hervecausse

Le "pouvoir de régulation" : un inconnu de la régulation et du "Droit de la régulation".



Après que l'on aura parlé 40 ans durant de la régulation, que deux générations seront passées, que l'on aura parfois dit, tel le "coucou" qui sort de sa boite, "Droit de la régulation", le jugement sera terrible.

Au tournant des années 2050, les théoriciens du droit répèteront que le grand ratage doctrinal du début du XXIe siècle aura été celui du "Droit de la régulation".

On aura manqué de le mettre en théorie et de le fixer en droit positif dans quelques manuels simples mais exhaustifs, clairs, et synthétiques (le synthétique prend cependant aujourd'hui 700 pages tant le droit est long et complexe (le "droit long", c'est beau, non ?).

Un indice du Droit de la régulation, plus que la régulation elle-même, qui comporte une équivoque, est "le pouvoir de régulation" (il y a une paternité sur cette expression, usez de la barre recherche de ce blog). La remarque vise seulement à souligner que dire "régulation", dire "droit de la régulation" et dire "pouvoir de régulation" pare de la même chose sans dire la même chose. Cette dernière expression est la marque, la preuve, des deux autres termes ou appellation.

L'idée de pouvoir de régulation, qui a quelques conséquences ou expressions techniques, est surtout important parce qu'il qualifie la régulation (un pouvoir...) et, en outre, parce qu'il justifie en une seule idée que l'on parle de "droit de la régulation" tout en lui donnant une enveloppe concrète (le pouvoir...). En somme, de façon pointue ou incisive, il convainc de l'urgence de donner

Voilà, avec le "pouvoir de régulation", le véritable 4e pouvoir de la République.

Il y a de quoi indisposer les constitutionnalistes. Imaginez. Un pouvoir !? Et un pouvoir peaufiné au fil des décennies. Celui qui a démarré dans la commission de la concurrence (1953), dans la COB (1967) et la CNIL (1978, la seule à avoir préservé son ramage : elle n'a pas changé d'appellation, mais elle a renforcé son plumage).

L'idée de "pouvoir de régulation" consiste à observer que les Autorités (qui supportent diverses qualifications) constituent, ensemble, et chacune en soi, un pouvoir qui finit par peser et rivaliser sur les trois pouvoirs de Montesquieu.

La CJUE l'apprend dans une décision récente et symbolique à qui l'ignorerait : l'autorité en charge de l'application du RGPD peut contrôler le fonctionnement d'une commission d'enquête parlementaire.

CJUE 16 janvier 2024, C-33/22

Mesdames et Messieurs les parlementaires, vous n'êtes plus souverains en vos murs et activités. Mais vous devez être au courant puisque, ces trente Autorités, disposant de dizaines de pouvoirs, c'est vous, en collaboration avec l'UE, qui les avez instituées.

A chaque étape, vous avez jugé la loi trop rigide et pas assez rapide, l'exécutif pas assez compétent et objectif, le judiciaire trop lent et rigide... vous avez jugé les trois pouvoirs insuffisants. L'UE a saisi la balle au bond : elle a imposé dans divers domaines ces Autorités en ayant seulement à les conforter.

Dans cet arrête récent, le Parlement avait publié le nom d'un témoin et l'Autorité de régulation autrichienne, qui ignore son essence, avait répondu qu'elle ne pouvait intervenir à raison du principe de la séparation des pouvoirs. Le bon vieux droit en somme. La CJUE statue en sens inverse. Non sans une réserve ou exception. Elle met ainsi le régulateur au niveau des pouvoirs constitutifs de l’État et impose et autorise des interactions entre... les 4 pouvoirs. Elle met ? Impose ? Ou bien simplement elle constate l'état du droit qui est ici, aussi, le Droit de l’État.

Qui prétend aujourd'hui parler d'Etat et, ou, de souveraineté, doit d'abord, sur tout sujet, purger la difficulté de la régulation, de la régulation mise en place : du droit de la régulation. Discuter en omettant le pouvoir de régulation serait parler en vain.

Je doute de pouvoir beaucoup en dire en remettant à jour mon Droit bancaire et financier (éd. mare & martin) dans les mois à venir... Le sujet est devenu tellement titanesque ! Mais le droit bancaire et financier (droit "monétaire et financier" pour le code, le CMF) témoigne bien de l'évolution. Il est cependant plus facile de passer sous silence ce grand événement juridique ou, désormais, de le noyer dans l'épiphénomène de la compliance (laquelle est seulement l'un des conséquences de la régulation, à savoir le pouvoir normatif des autorités de régulation, leur pouvoir de surveillance et leur pouvoir de sanction).

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Point méthodologique pour les apprentis juristes.

La régulation est un phénomène sociétal (économique, juridique, sociologique et politique) ; l'utilisation en droit veut un peu tout et rien dire... attention.

Le droit de la régulation est un phénomène juridique composé de 50 % de droit classique et 50 % de techniques qui sont devenues usuelles sans être classiques (les normes molles, les Autorités, la surveillance généralisée, les injonctions, les sanctions de Commissions de sanctions, l'imbrication européenne).

Le pouvoir de régulation est la place et l'influence que tiennent toutes les Autorités, ou chaque Autorité dans son domaine, qui consiste à exercer n pouvoir qui emprunte au législatif, à l'exécutif ou au judiciaire sans être sous la domination exclusive de l'un deux.

La théorie des 3 pouvoirs de Montesquieu est périmée. Montesquieu est mort.

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Nos billets antérieurs sur ce sujet ici même (grâce à la barre de recherche)
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Promotion de l'ouvrage de notre collègue publiciste Jean-Paul VALETTE

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