hervecausse

Le Président CHIRAC a été entendu par un juge et tente de s'expliquer dans une tribune. Le mauvais argument du non-enrichissement. Annexe : Cass. crim. 21 sept. 2005, affaire dite du RPR.



Le Président CHIRAC a été entendu par un juge et tente de s'expliquer dans une tribune. Le mauvais argument du non-enrichissement. Annexe : Cass. crim. 21 sept. 2005, affaire dite du RPR.
Le Président CHIRAC est entendu ce jour par un juge d'instruction sur l'affaire dite des emplois fictifs de la mairie de Paris. C'est un moment douloureux pour la République et la démocratie, bien que les deux y trouvent leur compte puisque la justice fonctionne.

On connaît les faits. Diverses personnes payées par la mairie (ou par des sociétés privées) travaillaient en réalité à temps plein au RPR. Diverses personnes ont été condamnées dans ces affaires ; c'est une vérité judiciaire, l'affaire a été jugée et a donné lieu à des condamnations définitives.

En tant que Président du RPR et maire de Paris, tout citoyen comprend que la justice ait toujours soupçonné J. CHIRAC d'avoir été au courant – et donc au moins complice au sens pénal du terme (en droit français, le complice est justiciable comme l'auteur principal).

Le mécanisme reproché consistait à financer le RPR par des agents territoriaux de la mairie de Paris ce qui, tout Français le comprendra, est inacceptable. Je passe vite sur les infractions pénales qui sont alors en cause (en bref, si on prend sur le budget d'une collectivité publique c'est de la prise illégale d'intérêt, si on prend sur une société commerciale c'est de l'abus de biens sociaux ; voyez l'arrêt ci-dessous sur ce point).

Ni avant les lois sur les financement public des partis, ni après, ce genre de pratiques n'était concevable. La longue tribune publiée dans Le Monde ce jour est donc hors de propos. Elle témoigne de ce que le Président aura toujours été mal entouré sur cette question. Il se présente avec une défense conforme à celle de la plupart des gens cités devant un juge pénal (ce n'est pas son cas, il est actuellement témoin assisté) : il invoque l'histoire du financement de la vie politique (!) et des excuses générales qui n'ont rien à voir avec le sujet précis.

Le juge ne lui aura pas posé des questions générales. Le juge doit se demander comment sur divers points très précis, à la mairie de Paris ou au siège du RPR, M. CHIRAC a pu ignorer cette situation. Il y a dû avoir des dizaines de questions très précises, sachant que personne ne doute qu'un homme de ce rang ne sache pas tout d'une organisation (soit d'une grande mairie, soit d'un grand parti). Mais ne pas savoir tout, ce n'est pas tout ignorer !

La situation difficile est implicitement confirmée par son avocat qui a déclaré deux choses étonnantes au journal Le Monde, à l'issue de l'interrogatoire de ce jour :

"Je crois que les explications que l'ancien président de la République a fournies au juge ont été tout à fait complètes, transparentes, explicitent son rôle, sa connaissance des faits et devraient satisfaire les juges en charge du dossier", le propos est équivoque ;

curieusement, il a ajouté ; "Il ( le président)a repris une partie des explications qu'il a fournies aux Français dans le cadre de sa tribune au Monde publiée aujourd'hui".

Or les propos très généraux de la tribune publiée ce jour – propos parfois carrément historiques – ne serviront à rien, même pas aux médias qui ne pourront s'y retrancher pour se taire a-t-il précisé. D'ailleurs, le même avocat a avoué : "la stratégie de défense, je la réserve pour les juges."(cité par Le Monde) ; l'avocat indique donc avoir besoin d'une"stratégie de défense", ce qui en dit long, reconnaissant en outre implicitement que l'affaire allait imposer un rendez-vous devant des "juges" … en correctionnelle ?

En effet, la tribune publiée et dont il s'agit vaut frêle béquille.

Un des propos de la tribune est spécialement mal venu :

" Il a fallu passer, en quelques années (sic), d'un monde d'usages et d'arrangements à un régime clairement fixé par la loi". Mais c'est toujours comme cela lorsqu'une loi nouvelle est votée ! Elle oblige, elle contraint et à défaut elle sanctionne. Et du jour au lendemain ! Comment l'entourage du président lui laisse-t-il écrire une telle phrase, lui qui, pendant 40 ans, a par ses lois - proposées ou votées, contraint des millions de Français ?

Est-ce donc que le personnel politique est à ce point aveugle de ce qu'il fait et exige des autres ?
Le propos le plus précis de cette tribune reste fort mal venu. En effet, le président achève sa tribune sur :

" que ce soit à gauche comme à droite, ces dossiers n'ont que très exceptionnellement porté sur des cas d'enrichissement personnel – d'ailleurs sanctionné, parfois lourdement – ". Cette argumentation du non-enrichissement personnel ne vaut rien. Les infractions reprochées ne sont pas évincées par ce point, elles ne sont pas non plus susceptibles d'atténuer la responsabilité pénale des coupables (une infraction moins grave).

Pire, ce propos peut être jugé faux.

Si, demain je fais une carrière politique avec l'aide de personnes qui sont employées à temps plein par un Conseil général ou régional mais qui sont, en réalité, à ma disposition toute la journée, je peux beaucoup plus facilement me faire élire et devenir un riche politicien, assurément je me serai enrichi (comme le montrent certaines déclarations récentes de patrimoine d'hommes publics qui sont parvenus, grâce à la politique, à constituer des petites fortunes, non des grandes).

En conclusion, quand une personne se fait élire grâce à un parti politique qui s'est financé illégalement et retire de son élection une position éminente (dont des revenus), on peut soutenir - même si cela peut se discuter - qu'il y a ainsi, indirectement mais assurément, enrichissement personnel !

Jacques CHIRAC adopte une défense empruntant à la langue de bois, la langue de Chef d'Etat, mais il ne l'est plus. Ce faisant, et paradoxalement, il adopte l'attitude de l'immense majorité des personnes qui sont condamnées par un juge pénal : elles ne reconnaissent jamais leur responsabilité humaine et donc pénale.

On pensera donc qu'il y avait, désormais, puisque le président ne l'est plus, une défense plus réaliste à déployer. Elle n'empêchait pas, au contraire, d'invoquer des motifs généraux, dès lors que certains faits précis étaient reconnus. La population en aurait conçu une grande indulgence.

Ce tout faisant, cette attitude et cette "défense" montrent un manque de grandeur, celle que l'on attend d'un grand homme. Un grand homme ? Oui, un grand homme, comme, par exemple, un ancien Chef de l'Etat.


UN DES ARRETS DE L'AFFAIRE DITE DU RPR et de la MAIRIE DE PARIS
Texte extrait de la base publique Legifrance


Cour de Cassation Chambre criminelle
Audience publique du 21 septembre 2005 Rejet Irrecevabilité
N° de pourvoi : 04-87682 Inédit Président : M. COTTE
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un septembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle LESOURD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Louise, Yvonne, épouse Y...,
- Z... Jean-Michel, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 1er décembre 2004, qui, pour complicité d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance et recel d'abus de biens sociaux, a condamné la première à 10 mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur la recevabilité du pourvoi de Jean-Michel Z... :
Attendu que la déclaration de pourvoi, faite par lettre, ne répond pas aux conditions exigées par les articles 576 et 577 du Code de procédure pénale ;
Que, dès lors, le pourvoi n'est pas recevable ;

II - Sur le pourvoi de Louise, Yvonne Y... : Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 111-3, 121-6, 121-7, 314-1, 321-1 du nouveau Code pénal, 60 et 408 de l'ancien Code pénal, L. 242-6, 3 , L. 242-30, L. 243-1, L. 246-2 du Code de commerce, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la culpabilité de Louise, Yvonne Y... pour complicité d'abus de biens sociaux, d'abus de confiance et de recel d'abus de biens sociaux ;

"alors que nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international ; qu'en l'espèce, à l'époque des faits visés à la prévention (1989 à 1993), aucune loi n'interdisait à une entreprise de recruter du personnel pour le mettre à la disposition d'une entité autre que la société employeur, cette entité serait elle un parti politique ; qu'en outre, les lois n° 88-227 du 11 mars 1988, 90-155 du 15 janvier 1990 et 93-122 du 29 janvier 1993 ne contiennent aucune disposition interdisant cette pratique ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de texte l'incriminant expressément, cette pratique n'était constitutive d'aucune infraction pénale en sorte que les poursuites engagées de ce chef n'ayant aucun fondement légal, les déclarations de culpabilité sont elles- mêmes entachées d'illégalité" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 111-3, 121-6, 121-7, 314-1, 321-1 du nouveau Code pénal, 60 et 408 de l'ancien Code pénal, L. 242-6, 3 , L. 242-30, L. 243-1, L. 246-2 du Code de commerce, des articles 11-4, 11-5, 20 1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, modifiée par la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990, de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 et n° 95-65 du 19 janvier 1995, ensemble violation du principal specialia generalibus derogant ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen tiré de l'application de la loi du 11 mars 1988 modifiée par la loi du 15 janvier 1990 et déclaré Louise, Yvonne Y... coupable de complicité d'abus de biens sociaux, d'abus de confiance et de recel d'abus de biens sociaux ;

"alors, d'une part, que, avant les lois du 11 mars 1988 et du 15 janvier 1990, le financement des partis politiques échappait à toute réglementation spécifique ; que la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée par la loi du 15 janvier 1990 a, en son article 11-4, expressément permis aux personnes physiques et aux personnes morales, dûment identifiées, de participer au financement d'un même parti politique à concurrence du montant qui y était précisé ;

que ce texte, en son alinéa 4, interdisait aux associations de financement ou aux mandataires financiers d'un parti politique de recevoir, directement ou indirectement, des contributions ou aides matérielles d'un Etat étranger ou d'une personne morale de droit étranger ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes et a contrario que les partis politiques pouvaient bénéficier d'un financement indirect par les sociétés françaises dans les limites édictées par le législateur ; que le fait de ne pas respecter ces limites ne pouvait, dès lors, être poursuivi que sur le fondement des textes régissant le financement des partis politiques et en aucun cas rendre ce manquement justiciable du droit commun ; qu'en condamnant la prévenue sur le fondement des textes réprimant l'abus de confiance et l'abus de biens sociaux qui n'étaient pas applicables aux faits qui lui étaient reprochés, la cour d'appel a violé ces textes par refus d'application et violé les articles relatifs aux abus de biens sociaux et à l'abus de confiance par fausse application ;

"alors, d'autre part, qu'en édictant les lois du 11 mars 1988 et du 15 janvier 1990 sur le financement des partis politiques et en autorisant expressément les personnes morales à y participer, le législateur a entendu condamner l'interprétation extensive que la jurisprudence donnait à l'abus de biens sociaux ; que, dès lors, c'est à l'aune des dispositions spécifiques de ces textes que les faits reprochés à Louise, Yvonne Y... devaient être examinés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le principe specialia generalibus derogant" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Louise, Yvonne X..., épouse Y..., qui avait été chargée par des responsables du Rassemblement pour la République (RPR) de solliciter de certaines entreprises la prise en charge de la rémunération de salariés mis à la disposition de ce parti, est poursuivie pour s'être rendue complice, de 1989 à 1994, des abus de biens sociaux dont les dirigeants desdites entreprises ont été déclarés coupables, et pour avoir été elle-même employée fictivement par deux sociétés ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation de l'avocat de la prévenue qui soutenait qu'à l'époque des faits la rémunération de salariés du RPR par des entreprises privées devait être assimilée à un don et que ce mode de financement d'un parti politique n'était pas illégal, l'arrêt énonce que, contrairement à ce que soutient la défense, la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, n'avait pas autorisé, même implicitement, les dons des personnes morales au profit des partis politiques et qu'avant la loi du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales, tout don direct ou indirect adressé à un parti politique par une société, personne morale de droit privé, était illicite ; que les juges relèvent que cette dernière loi, à la différence de ses dispositions applicables aux campagnes électorales des candidats, n'avait pas prévu la possibilité pour une personne morale d'effectuer un don en nature à un parti politique ni de lui consentir des avantages indirects ; que les juges en déduisent que la prise en charge par des entreprises de droit privé de la rémunération de personnes travaillant en réalité au RPR ne peut s'analyser en un don à un parti politique autorisé par la loi et est donc constitutive d'abus de biens sociaux ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 425, 4 , 437, 3 , de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, L. 241-3, 4 , L. 242-6, 3 , L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 246-2 du Code de commerce, 59, 60, 406 et 408 de l'ancien Code pénal, 121-6, 121-7, 314-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable de complicité, par fourniture d'instructions, des délits d'abus de biens sociaux commis par des dirigeants sociaux au préjudice des sociétés Touzet, Colas IDF Normandie, Les Charpentiers de Paris, Eurosyntec, Travaux Publics Réunis, Scopase, Gailledrat, Ciec, Ipodec, en intervenant auprès des chefs d'entreprise pour obtenir la prise en charge par ces personnes morales des salaires d'employés du RPR ;

"aux motifs que Louise, Yvonne Y... n'avait, en définitive, pas contesté la réalité des faits qui lui étaient reprochés, ni son rôle auprès de chacun des chefs d'entreprise ou responsables salariés mentionnés dans la prévention qu'elle contactait pour leur demander de prendre en charge la rémunération d'un employé du RPR, ni les instructions données aux salariés concernés qui ont tous déclaré qu'ils avaient été prévenus par Louise, Yvonne Y... qu'ils ne seraient pas rémunérés par le RPR ; qu'elle s'était bornée à déclarer qu'elle avait agi sur ordre de sa hiérarchie au RPR et qu'elle ne pensait pas à l'époque qu'il s'agissait d'une infraction pénale ;

qu'en recherchant des entreprises dont les dirigeants ou les cadres acceptaient de prendre en charge la rémunération de salariés qui ne travaillaient pas pour celle-ci mais pour le RPR, en organisant la signature des contrats de travail des intéressés dans la discrétion la plus totale, ce qui démontre que Louise, Yvonne Y... connaissait le caractère illicite de ce procédé qu'elle avait d'ailleurs cherché à dissimuler devant les services de police ou le juge d'instruction, cette dernière s'était rendue complice des abus de biens sociaux dans les termes de la prévention ;

"alors, d'une part, que la déclaration de culpabilité du chef de complicité suppose que soit caractérisée une infraction principale en tous ses éléments constitutifs ; que le délit d'abus de biens sociaux ne peut être commis que dans le cadre des sociétés dont le fonctionnement est régi par la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 relative aux sociétés commerciales ; que ce délit est défini, par les articles 425 et 437 de cette loi, comme le fait, pour le gérant ou pour le président, les administrateurs ou les directeurs généraux, d'avoir, de mauvaise foi, fait des biens ou du crédit de la société un usage qu'ils savaient contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement ; que, pour confirmer la déclaration de culpabilité du chef de complicité d'abus de biens sociaux par la prévenue, l'arrêt se borne à énoncer qu'aucun des chefs d'entreprise reconnus coupables de ce délit n'avait relevé appel ; que ni le tribunal ni la Cour n'ont caractérisé les éléments constitutifs de l'infraction s'agissant des entreprises Touzet, Colas IDF Normandie, Les Charpentiers de Paris, Eurosyntec, Travaux Publics Réunis, Scopase, Gailledrat, Ciec, Ipodec, dont la nature juridique n'a pas été précisée ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité de la prévenue du chef de complicité d'abus de biens sociaux est donc illégale ;

"alors, d'autre part, que le délit d'abus de biens sociaux est défini comme le fait d'avoir, de mauvaise foi, fait des biens ou du crédit de la société un usage que les dirigeants visés par les articles 425 et 437 de la loi du 24 juillet 1966 savaient contraire à l'intérêt de celle- ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement ; que, pour confirmer la déclaration de culpabilité de la prévenue du chef de complicité d'abus de biens sociaux, l'arrêt attaqué se borne à relever que les chefs d'entreprise qui ont été déclarés coupables de ce chef de la prévention n'ont pas relevé appel de leur condamnation ; que ce motif ne donne aucune base légale à l'arrêt attaqué, le jugement n'ayant pas légalement caractérisé cette infraction conformément aux dispositions des articles 425 et 437 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ; qu'en effet, n'est pas de mauvaise foi le dirigeant d'une société qui consent à des prêts de salariés ou de main-d'oeuvre en vue d'obtenir des marchés qui entrent dans l'objet social de leur entreprise ; que le délit d'abus de biens sociaux n'ayant pas été légalement caractérisé par le premier juge, la déclaration de culpabilité du chef de complicité de ce délit se trouve privée de toute base légale ;

"alors, enfin, et en tout état de cause, que la complicité de complicité n'est pas légalement punissable ; que la complicité par instructions données n'est jamais commise par celui qui transmet les instructions, mais par celui qui prend l'initiative de les donner à un exécutant qui a l'obligation de les transmettre et n'a aucun pouvoir d'appréciation ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué mentionne clairement que la prévenue recevait des instructions d'une hiérarchie puissante et autoritaire qui lui imposait de prendre contact avec les entreprises pour solliciter la prise en charge de salariés devant travailler pour le RPR ; qu'étant un simple intermédiaire transmettant aux entreprises les demandes, voire les exigences des dirigeants du RPR qui lui étaient dictées, la prévenue, qui n'avait aucun pouvoir d'appréciation sur les ordres qu'elle recevait et s'est contentée de les transmettre ne s'est pas rendu coupable de la complicité qui lui était reprochée par la prévention ;

que la déclaration de culpabilité de ce chef est illégale" ;

Attendu que, pour déclarer Louise, Yvonne Y... coupable de complicité des abus de biens sociaux commis par les dirigeants des sociétés ayant rémunéré des employés mis à la disposition du RPR, l'arrêt énonce que le paiement de salaires, sans contrepartie pour l'entreprise, est par nature contraire à l'intérêt social de celle-ci puisqu'il entraîne un appauvrissement de la société et que les avantages que les entreprises pouvaient espérer en tirer, quant à l'obtention de marchés, exposaient celles-ci à un risque anormal de sanctions pénales ou fiscales de nature à porter atteinte à leur réputation ; que les juges relèvent que l'intérêt personnel des dirigeants des sociétés reconnus coupables d'abus de biens sociaux a consisté en la recherche de bonnes relations avec un parti politique et ses responsables dont ils connaissaient le rôle déterminant comme décideurs publics ; qu'ils retiennent qu'en recherchant des entreprises dont les dirigeants acceptaient de prendre en charge la rémunération de salariés qui ne travaillaient pas pour celles-ci mais pour le RPR, et en organisant la signature des contrats de travail des intéressés, la prévenue s'est rendue complice d'abus de biens sociaux dans les termes de la prévention ; que les juges ajoutent que Louise, Yvonne Y... n'a pas été la simple exécutante des ordres de sa hiérarchie, comme elle le prétend, mais aussi "le prospecteur du parti" ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations relevant de son appréciation souveraine, et dès lors que la prévention à laquelle l'arrêt s'est référé vise des abus de biens sociaux commis par les dirigeants de sociétés anonymes, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'ainsi le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que la peine prononcée étant justifiée par la déclaration de culpabilité du chef précité, il n'y a pas lieu d'examiner le quatrième moyen qui discute le délit de complicité d'abus de confiance ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 460 de l'ancien Code pénal, 321-1, alinéa 3, 321-3, 321-9, 321-10 du Code pénal, 437 de la loi du 24 juillet 1966, L. 242-6, 3 , du Code de commerce, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable de recel de l'abus de biens sociaux commis par Jean A... au préjudice de la société Ciec et celui commis par Michel B... au préjudice de la société Comatec, en l'espèce en ayant perçu des salaires versés par la société Ciec et par la société Comatec ;

"aux motifs qu'en étant elle-même rémunérée de manière fictive, donc de manière frauduleuse, par la Ciec et la Comatec, ce qu'elle avait finalement reconnu devant la Cour, Louise-Yvonne Y... qui n'avait jamais cherché à faire figurer ses rémunérations dans les comptes du parti, s'était rendue coupable de recel d'abus de biens sociaux dont Jean A... et Michel B... avaient été reconnus coupables comme auteurs principaux ;

"alors que la censure qui interviendra sur le fondement des premier et deuxième moyens de cassation aura pour conséquence nécessaire la censure de la déclaration de culpabilité de la prévenue du chef de recel d'abus de biens sociaux" ;

Attendu que ce moyen est devenu inopérant par suite du rejet des premier et deuxième moyens ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs,
I - Sur le pourvoi de Jean-Michel Z... :
Le DECLARE IRRECEVABLE ;
II - Sur le pourvoi de Louise, Yvonne Y... :
Le REJETTE ;

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