Le Conseil d'Etat avait donné raison au Crédit immobilier de France contre l'ACP qui lui demandait de redresser sa situation



Le Conseil d'Etat avait donné raison au Crédit immobilier de France contre l'ACP qui lui demandait de redresser sa situation
Il y a quelque mois, le CIF, agissant par son PDG qui a démissionné la semaine dernière après avoir appelé l'Etat en garantie, faisait un recours contre la décision de l'ACP lui imposant une norme de gestion pour préserver sa stabilité financière. Le contribuable appréciera la condamnation de l'Etat (ACP) à payer 1 500 € au CIF ! Alors que la garantie nécessaire pourrait porter sur 20 milliards d'euros !

Moins de six mois après, cette procédure en annulation et cet arrêt peuvent indigner les contribuables appelés à la rescousse.

La situation actuelle et délicate du CIF donne une grande autorité à l'ACP. On ne discute pas davantage l'affaire, édifiante de la difficulté d'une régulation bancaire. Mais on doit relever que le Conseil d'Etat que " ni les explications données au cours de l'enquête du 15 novembre 2011 ne mettent le Conseil d'Etat en mesure de vérifier la correcte appréciation du niveau de risque présenté par la banque requérante, la pertinence de son classement au sein de la cinquième catégorie des établissements soumis à contrôle et la nécessité d'un ratio de 12 %".

A lire cette motivation, on a la fâcheuse impression que le juge s'estime mal informé et qu'il le regrette. On se demande si ce n'est pas juste une question de tournure de la procédure qui a été défavorable à l'ACP. Le Conseil d'Etat juge seulement qu'il n'a pas les éléments utiles pour apprécier la situation. Cette critique ne pouvait-elle pas se purger sur un plan de procédure ? La régulation bancaire peut-elle échouer, et le pays faire faillite, parce que le juge administratif ne sait, ne veut ou ne peut signaler à un régulateur qu'il lui manque des éléments pour parfaitement comprendre sa décision ?

En tout cas, la situation du CIF apporte paradoxalement du baume au coeur de l'ACP, et on doit regretter le comportement de cette banque qui mène une procédure contre des décisions qui auraient dû l'inspirer. Et ce que le Conseil d'Etat les comprennent ou pas...


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Extait de la base publique Legifrance

Conseil d'État
N° 343412
Publié au recueil Lebon
9ème et 10ème sous-sections réunies
M. Philippe Martin, président
M. Philippe Josse, rapporteur
M. Pierre Collin, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, avocats

lecture du lundi 5 mars 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la requête sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 21 septembre 2010, 21 décembre 2010 et 2 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, dont le siège est 26-28 rue de Madrid à Paris (75384 Cedex 08), représentée par son président-directeur général ; la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la Commission bancaire notifiée le 4 mars 2010 lui enjoignant de respecter, au plus tard à compter du 31 mars 2010, un ratio de solvabilité minimum sur fonds propres de base de 12 % et la décision de l'Autorité de contrôle prudentiel, reçue le 20 juillet 2010, rejetant son recours gracieux dirigé contre la décision notifiée le 4 mars 2010 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi n° 2006-1615 du 18 décembre 2006 ;

Vu le règlement n° 90-02 du 23 février 1990 relatif aux fonds propres des établissements de crédit, le règlement n° 91-05 du 15 février 1991 relatif au ratio de solvabilité et l'arrêté du 20 février 2007 relatif aux exigences de fonds propres applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement, dans leur rédaction alors applicable ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Josse, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE ANONYME CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT et de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de l'Autorité de contrôle prudentiel,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE ANONYME CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de l'Autorité de contrôle prudentiel ;



Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 613-16 du code monétaire et financier, applicable à la date de la décision attaquée de la Commission bancaire : La Commission bancaire peut adresser à un établissement de crédit, un établissement de paiement et aux personnes mentionnées à l'article L. 613-2 une recommandation de prendre les mesures appropriées pour restaurer ou renforcer leur situation financière, améliorer leurs méthodes de gestion ou assurer l'adéquation de leur organisation à leurs activités ou à leurs objectifs de développement. L'établissement concerné est tenu de répondre dans un délai de deux mois en détaillant les mesures prises à la suite de cette recommandation. / La Commission bancaire peut, indépendamment des dispositions prévues à l'alinéa précédent, adresser à tout établissement de crédit, tout établissement de paiement, toute entreprise ou toute personne soumise à son contrôle en application de l'article L. 613-2 une injonction à l'effet notamment de prendre dans un délai déterminé toutes mesures destinées à restaurer ou renforcer sa situation financière, à améliorer ses méthodes de gestion ou à assurer l'adéquation de son organisation à ses activités ou à ses objectifs de développement. / La Commission bancaire peut en particulier enjoindre à ces établissements, entreprises ou personnes de détenir des fonds propres d'un montant supérieur au montant minimal prévu par la réglementation applicable et exiger d'eux qu'ils appliquent à leurs actifs une politique spécifique de provisionnement ou un traitement spécifique au regard des exigences de fonds propres. Elle peut aussi leur enjoindre de restreindre ou de limiter à titre temporaire leur activité (...) ; qu'aux termes de l'article 2-1 de l'arrêté du 20 février 2007 relatif aux exigences de fonds propres applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement : Les établissements assujettis sont tenus de respecter en permanence un ratio de solvabilité au moins égal à 8 %. / Ce ratio de solvabilité est égal au rapport entre les fonds propres globaux et la somme : / - du montant des expositions pondérées au titre du risque de crédit et de dilution ; / - des exigences de fonds propres au titre de la surveillance prudentielle des risques de marché et du risque opérationnel multipliées par 12,5. / Pour l'application du présent arrêté, les fonds propres sont déterminés conformément au règlement n° 90-02 du Comité de la réglementation bancaire et financière du 23 février 1990 relatif aux fonds propres ; qu'il résulte de ce règlement que les fonds propres sont constitués par la somme des fonds propres de base et des fonds propres complémentaires, dont sont déduits certains éléments ;

Considérant que, sur le fondement des dispositions du troisième alinéa précité de l'article L. 613-16 du code monétaire et financier, la Commission bancaire peut adresser une injonction à un établissement lorsque les informations dont elle dispose font apparaître la nécessité de restaurer ou renforcer sa situation financière, compte tenu des risques encourus tant par cet établissement que, le cas échéant et de son fait, par d'autres établissements ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et des explications fournies oralement par les représentants de l'Autorité de contrôle prudentiel au cours de l'enquête qui a eu lieu le 15 novembre 2011 devant la neuvième sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat siégeant en formation d'instruction sur le fondement des articles R. 623-1 et suivants du code de justice administrative, que l'application des dispositions de l'article L. 613-16 du code monétaire et financier, tels que précisées par le document intitulé Mise en oeuvre du processus de surveillance prudentielle et d'évaluation des risques (pilier 2) - Critères et méthodologie utilisés par la Commission bancaire publié par voie électronique en novembre 2006 en application de l'article R. 613-2-1 du code monétaire et financier, alors en vigueur, s'est traduite par la répartition, au vu de dix critères, des établissements bancaires en cinq catégories, selon le niveau de risque présenté par chacun d'entre eux ; que pour les établissements rangés dans la cinquième catégorie les exigences de fonds propres ont correspondu à un ratio de solvabilité sur fonds propres de base d'au moins 12 % ;

Considérant que, par décision adoptée au cours de sa séance du 1er février 2010, la Commission bancaire a enjoint à la SOCIETE ANONYME CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT de détenir des fonds propres d'un montant supérieur au montant minimal prévu par la réglementation applicable afin de respecter, au plus tard à compter du 31 mars 2010, un ratio de solvabilité minimum sur fonds propres de base de 12 % ; qu'elle a, ainsi, implicitement, classé la banque requérante dans la cinquième catégorie mentionnée ci-dessus ; qu'elle a motivé sa décision par l'absence d'actionnaire de référence en mesure d'assurer le soutien financier de l'établissement en cas de difficulté, par la faible rentabilité du groupe laissant peu de marges de manoeuvre pour faire face à la hausse du coût du risque, par le profil de risque élevé de sa clientèle, par une structure de passif l'obligeant à se refinancer presque intégralement sur les marchés et l'exposant ainsi particulièrement à la hausse des taux, et par la constatation d'un coefficient de liquidité inférieur au niveau minimal réglementaire pour certaines filiales du groupe révélant des faiblesses dans l'organisation de celui-ci ;

Considérant qu'au vu des pièces du dossier et des motifs ainsi énoncés, notamment l'exposition importante de la banque requérante au risque de variation des taux, du fait de l'obligation dans laquelle elle se trouve d'assurer l'essentiel de son refinancement sur les marchés, ainsi que le profil de risque élevé de sa clientèle, la Commission bancaire n'a pas commis d'erreur d'appréciation en lui enjoignant de détenir des fonds propres d'un montant supérieur au montant minimal prévu par la réglementation applicable ;

Considérant, toutefois, que la SOCIETE ANONYME CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT soutient, de façon argumentée, que l'injonction qui lui a été faite de respecter un ratio de solvabilité sur fonds propres de base d'au moins 12 %, au lieu du ratio de solvabilité sur fonds propres globaux de 8 % résultant de l'arrêté du 20 février 2007 précité, est excessive au regard des risques qu'elle présente et se fonde sur une appréciation de ceux-ci ne reposant pas sur des paramètres objectifs ; qu'elle relève, notamment, que son activité de prêteur immobilier n'est pas, compte tenu des modes de sélection des emprunteurs et de détermination du montant de leur crédit qui prévalent en France, parmi les plus risquées, que la Commission bancaire aurait dû tenir compte des mesures prises par elle pour restaurer sa rentabilité et que le handicap qui résulterait de son absence d'adossement à un groupe bancaire n'est pas démontré ;

Considérant que, si la Commission bancaire n'était pas tenue d'indiquer dans la motivation de sa décision les paramètres quantitatifs reliant les différents facteurs de risque de l'établissement au niveau de fonds propres minimum qu'elle lui a enjoint de détenir et s'il lui était loisible d'apprécier une partie des risques à dire d'expert, il lui appartenait en revanche de fournir au Conseil d'Etat statuant au contentieux tous éléments susceptibles d'établir la conviction du juge et de lui permettre d'apprécier la pertinence du moyen soulevé par la société requérante et tiré du caractère excessif du niveau de fonds propres de base exigé d'elle ; que ni les éléments de la procédure écrite, ni les explications données au cours de l'enquête du 15 novembre 2011 ne mettent le Conseil d'Etat en mesure de vérifier la correcte appréciation du niveau de risque présenté par la banque requérante, la pertinence de son classement au sein de la cinquième catégorie des établissements soumis à contrôle et la nécessité d'un ratio de 12 % sur fonds propres de base pour restaurer ou renforcer sa situation financière ; que, notamment, le juge n'a pas été mis en mesure de vérifier l'incidence qu'avait pu avoir, dans le niveau de fonds propres qu'il a été enjoint à la banque requérante de détenir, la circonstance que celle-ci ne présentait aucun facteur de risque au regard de certains des dix critères utilisés pour évaluer ce niveau ; qu'il suit de là que la décision enjoignant à la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT de respecter, au plus tard à compter du 31 mars 2010, un ratio de solvabilité minimum sur fonds propres de base de 12 % doit être annulée, de même que, par voie de conséquence, la décision par laquelle l'Autorité de contrôle prudentiel a rejeté le recours gracieux de la société requérante ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, avec imputation sur le budget de l'Autorité de contrôle prudentiel, la somme de 1 500 euros à verser à la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Commission bancaire enjoignant à la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT de détenir des fonds propres d'un montant supérieur au montant minimal prévu par la réglementation applicable afin de respecter, au plus tard à compter du 31 mars 2010, un ratio de solvabilité minimum sur fonds propres de base de 12 % et la décision de l'Autorité de contrôle prudentiel rejetant le recours gracieux dirigé contre cette décision sont annulées.
Article 2 : L'Etat (Autorité de contrôle prudentiel) versera à la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, à l'Autorité de contrôle prudentiel et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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