''Rapport de la Commission COULON''. Réflexions sur la dépénalisation du droit des affaires. Soirée avec diverses personnalités du monde judiciaire.



La dépénalisation du droit des affaires est dans l'actualité. Elle risque d'y rester par delà le projet de loi qui est désormais attendu, ce qui traduirait un mouvement de fond dépassant l'agitation médiatique liée à l'inquiétude de quelques dirigeants de société. En effet, dans un société où l'urgence économique - de créations d'entreprises, d'emplois, de richesses... et de cotisations sociales - est grande, il est probable que la vague attendue de dépénalisation ne sera pas la dernière.

Plus largement, il est possible que la société très réglementée qui est la nôtre entame un reflux. Nos 40 000 infractions (incriminations pénales) ne sont en effet pas une marque de société de liberté et d'échanges rapides créateurs de richesses.

Le Prt J.-M. COULON, haut magistrat, vient de rendre un rapport sur le sujet à Madame le ministre de la Justice, garde des Sceaux. J'ai eu le plaisir, la veille, d'exposer brièvement sur ce sujet, dans un amphi plein à craquer, en compagnie diverses personnalités du monde judiciaire.

L'Amphitéâtre de la Faculté de droit de Clermont-Ferrand Michel de L'Hospital, juriste éminent qui inventa notamment les tribunaux de commerce, était un lieu idéal pour cette réflexion qui intéresse au premier chef le droit des affaires.

Parmi les invités on comptait le Prt COURJAUD (il a présidé les assises qui ont condamné Y. COLONNA), Laurence VICHNIEVSKY (qui a terrorisé pendant des années - avec Eva JOLY - les hauts milieux d'affaires parisiens depuis son cabinet d'instruction), Patrick MAISONNEUVE (avocat qui notamment défend le juge BURGAUD), Gilles-Jean PORTEJOIE (conseil de diverses stars et notamment de notre Johnny ... qui n'est plus national), le Président Th. FOSSIER (spécialiste de droit commercial mais aussi des mineurs et donc... de l'irresponsabilité) et le Doyen JARNEVIC responsable d'une filière de Master Droit et Justice.

Le thème de cette rencontre était de faire un point d'ordre sur les diverses réformes de la justice en cours. Les débats sur l'indépendance des juges et la séparation en deux corps, un du Parquet et un du Siège, ont été vifs. Ceux sur la carte judiciaire également.

Il m'appartenait de dire quelques mots sur la dépénalisation, je reviens donc à ce sujet. Le rapport mériterait une discussion approfondie, mais la seule lecture des divers articles de presse en donne les équilibres et caractéristiques. Cette commission de réflexion a été nommé au moment où s'ouvraient des plaintes pour des délits d'initiés avec des profits - présumés... - pharaoniques....

Le rapport est rendu au moment où toutes les banques perdent de l'argent et où une a vu l'un de ses préposés perdre 5 milliards d'euros (ce qui coûtera au moins un gros milliard d'impôts à la République ?). Ce fait, à l'inverse du sujet, pousserait à créer, comme je l'ai proposé il y a plus d'un an ici même un "crime de haute finance"... ce qui n'est pas dépénaliser...

Le rapport est intéressant. Remplacer diverses infractions par des nullités civiles d'actes, des injonctions civiles et l'action de groupe qui serait entre les mains des associations de consommateurs, tel est l'axe majeur de ce travail. Grosso modo, on peut être d'accord sur l'excès de pénalisation, non seulement de la vie des affaires, mais de la vie de tous les Français. Il y a trop de lois, trop d'interdictions, du coup le sens des choses graves à ne pas commettre semble s'estomper. Néanmoins, ce remplacement du pénal par du civil, la justice civile étant rendue "plus attractive", ne va pas de soi. Fondamentalement, la fonction sanctionnatrice du civil n'est d'ailleurs pas la plus grande tradition juridique française, on répare beaucoup et on sanctionne peu en droit civil.

Je ne crois donc pas véritablement à un remplacement du civil par le pénal, cela ne veut pas dire grand chose. La justice civile, dont on parle peu, me semble être dans l'impasse de la lenteur et des coûts non-maîtrisés ; l'en sortir supposerait une grande réforme dont je crois plutôt les acteurs incapables. Sauf pour des causes exceptionnelles, je ne pense pas que l'on retrouvera la simplicité de la plainte pénale avec constitution de partie civile où l'instruction est ensuite menée au frais de l'Etat... Quelques mesures civiles d'attractivité ne changeront rien à un système grippé à tous niveaux, mais qui a de nombreuses qualités et forces. L'attractivité du procès civil - paradoxe, du reste, quand on veut toujours plus de médiation - supposerait de bousculer bien des perruques et des visages poudrés.

Les réformes du procès civil sont toujours allées vers toujours plus de complexité et d'administration. Aucune idée à rebours n'est du reste émise. Idée : pourquoi ne pas externaliser la mise en état ? Au lieu d'imposer à 40 000 avocats de perdre quotidiennement 2 heures ou plus pour entendre la liste de tel ou tel rôle de tribunal ??? Quelle est cette forme de désorganisation où pour 3 minutes ont perd deux heures !? Les expertises avec avocats sont d'une lourdeur injustifiée ! Les avocats devraient pouvoir être convoqués en des formes allégées, ce qui simplifierait la tâche administrative de l'expert (quitte à renforcer sa responsabilité pour celui qui obnubilé par sa vision écarterait les arguments de l'avocat au moyen de manoeuvres administratives...).

Je ne crois guère en une action de groupe, les associations de consommateurs sont trop faibles pour les mener à bien, singulièrement en province, ce qui représente tout de même les 3/5e de l'économie et un peu plus en terme de nombre de consommateur.

Le nouvel équilibre sur la prescription de l'ABS est en revanche intéressant. Comme quoi, la dépénalisition passe aussi par des ajustements de la pénalisation actuelle...

Le changement (sanctions civiles à la place de sanctions pénales) traduirait plus qu'un remplacement, ce qui suggère la constance. Or ce changement n'eimplique aucune constance, il s'agit d'une révolution. Du moins le sera-ce si le législatuer, à compter de ce rapport, ne vote pas dans chaque nouvelle loi une poignée d'infractions spéciales. Le législateur est un enfant capricieux, il vote une loi de dépénalisation et, dans la même année, il est capable de créer 50 infractions pénales nouvelles... En supprimer 40 tous les 5 ans et en créer 50 tous les ans... le compte de dépénalisation penchera ver la pénalisation !


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