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Modèle de consultation juridique : un exemple de structure à défaut de modèle idéal.



Modèle de consultation juridique : un exemple de structure à défaut de modèle idéal.
La demande est forte pour connaître le modèle d'une consultation juridique, ce qui est curieux (cet article de blog a été lu près de 100 000 fois..., il mérite d'être remis à la UNE). En effet, ceux qui donnent des consultations devraient a priori savoir comment procéder. Ceux qui les lisent, notamment les clients, n'ont a priori pas ce besoin : la consultation doit être claire (adaptée au client).

La demande émane alors peut-être de quelques étudiants qui ont à régler un cas pratique, notamment ceux qui sont des professionnels en herbe (en Ecole d'avocats). On rappellera que la consultation est réservée aux professionnels du droit et à certains autres, ainsi qu'aux professeurs d'université et aux anciens professionnels du droit (une personne non-habilitée ne peut pas être couverte par une assurance de responsabilité civile ce qui est dangereux pour la personne qui la consulte).

La consultation peut intervenir à divers moments ; la consultation plus la délicate est sans doute celle intervenant après une procédure de cassation (avant l'ultime procès devant la cour de renvoi, devant une juridiction internationale ou pour faire un bilan de plusieurs années de procédure et voir si des négligences n'ont pas été commises par les conseils et avocats) ; sur ce cas spécial de consultation :

Le cas de la consultation après cassation, cliquez ici

Passons sur l'origine de la demande. La question peut être précise : "ai-je le droit", plus large : "quels risques me fait encourir la situation actuelle et quelles démarches accomplir (lettres, demandes en justice...). Quand il y a plusieurs questions, il faudra à un moment ou à un autre reprendre chaque question et y répondre...!

Les diverses parties de la consultation peuvent par exemple être celles-là :

L'introduction.
L'analyse de la difficulté.
Le raisonnement.
La conclusion ou l'opinion.
Les conseils pratiques


Ce découpage se détache volontairement des académismes que le rédacteur, formé par l'Université, et parfois avec excès au plan en deux parties, est souvent obligé d'abandonner pour coller au mieux à son sujet : les questions du client. C'est finalement l'art suprême des académismes : ne plus les suivre quand ils ne sont plus utiles.

L'introduction comporte en vérité au moins trois aspects très différents.

Les premières phrases doivent dire qui est le client, qui est le consultant et dans quelle circonstance la demande est faite (procédure, analyse avant signature d'un acte, opinion demandée avant d'entamer un procès, avant de former un pourvoi en cassation...).

Il sera indiqué à qui la consultation est donnée (SCI XYZ, Mme Z, SARL XYZ, le GIP XYZ...) et en quelle qualité l'auteur s'exprime (puisque la consultation est réservée à diverses personnes autorisées). Un maximum de transparence s'impose s'agissant d'un document qui, notamment, peut être produit devant le juge pour le convaincre que tel ou tel a tel ou tel droit.

La préoccupation et son contexte étant posés, on expose les faits en indiquant si ces faits sont jugés ou pas, ou si ces faits sont rapportés par le client, ou si ces faits sont attestés par des pièces (le cas échéant il conviendra de citer la pièce : contrat, lettre, déclaration administrative...). Il est souvent utile de rappeler les pièces consultées si le problème est assez proche d'un dossier ; c'est différent si la question posée par le client est très générale ou carrément abstraite, par exemple : "Par quelles attitudes manifeste-t-on une renonciation à un droit ?".

Avec l'exposé des faits, il doit être dit si certains ont été discutés ou déformés (par le juge, l'adversaire, le médiateur...). Il doit être souligné les faits pertinents, ce qui exige l'art de la synthèse : c'est déjà de l'analyse juridique en vérité ! Le non-juriste se fixe souvent sur un point factuel qui est sans influence. Si l'exposé des faits doit être complet, il doit insister sur ceux qui seront ensuite utilisés dans le raisonnement juridique.

On doit ensuite exprimer la question du client, cette fois en termes juridiques. En somme, on pose la question de droit qui est à régler. Naturellement, cette partie peut consister en un paragraphe si les questions s'enchaînent pour arriver à une consultation sur divers aspects, c'est-à-dire à diverses réponses.

L'auteur de la consultation peut alors annoncer le plan selon lequel il va exposer pour parvenir à répondre à la question (qui généralement est "avez-vous le droit ou pas de .... ....") ; le plan annoncé est une façon de répondre concrètement. Quoique la question soit précise, la réponse peut se démultiplier en divers conseils pratiques (voir plus bas).

On va ici simplifier cette présentation de consultation et être schématique, pour une raison de commodité et parce qu'une bonne introduction (comme pour un devoir académique) conduit à des développements ordonnés et plus facilement pertinents.

L'analyse de la difficulté.

Elle peut notamment consister à dire si la question est classique ou si elle est originale, si elle est a priori tranchée par la loi ou déjà jugée. Les consultations courantes portent sur des questions déjà jugées ou réglées par la loi ; souvent c'est un élément factuel (un pur fait, ou une clause quelque peu originale, ou l'attitude d'un contractant) qui fait s'interroger, Généralement, dans une demande de consultation approfondie, la question porte sur un aspect original ; un doute existe, d'où le besoin d'une consultation.

Pour des réponses juridiques simples pouvant être faites du tac au tac on ne parle guère de consultation (même si au sens de la loi la simple lettre de dix lignes vaut consultation). Il s'agit donc de souligner le côté spécifique de la question, soit à raison des faits soit à raison de la pure interrogation juridique qu'elle comporte.

L'exposé de l'analyse de la difficulté relatée exige de citer les textes (la loi, et de plus en plus souvent les règlements ou directives européens) et "les jurisprudences" en cause, ainsi que les auteurs qui se sont exprimés sur le sujet dans des ouvrages juridiques qui présentent un caractère scientifique (par leur rigueur et leur objectivité).

Le raisonnement.

La pure analyse juridique trouve à s'exprimer dans des développements qui sont le raisonnement de l'auteur de la consultation ; cette partie est alors nécessairement assez abstraite, elle consiste en un raisonnement articulant les textes de lois et les décisions de justice. C'est le coeur de la discussion juridique. En principe, elle se fait par élimination d'arguments, par productions d'arguments de texte, de jurisprudence, par utilisation de modes de raisonnement reçus en science juridique (raisonnement a contrario, a pari, a fortiori, argument téléologique...).

L'auteur construit son opinion en suivant une structure qu'il détaille (par exemple : "Nous examinerons d'abord qui est le titulaire du bail, ou M. X ou la SCI, et ensuite le sens de la clause du bail qui est en litige").

En effet, tout discours doit être ordonné même si un plan ne ressort pas clairement.

Si la consultation pose plusieurs questions délicates et lourdes à traiter, cette partie étant appeler à occuper plusieurs pages, il faudra la structurer en un plan apparent (par exemple : a) Le titulaire du bail ; b) Le sens de la clause litigieuse ; c) L'influence de l'avenant sur la clause et le bail ; d) L'effet de la clause de médiation ; e) la question de la prescription de l'action judiciaire).

Cette partie est manifestement le coeur de la consultation juridique. néanmoins, il sera souvent utile de donner son opinion en une conclusion de cinq ou six phrases claires et simples.

La conclusion ou l'opinion.

Partie essentielle, parfois mal détachée des autres, l'opinion voit l'auteur dire s'il estime que le client est ou non dans son droit. Quelques phrases qui résument la situation seront fort bienvenues. Le lecteur non-juriste a pu ne pas parfaitement comprendre les conclusions qui s'évinçaient des paragraphes formant le raisonnement juridique.

L'opinion est parfois placée plus haut dans la consultation. Il ne s'agit alors plus de méthode juridique, mais de méthode "commerciale". L'auteur de la consultation ne veut pas "faire attendre" le lecteur (et notamment son client qui a payé la consultation...) durant 15 longues pages d'analyses. L'opinion seront donc présentée juste après l'exposé du problème de droit. En vérité, ce besoin existe surtout chez les consultants qui n'isolent pas, comme on le fait ici "la conclusion ou l'opinion" (car dans ce cas, par pur réflexe, le client va lire tout de suite cette section cruciale et parfaitement visible àla page 15 !).

Même si la conclusion est placée en tête, la présente section qui, en somme, résume le raisonnement peut garder son utilité.


Les conseils pratiques.


Il faut posséder la pratique pour s'y risquer. La consultation très universitaire (sur un point de droit, comme l'on dit) pourra se dispenser de ces aspects.

Ils sont pourtant et néanmoins précieux (rappel du besoin d'adresser en urgence une lettre recommandée, d'intenter une action, de faire une déclaration auprès d'une autorité administrative...). Ce conseil peut viser les blocages que le client rencontre avec son avocat ou son notaire (saisir le Bâtonnier, déposer des pièces...). La consultation se terminera plus généralement sur l'opportunité d'engager une procédure judiciaire ou de conclure un acte juridique ou, plus généralement, confortera l'intéressé sur son "bon droit" ou, à l'inverse, le mettra en garde, ledit droit étant douteux.

Voilà quelle peut-être la structure d'une consultation juridique.

La rédaction d'une consultation exige un art consommé de la plume qui doit être sensible en suivant les faits (comprendre les uns mais aussi les autres), rigoureuse en raisonnant au plan juridique (...), créative en opinant (imaginer ce que finalement sera une décision judiciaire dans quelques années) et très terre à terre s'agissant des conseils pratiques.

Voilà bien davantage de couleurs d'encre que celles utilisées dans de nombreux romans.


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