Les jetons de blockchain, des titres négociables ? Banque & Droit, mai-juin 2023, n° 209.



Cette note de #directdroit reprendra les idées de ce papier publié dans Banque & Droit, papier qui travaille le concept de jeton. La présente note aidera à comprendre cette analyse qui sera pet-être un peu difficile à lire pour les jeunes juristes.

Les postulats, clés et conclusions de cette analyse se formulent cependant simplement. On les redira ici, dans une sorte de "service après vente", en une quinzaine d'observations brèves. Je complèterai la présente note sur trois semaines.

Il s'agira d'observations brèves. Y compris quand il faudra dire l'émergence d'une théorie de la valeur qui fait défaut en droit des biens (construction doctrinale qu'impose désormais les jetons para-monétaires, et non le jeton utilitaire).

Merci à la Rédaction de Banque & Droit pour m'avoir suggéré cette étude. Il n'était pas "évident" pour moi de travailler ce sujet, pour des raisons que je laisse deviner au lecteur.

Pour l'heure, allez découvrir le riche numéro 209 de Banque & Droit qui comporte les analyses d'une dizaine d'auteurs.

Lien vers Revue Banque & Droit


Service après vente.

0) La publication du règlement MICA ne change pas l'analyse fondamentale entreprise dans cette analyse qui s'appuie sur les concepts essentiels des jetons.

1°) Le sujet se posait bien : Albert Wahl parlait de jetons dans son traité en 1891, impressionnant ouvrage consacré aux titres négociables au porteur...

2°) Certains jetons ont pu ressembler à des titres financiers, cela a été débattu, mais les TF ne sont que des titres négociables : on a pourtant pu faire l'impasse sur cette possibilité de qualification dans cent publications.

3°) La proposition MICA s'apparente à loi PACTE en implantant des concepts qui tournent entre eux ; la pratique dite des cryptos est finalement érigée en cryto-actif, qui est jeton, qui est bien incorporel, soit une actif numérique, lequel est un crypto-actif. Ce circuit fermé de qualifications est au demeurant stérile : la loi leur donne un régime juridique ! En revanche, la qualification en titre négociable peut donner un peu d'air frais.

4°) Cependant, dans les deux textes, la différence cardinale est reprise qui oppose "valeurs" et "droits", les crypto-actifs sont définis comme des valeurs ou comme des droits, MICA (comme la loi PACTE), institue en les visant une catégorie ignorée du droit des biens (les valeurs) et renvoie avec les droits, à une ou des figures plus connues.

5°) L'analyse consiste à dire que les valeurs des choses sont un point (intéressant mais banal), que les valeurs" sont souvent un ensemble de biens (objets, titres, effets... que la loi désigne souvent ainsi), mais que dire qu'un crypto-actif est une valeur a un sens propre.

6°) Ce sens propre de la valeur se déduit de l'emploi de ce mot, à ce moment décisif de l'histoire juridique, celle de la reconnaissance des cryptomonnaies ; ces dernières se rattachent à un modèle, la valeur, type de bien original, et qui prend son modèle sur la "monnaie officielle" (comme l'appelle MICA, appellation meilleure que monnaie fiat !)...

7°) Une valeur n'est pas un droit, ici incarnée, dans MICA, par les jetons de cryptomonnaies (et non les jetons utilitaires), la valeur est un type de bien qui, comme la monnaie, ne prouve / représente pas des droits : la valeur est jusqu'à plus ample informé une chose (artificielle, donc un bien artificiel) qui comporte radicalement et définitivement - justement - sa valeur ! La monnaie est l'archétype de ce genre de bien et désormais les jetons monétaires ...

8°) On comprend ainsi ce qu'il y a dans la blockchain, n'en déplaise à des analyses circulaires qui ne s'arrêtent pas sur les deux mots essentiels, qui disent l'essence : il y a dans la blockchain, selon le droit positif, ou des valeurs ou des droits. La valeur n'est pas un droit et n'a rien à voir avec la notion de titre (négociable, ou pas). Voilà les deux briques dures. Sans la compréhension de ces deux concepts, toute analyse s'expose à vaciller sur du sable.

9°) Comprendre les droits, visés par le règlement MICA (et aussi par la loi PACTE), est plus facile à comprendre mais comporte une ou deux difficultés cardinales, expliquons cela, et c'est à ce moment qu'entre en jeu la question de l'opportunité de la qualification du jeton, jeton utilitaire, en titre - négociable.


10°) Le jeton utilitaire est composé de droits (et ne constitue pas donc une valeur, au sens du règlement) ce qui est simple tant c'est vaste (tous les droits cela éclaire mais laisse perplexe=, et problématique pour concevoir des droits dans la blockchain ; c'est là qu'il faut interpréter le règlement MICA (comme il l'aurait fallu pour la loi PACTE).

11°) En vérité, l'idée de droits correspond à ce que donne un negotium (le contenu d'un contrat) ; mais inscrire des droits dans la blockchain signifie leur donner une forme, soit un instrumentum ; il y a donc dans la blockchain des instrumenta, des instruments de preuve : les inscriptions. Inscrire des droits c'est nécessairement faire / fabriquer un instrument de preuve !

12°) On comprend qu'on se rapproche d'une vision fondamentale qui fait défaut quand on croit qu'il y a dans la blockchain des titres financiers, des minibons (bons de caisse modernisés), des jetons d'utilité, des cryptomonnaies : ces divers cas ne sont pas à renier mais ils ne donnent pas de vision fondamentale ; concrètement, on se rapproche du titre, lequel est l'archétype de l' instrumentum.

13°) Là, la qualification en titre, quoique générale, et non décisive puisque MICA donne un régime juridique (et non un cadre) à chaque jeton, apporte plus sur la forme (instrumentum) que sur le fond (le jeton peut prouver tout droit). La loi ne sait pas détailler et raisonner en instrumentum, ce que le juriste fait de façon détaillée depuis plus de deux mille ans, soit trois civilisations au moins. La qualification en titre négociable apporte quelques éléments pour comprendre / interpréter. Ainsi, perdu l' instrumentum perdu le droit ! Eh oui, ne pas avoir un droit et ne pas le prouver revient au même. Les geeks ont pu découvrir avec naïveté cette réalité fondamentale de la pensée juridique, en vérité de la pensée humaine ! Là, on nuance : les jetons de valeurs ne sont pas les jetons utilitaires ; pour ces derniers on pourrait légiférer pour sécuriser, mais ni PACTE ni MICA n'ont atteint ce niveau d'analyse pour seulement entrevoir la chose (au demeurant peut-être non souhaitable, lisez Banque & Droit la comparaison faite avec la loi de 1872 sur les titres au porteur).

14°) Revenons aux termes des dispositions pour indiquer, ici in fine et in limine dans l'article de Banque & Droit, que la loi PACTE et le règlement MICA qui désormais prévaut, outre bien des mots (forme numérique, jetons x ou jeton y,) comportent aussi servi une expression, double, celle de "représentation numérique de valeur ou de droits" (soit RNV, soit RND), visant ainsi, la valeur ou les droits fixés (représentés) par une écriture informatique. Ce que l'on vient ici d'étudier.


15°) Le bilan est assez riche mais simple. Les jetons para-monétaires ne sont pas de la monnaie mais pourraient en assurer diverses fonctions mais, avec la monnaie officielle, ils constituent l'archétype d'une catégorie de bien qui incorporent initialement, radicalement et définitivement un type de bien : la valeur (mot des lois... n'en déplaise...).

Les jetons d'utilité, eux, sont une nouvelle technique de financement, une merveilleuse technique "d'engagement d'avance", d'avance (de crédit, mot faussement éclairant), du client au producteur... A développer ! Repenser les ICOs avec un peu plus d'esprit pratique, la loi PACTE les a étouffées dirait-on.
Les jetons qui sont des titres financiers ont peu d'intérêt purement intellectuel, ils sont titres ! Et même s'ils renouvellent l'industrie du titre ! Certes ils y aura cent problèmes juridiques à traiter qu'une doctrine cohérente pourra faciliter. Cependant, problème majeur et spécifique déjà visible, il faudra négocier la frontière avec certains jetons d'utilité ou jetons utilitaires et là, probablement, il faudra revenir à la substance des droits au negotium (il faudrait un autre papier, ou reprendre la chose en thèse).

Pour moi, tout cela est vraiment back to the future !


Terminé !

Avis aux partenaires potentiels pour organiser un séminaire sur ce sujet !


Tout cela à cause de cela :
Les jetons de blockchain, des titres négociables ? Banque & Droit, mai-juin 2023, n° 209.

La réflexion sur les instruments prend ses racines, positives pour l'essentiel, mais avec quelques idées personnelles, dans ces longues pages largement pédagogiques (livre en travail de mise à jour désormais, sans doute juin 2024...
Les jetons de blockchain, des titres négociables ? Banque & Droit, mai-juin 2023, n° 209.

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