Querelle sur le devoir de conseil du banquier "en plein Dalloz" : de quoi alerter la Cour de cassation ?



Querelle sur le devoir de conseil du banquier "en plein Dalloz" : de quoi alerter la Cour de cassation ?
Une querelle sur le devoir de conseil du banquier devait survenir... et là voilà qui survient dans le Recueil Dalloz, l'antre de la pensée juridique, encore qu'ici la querelle est partielle, elle est juste de nature à alerter la Cour de cassation sur le fait que la lisibilité de sa ligne jurisprudentielle peut, peut-être, améliorée.

A l'origine une chronique de Jérôme HUET dans le Recueil Dalloz (L'existence d'un devoir de conseil du banquier, 2013, p. 2921)... Il est un des auteurs les plus remarquables de ces dernières décennies (par sa contribution au droit civil et par son apport au droit de l'informatique dont il fut un précurseur). Dans cette chronique, Jérôme HUET considère que le banquier est tenu d'une obligation de conseil ce en quoi, dès lors que le propos n'a aucun bémol, on peut entendre qu'il y a là une obligation générale de conseil.

Aussi, dans le Dalloz de cette fin de mois d'octobre 2014, Didier R. MARTIN ("R." pour le distinguer de l'avocat spécialiste de droit financier, et à qui Lexisnexis a demandé de commenter le Code monétaire et financier), voit la chronique précédente comme l'oeuvre du poète car on ne doit pas confondre, dans la jurisprudence, "mise en garde" et "obligation de conseil".

Nous nous contentons de relater cette querelle. En effet, on a déjà discuté cette question pour aller plus loin et proposer une rationalisation de ce type d'obligations (Droit bancaire et financier, éd. Direct Droit, n° 935, avec un tableau "Essai de rationalisation du conseil et de la mise en garde"), ce qui est une invitation à la jurisprudence, invitation visant au moins une clarification de certains cas / arrêts.


Nous nous contentons de relater cette querelle. En effet, on a déjà discuté cette question pour aller plus loin et proposer une rationalisation de ce type d'obligations (Droit bancaire et financier, éd. Direct Droit, n° 1295, avec un tableau "Essai de rationalisation du conseil et de la mise en garde"), ce qui est une invitation à la jurisprudence, invitation visant au moins une clarification de certains cas / arrêts.

On se demande par ailleurs si les banquiers ne devraient pas adopter une ligne professionnelle commune, visible, argumentée et forte. Plusieurs formes pourraient être données à cette position commune.

Cette petite querelle, qui a son intérêt, ne doit pas donner l'impression de relater les termes du problème - ma préoccupation étant spécialement les étudiants qui tentent de trouver un emploi dans le secteur bancaire et financier.

Les étudiants spécialisés doivent être précis et convaincants lors d'un entretien d'embauche... et couvrir plusieurs domaines et non seulement la question des crédits voire des seuls prêts. Ils doivent également être concrets : que fait le banquier et à quel moment et en quel termes et sous quelle forme ? Ils doivent en avoir une idée pour convaincre un cadre et cadre juriste qu'ils sont capables de conduire des dossiers.

Cela étant dit, on doit au moins constater, pour nos lecteurs, que les arrêts cités qui servent cette querelle sont relatifs à des crédits, et que cette querelle est circonscrite au crédit.

C'est là aborder la question de l'obligation de conseil de façon limitée, sinon étroite, et cela ne permet pas de pleinement poser tous les termes du débat.

Pour avoir une vue pénétrante du sujet, même à ne se prononcer que sur une des questions, il faut dresser un panorama général de l'obligation de conseil dans la plupart des actes professionnels du banquier pour avoir les repères et la culture utile, et s'interroger :

- sur l'existence ou non d'une obligation générale de conseil à la charge du banquier, et je n'y crois pas à défaut d'un texte ou arrêt en ce sens, lequel pourrait encore être critiqué... ;
- sur une sorte de "maximum" de l'obligation de conseil (on sait que le triptyque information/mise en garde/conseil est fragile malgré les répétitions des auteurs).

Il faut également mener un série d'investigations sur le droit européen, sous divers aspects, et voir si l'on peut trouver un argument pro ou contra. Mais investiguer "tout le droit européen" est un travail d'envergure sur lequel, encore, il faut avoir du recul...

Hors cette démarche globale, les positions des uns et des autres ne sont pas édifiantes et de nature à convaincre la pratique bancaire. Car au total la question doit se régler en propositions de clauses, d'actes ou de mesures que le banquier peut ou doit déployer. Si on cherche pour ne rien trouver, comme c'est trop souvent le cas, on peut se contenter de postures doctrinales mais elle cantonne le juriste dans un débat technique déconnecté des préoccupations de la Société et le juriste est exclu des débats sociaux (ce qui est largement le cas : on sait bien que seuls les économistes sont intelligents...).

Voilà en tout cas que cette querelle devrait alerter la Cour de cassation qu'elle peut peut-être être plus lisible, et ce malgré la maladresse des pourvois en cassation, et des demandes formulées devant le juge du fond, qui souvent n'ouvrent pas sur un débat judiciaire de nature à vide le débat juridique.

A défaut, les arrêts n'auront plus qu'une valeur historique, pour des cas lointains, alors que l'action juridique se mobilise fortement sur le temps présent. Si l'obligation de conseil n'est pas claire, les autorités de régulation vont le clarifier et ainsi effacer le juge, au moins le juge judiciaire : le juge des libertés !

Qui a dit (grâce à la réflexion imposée en France par M.-A. FRISON-ROCHE) que la régulation était le quatrième pouvoir ?

Le "pouvoir de régulation" ?

Mais votre serviteur pourrait avoir à écrire dans quelques années que le "pouvoir de régulation" est désormais le troisième pouvoir...


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