La renonciation à un droit d'eau, la renonciation... et la technique contractuelle.



La renonciation à un droit d'eau, la renonciation... et la technique contractuelle.
Il peut être déduit de l'acte par lequel le propriétaire d'un moulin s'engage à cesser son activité de minoterie moyennant indemnité et du démontage effectif du matériel du moulin qui se trouve en cessation totale et volontaire d'activité une renonciation à un droit d'eau fondé en titre. L'arrêt rapporté ci-dessous, spécial dans les faits, ramène à une technique générale symbole de liberté et de responsabilité : tout un chacun a la possibilité de renoncer à un droit.

On ne commente pas la décision mais elle est l'occasion d'une remarque. Ce "mécanisme" incontestable lorsque la renonciation est clairement exprimée devient une plaie lorsque la renonciation est tirées de faits, comportements et actes juridiques à interpréter. A propos de ces derniers, on pensera à l'occasion à préciser que telle clause, tel groupe de clauses ou tel acte (convention ou contrat) ne porte pas renonciation à tel droit ou à telle prérogative.

Le risque de renonciation implicite conduit en conséquence à réagir sur le plan contractuel (en l'espèce la convention interprétée remonte à 1969). Il convient de stipuler une ou plusieurs clauses d'interprétation de la convention, le cas échéant très générales. L'arrêt rapporté montre en effet que, tout en contrôlant le raisonnement de la cour d'appel, la Cour de cassation n'opère pas un contrôle complet et détaillé (elle ne cite aucune clause ou terme de la convention dans laquelle la cour d'appel a vu une renonciation à un droit d'eau tiré d'un autre titre...). Une clause indiquera donc qu'aucun droit n'est perdu ou éteint à raison du contrat conclu s'il n'est pas expressément prévu par une clause claire et précise. Une telle clause dans le contrat en cause aurait pu changer le sens de la solution.

En illustration un ouvrage qui invite à réfléchir à la technique contractuelle.

Texte emprunté à LEGIFRANCE :

Cour de cassation chambre civile 3
Audience publique du mercredi 28 novembre 2012

N° de pourvoi: 11-20156
Publié au bulletin Rejet

M. Terrier , président
Mme Proust, conseiller rapporteur
M. Petit, avocat général
SCP Boutet, SCP Le Bret-Desaché, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 16 mars 2011), que M. X..., propriétaire d'un moulin, a assigné M. et Mme Y..., propriétaires des parcelles sur lesquelles passe le bief (canal d'irrigation, NDLR) alimentant le moulin, en revendication de la propriété de l'entier canal, des francs-bords et des vannages ; que M. et Mme Y... ont appelé en garantie leurs vendeurs, M. et Mme Z... ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un droit d'usage, fondé en titre, de la force motrice produite par l'écoulement d'eaux courantes, lequel emporte présomption de propriété, au bénéfice du maître du moulin, des canaux et dispositifs utiles à l'usage de celui-ci, ne se perd que si la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume du cours d'eau ; qu'en l'espèce, la cour qui, après avoir constaté que le moulin avait continué d'être utilisé par M. X..., au moyen d'une turbine positionnée sous le moulin et alimentée par l'énergie motrice provenant d'une prise d'eau située en amont, a ensuite décidé que M. X... avait perdu le droit d'usage de la force motrice du ruisseau de La Planche, a omis de tirer les conséquences légales qui s'induisaient de ses propres constatations au regard des articles 544, 546 et 644 du code civil, ensemble de l'article L. 214-6 du code de l'environnement ;
2°/ que seuls la ruine ou le changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume d'un cours d'eau justifient la perte d'usage de la force motrice produite par l'écoulement d'eaux courantes ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé que M. X... avait perdu l'usage de la force motrice du ruisseau de La Planche, car son auteur, Georges X..., avait renoncé à toute activité de minoterie ou meunerie et que tous les équipements du moulin nécessaires à cette activité avaient été démontés, quand les ouvrages essentiels du moulin destinés à utiliser la pente et le volume du cours d'eau étaient restés en place et avaient continué à fonctionner, a privé sa décision de base légale au regard des articles 544, 546 et 644 du code civil, ensemble de l'article L. 214-6 du code de l'environnement ;

3°/ que le droit d'user de la force motrice d'un cours d'eau ne se perd que si les ouvrages essentiels pour la capter sont désaffectés ou ruinés ; qu'en l'espèce, la cour, qui a estimé que M. X... avait perdu l'usage de la force motrice du ruisseau de La Planche, car le moulin en cause avait bénéficié d'un règlement du 26 août 1881 l'affectant, avec des équipements spécifiques destinés à la prise de l'eau, à l'activité exclusive de meunerie ou minoterie, et l'exposant ne justifiant avoir bénéficié d'une autorisation de changer l'affectation du moulin, non plus que son fonctionnement grâce à l'installation d'une turbine, à l'aménagement d'un bief prenant eau au niveau de l'ancien réservoir de l'usine supérieure, ainsi que d'une conduite forcée, quand les ouvrages essentiels à la captation de la force motrice du ruisseau de La Planche avaient continué à fonctionner, a privé sa décision de base légale au regard des articles 544, 546 et 644 du code civil, ensemble de l'article L. 214-6 du code de l'environnement ;

4°/ qu'un règlement d'eau qui autorise le fonctionnement d'un moulin vaut autorisation administrative indépendamment de l'existence du droit fondé en titre ; qu'en l'espèce, l'activité du moulin de Saint-Pierre avait été autorisée par arrêté préfectoral du 26 août 1881 qui n'avait jamais été abrogé, de sorte que la cour, qui a estimé que M. X... avait perdu l'usage de la force motrice du ruisseau de La Planche, a violé les articles 544, 546 et 644 du code civil, ensemble l'article L. 214-6 du code de l'environnement ;

5°/ qu'il existe une présomption de propriété, au profit du propriétaire d'un moulin, du bief artificiel qui écoule l'eau en ses parties supérieure d'amenée et inférieure d'évacuation, ainsi que de la bande de terrain longeant chaque rive ; qu'en l'espèce, la cour, qui a énoncé que " les équipements destinés au fonctionnement de l'usine supérieure n'étaient pas, en 1881, des accessoires nécessaires au fonctionnement de l'usine inférieure ", quand il importait seulement que le bief d'amenée d'eau revendiqué par M. X..., ainsi que la conduite forcée installée à l'extrémité de ce bief, soient actuellement indispensables à l'exercice de son droit d'usage de la force motrice du ruisseau de La Planche, a violé les articles 544, 546 et 644 du code civil, ensemble l'article L. 214-6 du code de l'environnement ;

Mais attendu d'une part que M. X... n'ayant pas soutenu que le règlement d'eau fixé par arrêté préfectoral du 26 août 1881 qui autorisait l'activité du moulin de Saint-Pierre n'avait jamais été abrogé et valait autorisation administrative indépendamment de l'existence du droit fondé en titre, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;

Et attendu d'autre part qu'ayant retenu que si le droit d'usage de la force motrice de l'eau alimentant le moulin de Saint-Pierre avait été fondé en titre, son existence étant établie antérieurement à l'abolition des droits féodaux, il résultait de la convention signée le 12 mars 1969 entre l'Association nationale de la meunerie française et M. Georges X..., auteur de M. X..., que M. Georges X... avait cessé son activité le 11 septembre 1968, s'était engagé à démonter le matériel du moulin, avait perçu en contrepartie une indemnité et que le moulin s'était trouvé effectivement démonté et en cessation totale et volontaire d'activité, la cour d'appel, qui a pu en déduire une renonciation de Georges X... au droit d'usage de la force motrice du ruisseau, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer 2 500 euros à M. et Mme Y... ; rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
(supprimés, NDLR)

ECLI:FR:CCASS:2012:C301426
Analyse
Publication :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers , du 16 mars 2011



Titrages et résumés : RENONCIATION - Définition - Acte engageant le propriétaire d'un moulin à cesser son activité moyennant indemnité et démontage effectif du matériel

Il peut être déduit de l'acte par lequel le propriétaire d'un moulin s'engage à cesser son activité de minoterie moyennant indemnité et du démontage effectif du matériel du moulin qui se trouve en cessation totale et volontaire d'activité une renonciation à un droit d'eau fondé en titre

RENONCIATION - Eaux - Droits fondés en titre - Extinction - Modalités


Précédents jurisprudentiels : Sur la renonciation à un droit d'eau fondé en titre, à rapprocher :3e Civ., 1er avril 1992, pourvoi n° 92-14066, Bull. 1992, III, n° 115 (cassation partielle)

Textes appliqués :
article L. 214-6 du code de l'environnement ; articles 544, 546 et 644 du code civil

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