
Fille d'un avocat, autrice rare et reconnue, Harper Lee a publié son second roman 55 ans après celui qui lui fit obtenir le Prix Pulitzer en 1961. Fait extraordinaire. D'autant que le second a été écrit, est-il dit, et en partie j'imagine, avant le premier. "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur", ce premier roman, est, lui, considéré comme un classique de la littérature américaine.

En 2015, Harper Lee a donc publié "Va et poste une sentinelle" (Grasset, 2015, trad. Pierre Demarty), une histoire de fille d'avocat. Une histoire d'avocat. Une histoire de fille. Une histoire de famille. Une histoire de l'Amérique que l'on dit "profonde".

Cette chronologie exceptionnelle n'est pas rien. Le premier roman écrit fut publié des décennies après le second, en 2015, on l'a dit, et alors que l'auteure devait disparaître, à un grand âge, juste une année après cette parution.

Comment publier après un Prix Pulitzer ? Comment, surtout, publier un roman (comme seconde publication), quand le personnage central, l'avocat, est désormais présenté moins favorablement. Comment publier quand le père, avocat, offre un visage contrasté sinon dans l'ombre, et qui dénote avec sa défense d'un noir envers et contre tous. L'Alabama c'est le Sud, non ?!

Les liens entre les deux livres relèvent peut-être de la filiation, voire de la transformation ; Voyez l'article du Temps, cliquez ici

Comment alors publier dans ces circonstances...? Disais-je.

Harper Lee répond implicitement et gravement : publier quand on est au bord de la tombe ! Publier quand le grand âge amortira les éventuelles ondes médiatiques négatives. Publier quand tout cela est de l'histoire ancienne, du passé ; un demi siècle a passé. En somme, publier tardivement, mais publier quand même : car l'écriture pure peut servir à quelqu'un puisque la vraie écriture triture réellement nos neurones.

Dès les premières pages j'en ai un peu "pincé" pour Harper Lee, pour Jean Louise FINCH, cette fille qui rentre voir son père, sa famille et tous les autres, à Maycomb, ville imaginaire de l'Alabama.

Ceux qui n'ont jamais rien quitté ne peuvent pas connaître ce sentiment du retour, du retour souvent temporaire - partir est peut-être plus facile que revenir, quand c'est la réalité inverse qui tente en général l'esprit. Pour partir on rompt des attaches pour construire, revenir, en touriste, en courant d'air, c'est voir les attaches rouillées et parfois innocentes, d'enfance, abîmées. Et tout le monde qui vous revoit s'en fout.

Jean Louise a voulu prendre le large, l'air, le frais ; elle est allée vivre à New York, sans doute pour finir d'y grandir, y devenir définitivement une femme (p. 26, elle rappelle ses jeunes 26 années).

Les retrouvailles sont faites de sentiments doux et de confrontations fermes, celles avec sa tante, personnage haut en couleurs, est un régal. La famille tu as beau l'aimer elle croit toujours devoir de te faire chier (pardon, il faut bien qu'elle prouve qu'elle existe !). Et l'on goûte d'autant plus la fraîcheur de Jean Louise quand on songe que le roman aura été relu et peaufiné par Harper Lee à plus de 85 ans ! L'auteure aura pu être elle, jeune fille, d'hier, sa tante, d'avant-hier, et elle à un grand âge devant arbitrer dans les sentiments qui parcourent les périodes de la vie.

N'étant pas critique littéraire, je vais dire et clore sur deux points proches des intérêts de ce site internet, Direct Droit ! L'intitulé du présent "papier" (image) dit un point.

Jean Louise rappelle en début d'ouvrage ce qu'il faut pour vraiment devenir avocat en Alabama - du moins dans les années 50. Mais la citation pousse à la réflexion et invite à l'exercice pour tout lieu et tout temps. En effet, être avocat ce n'est pas avoir un diplôme, comme on le croît en France (pays de la "diplômite"...). Voyez.

"Jean Louise sourit. Son père disait toujours qu'il faut au moins cinq ans pour apprendre le droit une fois que l'on avait fait son droit : deux années à étudier l'économie, deux autres autres à se familiariser aux rouages de la justice à la mode Alabama et la cinquième à relire la Bible et Shakespeare. Alors, et alors seulement, on était fin prêt à faire face à toutes les situations".

Voilà qui invite à la modestie. Voilà qui, surtout, place le droit - abstraction sans forme - dans le monde réel. Vingt pages plus loin, le propos est confirmé.

"La promotion de Henry Clinton à la faculté de droit était composée de jeunes vétérans brillants et dépourvus d'humour. La compétition était féroce, mais Henry avait l'habitude de travailler dur. Toutefois, quoiqu'il n'eût guère éprouvé de difficultés à suivre la cadence et à obtenir de bons résultats, il n'avait pas appris grand chose d'utile. Atticus Finch avait raison : le seul avantage à ses études, c'était qu'elles lui avaient permis de côtoyer les futurs politiciens démagogues et homme d'Etat de l'Alabama."

Est-il vraiment utile de conclure ?





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