Réguler les excès de la finance (Texte de 2010)




La refondation du système monétaire et financier international, Dir. R. CHEMAIN, CEDIN : Cahiers internationaux, n° 25, Pédone 2011


Réguler les excès de la finance, Art du droit et théorie politique de la régulation, par Hervé Causse

in La refondation du système monétaire et financier international

(Dir. R. CHEMAIN, CEDIN) : Cahiers internationaux, n° 25, Pédone 2011






« Face à l’arbitraire, se dresse le droit ; et le rempart qui semblait de papier ne cède pas toujours au premier assaut de la force brutale »

Christian ATIAS,

Théorie contre arbitraire, PUF, 1987, n° 1.





1. – « Réguler les excès de la finance » ?[1] La crise financière de 2007-2010[2] appelle du juriste une double réponse incisive, outre la détection de l’excès[3]. On régulera les excès de la finance avec des règles de qualité, et non des idées, à défaut rien ne sera régulé car la régulation exige de l’art juridique. L’exclusion des juristes des débats de ces dernières années surprend. On régulera en outre les excès avec des autorités de surveillance dont les agents auront dans la surveillance le souci de la règle et de la technique juridiques – et l’esprit des textes, disent d’illustres banquiers[4]. Ces deux réponses disent la place du Droit dans ce sujet. Il n’est guère sérieux d’imaginer cent réformes sans analyses juridiques approfondies, ni débats juridiques publics.



Diverses difficultés de conception, de réalisation ou d’applications des réformes tiennent à l’absence du droit. La difficulté a certes d’autres causes (technicité bancaire et financière, contexte international, intérêts nationaux, lobbying des banques et des places financières, incompréhension du grand public, oppositions entre libéraux et collectivistes, mayonnaise médiatique…), dont la recherche d’un nouveau paradigme économique monétaire[5] et d’un paradigme politique et juridique de la régulation. Car paradoxalement, on invoque l’amélioration de la régulation sans même la définir, on s’y attachera (infra n° 6).



Réguler les excès de la finance suppose d’exposer les mécanismes précis et notamment juridiques de la régulation. Un combat quotidien s’impose en outre. L’observation administrative des flux financiers et l’initiation de rapports, commissions, consultations…, ponctuées de capitulations (… l’AMF et l’affaire EADS…[6]), ne suffisent pas. Réguler c’est, au plus précis, trouver les règles techniques qui font mouche quand les entreprises, banques et cabinets d’avocats créent des techniques contractuelles formant de nouveaux pans d’activités. Ce sont les « bulles », gages de l’échec de la régulation et d’instabilité financière. Brouillonne, l’invention juridique (?) de la stabilité financière, ou la stabilité du système financier (infra n° 36), veut contrer les excès sans s’identifier en droit, tout un symbole du mépris du Droit et de la Science juridique. Techniques et sciences juridiques restent mal appréhendées malgré un chapitre dans un nouveau « rapport STIGLITZ » remis à l’ONU[7]. La précision de la méthode juridique manque, revenons aux termes du sujet.



2. – De l’excès, point simple, aux techniques juridiques. Le juriste sait traquer les « excès ». Ce terme autoriserait à réduire le sujet à l’extrême et à discourir sur l’excès, un vernis de philosophie et de sociologie satisfaisant les académismes. Mais ces derniers éloignent parfois d’une recherche répondant aux préoccupations de la société, encore qu’il permette un instructif détour. Pour le juriste, l’excès est usuel, y compris dans la vie des affaires. Il se complète et s’exprime par d’autres techniques. L’abus, la clause abusive, la fraude, le détournement, le dilatoire, le léonin[8], voire l’exceptionnel, l’extraordinaire… que d’autres techniques chassent : le sérieux (qui chasse le non-sérieux), la grâce, la dispense, la raison, la modération, l’ordre public… sinon la stabilité que le juriste connaît moins bien ou pas… Ces notions, mécanismes et techniques organisent habituellement la société. Universellement utilisés par le législateur et le juge, pourquoi ne permettraient-ils pas de circonscrire les excès financiers ? Ces techniques peuvent s’appliquer à des cas concrets de bilans bancaires si la règle (comptable) est bien écrite et appliquée, autant que pour le « bancaire d’en bas », la technique contractuelle bancaire (… comme les crédits subprimes). C’est même une nécessité. L’excès passe par la technique juridique la plus fine, rejaillit sur les personnes et affecte leur équilibre financier. La science juridique enseigne qu’il s’instille partout, même si l’une de ses conséquences s’observe (soudainement ?) avec les « bulles ». Elles sont une suractivité pour un contrat ou secteur donné, pour une personne donnée et un pan de comptabilité donné. La « bulle » n’est que le fruit de l’excès[9], lequel doit être disséqué en ses diverses manifestations, soit les causes de la mauvaise régulation ouvrant sur l’ensemble des sujets de la crise.



3. – Problème de culture juridique. Parmi les causes de l’excès, la mauvaise règle figure en bonne place. Y remédier, pour mettre en œuvre les bonnes idées économiques et financières, suppose d’user d’une grande culture juridique. Un administrateur polyvalent renonce ou ignore souvent l’art juridique : la langue administrative « consensuelle » est commode. Le défi de la régulation de la finance est ainsi en partie une affaire de culture juridique, ce qui n’est pas dit puisque les juristes sont exclus du débat. Écrire les règles dans une langue administrative élude souvent le raisonnement juridique rigoureux pour éviter de réellement purger les problèmes. À l’inverse, le terme juridique idoine donne, non sans un certain paradoxe, un esprit à la règle (loi, décret, arrêté, délibération, décision). Les concepts mous, qui semblent tout régler, posent en réalité nombre de difficultés nouvelles et forment le terreau des excès financiers. Cette œuvre administrative[10], délice des parlementaires, gouvernements et autorités de régulation, est la trame d’un libéralisme financier bien voilé.



4. – Liberté financière et culture administrative. Sous l’impulsion des financiers, les juristes innovent sans limite sur deux plans techniques :



- la liberté conventionnelle et contractuelle qui, malgré mille limitations, reste le principe juridique majeur et un puissant moteur de l’activité économique et financière ;



- la liberté de création et de transformation des « institutions-patrimoines » (sociétés, fonds, patrimoines affectés…), en interne (transformation du bilan, « hors bilan »)[11] et externe (partenariats divers, co-exploitation, pacte d’actionnaires, fusions…).



Réguler les excès de la finance exige, sur cent techniques en cause de maîtriser ces deux dimensions (outre le besoin de pertinence des missions des institutions publiques ou professionnelles). Or, sur ces deux points, les administrateurs sont en rupture de culture avec les juristes du secteur privé. Les règles longues et molles prises dans un style administratif sont vaines. Des ajouts incessants de législation laissent devant un magma de textes qui, privés de rareté, sont privés d’autorité, exposés à l’incompréhension de tous, voire à un dédain des juges. L’art juridique est souvent celui de la brièveté car le bon concept, finement choisi, tient en un mot et un seul. On restera sur cette idée globale alors qu’on pourrait, à ce titre, ordonner notre discours : notions, sources du Droit (le comité de Bâle, source de droit ?), type de droit[12], types de règles (droit écrit, droit professionnel, soft law…), règles substantielles… Mais nous resterons sur l’idée générale d’art du droit, il y faudrait un ouvrage entier.



5. – Des considérations juridiques. La stabilité recherchée doit avoir un contenu juridique pour renforcer les innombrables propositions[13]. Le juriste reconnaît aux économistes (lato sensu) de pouvoir dire quelles orientations économiques et financières sont nécessaires, au fond, pour limiter les excès financiers. Mais, sur diverses idées générales, le juriste peut pleinement opiner tant les propositions formulées sont générales ou banales (infra sur la notation, n° 31) et ne ressortissent ni de l’économie ni de la gestion. Se placer sur le terrain juridique est délicat car les principes majeurs sont oubliés de ceux qui ont la parole publique. Ainsi en est-il, en période de grand désordre, de l’ordre public et financier et de la police de la monnaie et du crédit dont parle si bien le professeur P. DELVOLVE[14]. Plus bas, peu de choses sont considérées ne serait-ce que la nature des règles (impératives, dérogatoires, professionnelles, déontologiques….). Un art juridique millénaire est évacué sans sourciller, économistes et gestionnaires adoptant, en perdant leur langue, sans traduction ni analyse juridique[15], les termes de la pratique anglo-américaine. Le juriste, moins docile et plus attaché à ses concepts nationaux, avance à l’inverse des idées juridiques tirées de sa culture millénaire, en refusant les idées générales qui font mode, tout en acclimatant les nouveaux phénomènes (la régulation) ou domaines (la finance).



6. – Définition de la régulation, «un quatrième pouvoir transversal ». La première explication due est relative à la régulation, dont on a jamais autant parlé depuis la dérégulation des années 80-90… Invoquée à tort et probablement de travers, on peut lui donner un sens précis en Droit[16]. Pour de nombreux juristes et pour d’autres, elle reste mystérieuse[17], ignorée par un substantiel Dictionnaire de la culture juridique[18], bien que banalisée dans une langue journalistique qui ignore ses termes. Galvaudée, la régulation est collée sur toute institution ou action administrative. La régulation pose une question juridique et politique car la Constitution ignore le pouvoir de la régulation qu’il faudrait qu’elle mentionne.



Une autorité de régulation est généralement un organisme disposant de prérogatives publiques d’énonciation de règles, d’agrément de professionnels, de surveillance de l’application desdites règles et personnes, de poursuites de ces personnes, le tout sur habilitation de la loi et sous le contrôle du juge. Les autorités de régulation concentrent des pouvoirs – contrairement à la séparation des pouvoirs – pour être plus efficaces ; si elles sont inefficaces, leur échec signe inévitablement celui de la « régulation financière ». Cette situation pose un problème de théorie politique aussi net que l’avantage visé.



Sous le principe de la séparation des pouvoirs, la régulation est un pouvoir de concentration peu acceptable. Elle aura cependant pu quasiment compléter la Constitution par une insertion juridique subtile reposant sur une technique affinée et un fondement dissimulé. Techniquement, la régulation repose sur un exécutif qui se démembre en autorités (commissions, agences…) dotées de pouvoirs de police administrative (contrôle et surveillance), la loi les habilitant à un pouvoir de réglementation et, enfin, à un pouvoir de sanction légal s’il échoie finalement à un vrai juge (recours)[19]. La concentration du pouvoir de régulation procède de l’ingénierie juridique en touchant chaque frontière de la séparation des pouvoirs. Fondamentalement, le pouvoir de régulation résulte de l’abandon de la verticalité habituelle du pouvoir, le pouvoir s’imposant à tous, cette hiérarchie habituelle se fondant elle-même sur un rapport de haut en bas[20]. Avec la régulation échappe à cette logique, ce qui la rend acceptable. Le pouvoir concentré est limité à un secteur (l’audiovisuel) ou un domaine (la finance) : la régulation est ainsi un pouvoir horizontal. Ce pouvoir affecte la théorie de l’Etat.



La concentration des pouvoirs permet notamment aux autorités de régulation de suivre concrètement la vie pratique, notamment économique, avant même toute difficulté. Ce pouvoir concret postule leur efficacité – à voir. Or cette réalité manque aux administrateurs. M. de LAROSIERE[21] réduit ainsi la régulation à la réglementation et en exclut la mission de surveillance et de sanction. Comment réformer avec de telles ambigüités quand la régulation est un nouveau paradigme de la théorie de l’Etat. Elle justifie la recherche du professeur FRISON-ROCHE pour un « droit de la régulation »[22] qui le signe. La régulation demeure incomprise quand ces nouvelles autorités, véritable quatrième pouvoir constitutionnel[23] et « cinquième pouvoir » sociétal, doivent être « plus responsable ». La dimension politique de pouvoir de la régulation leur impose de s’expliquer devant l’opinion publique[24] pour une régulation responsable, c’est particulièrement vrai quand le public est sollicité par la finance.



7. – La finance et la finance. Toute la finance est impliquée dans la crise, mais à des titres divers et pour des réalités différentes. Le juriste qui a souhaité un « droit financier »[25] ramassant toute la matière financière s’en accommode tous en subissant la difficulté d’un tel sujet sur la crise. Ses origines (les créances de subprimes et cessions permettant une titrisation) [26] et sa principale conséquence (une crise économique), se distinguent de ses développements (atonie ou « illiquidité » de divers compartiments du marché des capitaux, credit crunch, faillites de banques et assurances, crise des finances publiques). Il n’y a eu que deux ou trois finances excessives (subprimes, titrisation, traders hors contrôle), mais les malfaçons du système sont apparues un peu partout. En méthode, on se voit amené à traiter de divers sujets. Toutefois, si la globalisation de la crise financière est un fait, il n’y a pas de droit globalisé (le rapport STIGLITZ envisage ainsi abusivement la réforme d’un droit global). La question de la méthode se règle en partie en observant quelle que soit l’organisation mondiale de la finance, un client doit être en sûreté financière, l’assurance ou la banque devant exécuter son obligation de restitution. Ainsi, une réforme des changes, du FMI, du PSCE etc., se distingue de la sûreté du système bancaire et financier d’un pays[27]. Certes, le système international n’est pas neutre[28], mais, d’une part, toute réflexion plus vaste est impossible ici et, d’autre part, toute réforme simultanée interne et internationale est illusoire (position du Rapport STIGLITZ). Le juriste doit donc travailler à des solutions internes. Au reste, nombre de citoyens – qui payent la crise par l’impôt ou le chômage – adhèrent à l’idée que, quelle que soit l’organisation financière mondiale, le client a droit à une protection absolue dans son droit interne[29]. Par hypothèse du reste, le juriste est aux prises avec des règles qui sont finalement nationales. Nombre de choses tiennent dans la finance globalisée, tout ne s’y dissout pas, notamment pas le Droit – ou pas entièrement.



8. – Diversités des contextes juridiques. Les financiers dominent la planète au moyen de la liberté conventionnelle et contractuelle et de la liberté de création et transformation des « institutions-patrimoines » (sociétés, compagnies, fonds…). Les Etats peuvent s’y attaquer, malgré le phénomène de forum shopping. La réflexion mérite néanmoins d’être menée au plan national à défaut de solutions juridiques internationales (on s’étonne d’ailleurs que la voie du traité international n’ait à aucun moment été évoquée pour le moindre aspect). Les nouvelles « gouvernances » ont la faveur exaltée et naïve de tous. La régulation s’esquisse dans les « Sommets du G20 » et leurs relevés de conclusions, ou les réunions des banquiers à Bâle. La réforme du droit de l’Union européenne est plus simple à appréhender dans sa forme. Néanmoins, tous ces contextes ne seront pas notre point d’analyse car ils aboutissent à une règle nationale. Leur conception doit donc s’adapter aux systèmes de droit écrit. La difficulté internationale donne ainsi d’autant plus d’intérêt à l’art de la règle et du droit. Au plus haut, il s’exprime dans des textes universels (rappr. infra , conclusion), telle celle du Code civil[30]. La difficulté rappelle que la bonne réforme exige une bonne forme, que la forme est le fond qui remonte à la surface[31]. Après la méthode, on repasse au fond. La linguistique juridique, rappelle ainsi l’un des maîtres du Droit français, tient au choix d’un vocabulaire puis d’un discours[32]. Forme et fond font alliance, et l’erreur commune est de penser que le juriste ne parle que de formes (dans l’urgence des réformes ou pas) ! Le Droit est alors écarté, laissant ceux qui monopolisent la parole sans l’arme de la règle et avec l’illusion qu’ils l’ont. En effet, à tous les échelons, les administrateurs qui inspirent les Parlements, Gouvernements et Autorités de régulation façonnent des coques normatives qui ne résistent pas aux techniques fondées sur la liberté conventionnelle.



9. – De l’idée au texte. Une idée politique, administrative ou économique, fût-elle bonne, n’est pas du Droit et encore moins une règle – un ministre des finances, un symbole, le souligne avec difficulté[33]. La crise financière, survenue entre autres par un mauvais droit financier, pourrait revenir par lui bouleverser « nos » économies et nos vies. Cacher le Droit c’est un peu cacher ce risque, tout s’explique. Cacher le Droit c’est aussi ne pas démasquer les comportements administratifs, les comportements suffisants autant que les insuffisances de techniques. C’est cacher la réalité consternante que « tout le droit prudentiel d’hier » a peu servi : les règles n’étaient pas efficaces. En effet, nul ne dit que la régulation d’hier a failli exclusivement pour de mauvaises idées économiques ou de gestion ; au contraire, divers économistes voyaient les limites du système ; c’est donc bien dire que ce sont les règles adoptées qui ont failli en un point ou un autre (conception, insertion, rédaction, interprétation-compréhension, application). Réintroduisons le Droit dans le discours de la crise. Que les juristes disent, puisqu’ils doivent exprimer la règle qui préviendra les crises, leurs idées[34]. Cette tâche dépasse naturellement l’entreprise individuelle, opérée sans moyens officiels, cette modeste réflexion personnelle donnant que, pour réguler les excès de la finance, il convient de juguler la suffisance des institutions administratives (I) et leur insuffisance de technique juridique (II).





I – La suffisance des institutions administratives





10. – Administration et institutions. Dans la crise, les agences de notation et ensuite les traders auront été les responsables expiatoires. Il aura fallu deux ans pour que l’on fonde les diverses fautes (« responsabilités ») dans l’attitude des banques (la nébuleuse des banques étant bienvenue), alors que leur comportement a été fort différent. Les responsabilités publiques ont été évincées, tout au plus sait-on que la régulation n’a pas bien marché, les « régulateurs » restant de célèbres inconnus, en somme une autre nébuleuse. Les réformes visant à réguler l’excès exigeait une critique des institutions publiques elles-mêmes défaillantes. Restructurées au plus vite et sans mea culpa, leur activité de surveillance a été révisée et les institutions qu’elles surveillent et autorisent revues – dont les banques et assurances. L’ordre public financier exige une autorisation administrative publique, d’institutions qu’il y a ensuite à surveiller. Le principe administratif (a) postule des questions d’institutions (b).



11. – a) Administration. Pouvoir administratif et pouvoir politique. Les autorités administratives, indépendantes ou étatiques, disposent du pouvoir de donner des « licences bancaires ou d’assurance » (autorisation administrative préalable à l’exercice). Elles surveillent et le cas échéant sanctionnent. Leur toute-puissance conduit un peu naturellement à une certaine suffisance, celui qui a l’autorité l’entame nécessairement à reconnaître ses fautes. Il convient pourtant d’oser constater le fait par un propos général, telles les questions institutionnelles. Par atavisme, les institutions secrètent des idées générales – phénomène probablement universel – qui se propagent par une administration puissante. Ces idées générales, technocratiques, caractérisent les administrateurs qui de polyvalents s’imaginent omniscients[35]. Ces administrateurs sont un modèle dans l’Union européenne où, de commissions en comités, on crée sans cesse des structures chargées de réguler (autoriser, surveiller, contrôler, inviter, convoquer, ordonner, sanctionner…), soit administrer de près. Or les idées générales ne valent peu face aux pratiques du droit des affaires. Ici comme ailleurs, les administrations classiques (le pouvoir exécutif) et Autorités administratives indépendantes, dotées d’administrateurs spécialisés, ont défailli. Le pouvoir politique subit l’influence des administrateurs qui portent à son paroxysme une culture administrative institutionnelle dont la propension est toujours de créer ou rénover les… institutions. La finesse des opérations juridiques les intéressent moins que la création d’institutions. Ici, de nouvelles institutions européennes, là l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), d’institutions de sauvetage des banques sous garantie publique, du Conseil de la régulation. Aucune opération bancaire n’a en revanche pu être réglementée en trois ans. Présidents, gouverneurs, directeurs… n’échappent plus à la critique face à des synthèses grand-publics de « Prix Nobel d’économie »[36].



12. – Des administrateurs. En France, les administrateurs noteraient que le système bancaire a résisté à la crise américaine, puis internationale, et que les institutions administratives ont réagi. La réplique montrerait la difficile reconnaissance des erreurs commises. Les graves difficultés du « Groupe Caisse d’Epargne »[37] et de Dexia interrogent sur l’issue de la crise en France si deux ou trois autres banques avaient été en aussi graves difficultés. La France aurait risqué la cessation de paiements. Le discours administratif[38] doit intéresser le juriste puisqu’en dépend, de façon pratique, l’application de la norme par une institution (ministère, AMF, ACP, BCE…). Le juriste doit aussi noter le rapport distant des pouvoirs publics avec les techniques juridiques de droit privé à la base des activités économiques et financières[39]. Or, imposer des réformes à l’ingénierie juridique du monde des affaires sans un discours de droit des affaires maîtrisant les libertés susdites (supra n° 4) est voué à l’échec. Tel n’est pas le cas de la méthode adoptant des concepts juridiques étrangers sans existence ou portée dans la plupart des pays européens[40]. L’incapacité juridique se double d’une paresse intellectuelle et d’une suffisance à s’afficher « international » qui, toutes, révèle une domination irraisonnée des pratiques anglo-américaines. Administrateurs et institutions, culturellement dominés, ne trouvent plus les bonnes feuilles du Code civil, et d’aucuns souriront en pensant aux arcanes des lignes des bilans de banque… sans doute parce qu’ils ignorent que la comptabilité c’est encore du droit, et dans sa lettre et dans son esprit, (sinon dans ses chiffres, encore que le Droit n’exclut pas le chiffre). Ainsi, le président J.‑L. BANCEL, pour les coopératives bancaires, parle de droit des affaires en des points précis : statut des actions rachetables, des réserves impartageables et de la solidarité entre banques coopératives. À l’inverse du besoin d’analyses juridiques techniques, des pseudo-juridiques idées, sans réelle substance, sont colportées. La distinction entre réglementation micro-prudentielle et macro-prudentielle[41], le too big to fail, la « responsabilisation des agences »… tout cela, loin du droit, n’est que simples observations à connotations juridiques. En l’absence de véritables analyses, se créé du pseudo-juridique – tel le journaliste observant un « vide juridique » incapable de qualifier la situation pour dire la règle à appliquer… Les réformes se portent alors sur les institutions et le pseudo-droit, le brouhaha juridique ce que des parlementaires disent[42]…



13. – b) Réforme permanente des institutions. « Fusion » des institutions dans l’ACP. La relative carence des institutions s’exprime dans la première grande réforme, celle opérée par l’ordonnance du 21 janvier 2010, ailleurs commentée[43]. Toutes les institutions administratives de surveillance de la finance (banque, assurance et même en partie marché financier) sont refaites. L’Autorité de contrôle prudentiel les réunit désormais toutes (C. mon. fin., art. L. 612-1 à L. 612-50) en empiétant sur le domaine de l’AMF pourtant récemment instituée par un long texte – cela en dit-il le bilan ? Sur l’ACP, l’apport du jeu institutionnel est à nuancer. On passe d’une capacité de contrôle sectorielle (banques / assurances / entreprises d’investissement) à une capacité de toute le finance, un secteur global ; l’expérience de régulation manque pour assurer que cette méthode est la bonne. Le gouverneur de la Banque de France préside cette institution au risque de conflits institutionnels. Un pont est bâti la reliant à l’AMF, il prend l’allure d’une véritable plateforme de travail (un « pôle »).



14. – Institutions spéciales. Antérieure à la création de l’ACP, la loi du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie – loi des « 300 milliards d’euros » – ne réforme pas véritablement la finance[44]. Loi extraordinaire de sauvetage du système financier, adoptée en et par l’urgence, elle est une sorte de loi de gestion donnant de la liquidité et des liquidités. La Société de prise de participations de l’Etat (SPPE) vise à financer pour 24 milliards d’euros les fonds propres des banques. La Société de financement de l’économie française (SFEF), dans un plafond de 265 milliards de titres à émettre, peut financer les banques (par un « droit à prêt » en fonction d’un double critère montant du bilan-part des crédits sur le marché). Une sorte de financement en ultime ressort (!). L’absence de ce système de sauvetage dans l’ordre juridique ordinaire et l’affirmation de la vocation temporaire de ces institutions interrogent.



15. – Des institutions de sauvetage ? Faut-il de telles institutions spéciales. Cela pose le problème du slogan too big too fail, soit la question du sauvetage des établissements à risque systémique[45]. Passons des institutions à ce slogan qui agite tant les esprits. S’agit-il d’une règle ou d’une loi ? Economique ? Sociale ? Politique ? Voilà une curieuse règle jetée à la face du monde, sans précision de sa nature. Réguler sans analyse juridique rend parfois les débats surréalistes. Pourtant, le Congrès américain vote l’impossibilité de ne pas faire faillite, autrement dit le droit de faire faillite pour les banques et assurances est posé (reposé) dans la loi américaine ! Adopter une telle règle est a priori inutile car la loi ne contraint pas l’État à secourir les banques ou assurances en faillite. Ne votons donc pas une loi contredisant une disposition qui n’existe pas ! Retenons la leçon : avec les certitudes américaines, nous n’avons qu’incertitudes européennes ! Voter une telle règle voudrait dire que tout mécanisme de reprise par l’État (ou au moyen d’argent public) est interdit. La loi ne suffirait pas. En effet, si nous votions une loi d’interdiction, le législateur, terrorisé par les financiers et leurs déficits au cours d’une gravissime crise, pourraient voter en urgence une loi prévoyant l’inverse.



16. – Terreur financière. Structures de defeasance. La loi votée en 1993, à l’unanimité des grands partis politiques, dans l’affaire du Crédit Lyonnais, montre un cas de création d’une structure de défaisance[46]. Près de vingt ans après les actifs transmis ne sont pas encore tous vendus et la coût pour le budget de l’Etat est effroyable. Voilà la terreur financière. Elle permet aux grandes banques de faire des faillites finalement payées par le contribuable. Il y a là un dilemme économique mais le juriste peut donner un point de vue. Ce sauvetage public est largement jugé comme immoral et comme créant ce que les économistes appellent l’aléa moral (plus on sauve plus les financiers prennent des risquent en se disant on sera sauvé… !). Faudrait-il alors constitutionnaliser une interdiction de sauvetage ? Une loi ne pourrait-alors plus déverser d’argent public dans les caisses des banques et assurances en faillite. On le pensera, tout en ajoutant qu’il faudra alors qu’en pleine crise quelques chevaliers blancs imposent encore à la classe politique, terrorisée, le respect de la Constitution ! Mais à quoi bon ? L’interdiction des aides publiques est déjà supra-constitutionnelle à raison du Traité sur l’Union Européenne. Or, au cours de cette crise, une pluie d’aides s’est déversée dans le système financier (la violation du Traité a fait l’unanimité, ou presque…). Le juriste sait que la loi incorpore les faiblesses des hommes et notamment des Parlements… Les grands financiers savent donc qu’ils peuvent essayer de gagner des centaines de millions au préjudice du contribuable (le fameux « aléa moral »). Le comportement des pouvoirs publics reconduit ce risque. Faut-il alors réfléchir à une solution de science politique, à des sanctions pour les dirigeants politiques qui violent leur constitution ou le Traité sur l’Union européenne ?



17. – La régulation bancaire dans une seule et nouvelle loi. La carence des institutions se retrouve dans le projet de loi carrément appelé de « régulation bancaire ». Le Conseil de la régulation bancaire et du risque systémique (CRBRS) convoquera, sous l’autorité du ministre de l’économie, les diverses autorités de régulation… pour une sorte de super-régulation ? Le fait de resserrer les choses montre bel et bien quel fut le mauvais jeu des institutions. Cette nouvelle autorité interroge. Que ressortira-t-il des discussions entre les banquiers et le CRBRS ? Dans quelles conditions ces auditions se feront-elles ? Voilà une institution dont les ressorts juridiques méritent précision. La volonté politique du ministre de reprendre la main (reflux de la régulation ?), que l’on comprend, ne suffit pas à donner une parfaite cohérence juridique à ce conseil. Quid en effet de l’indépendance des autorités administratives qui participent ès-qualité à ce conseil. Sera-t-il juste une autorité d’influence, cela peut s’entendre, ou prendra-t-il des décisions… à la place de l’ACP ? Le projet de loi assez bref donne une loi lourde, s’éloignant de l’impératif de brièveté qui seul façonne l’autorité.



18. – L’institut d’émission. Dans ce jeu institutionnel, la Banque de France représentant la Banque centrale européenne, laisse perplexe. Les institutions ad hoc votées en urgence ont joué au prêteur en dernier ressort (supra n° 14). Tout le monde doit y réfléchir. Les marchés ont en effet été débloqués aussi par les sociétés spéciales qui ont prêté aux banquiers et créé une liquidité garantie. L’État n’est pas seulement redevenu le régulateur mais l’animateur du marché ! Plus généralement, la parole de l’institut d’émission, semble trop rare dans un monde de communication[47]. Régulateurs originaux, les Banques centrales disposent d’un pouvoir d’influence à travers sa parole discours. D’aucuns, dans une analyse approfondie des communications, ont relevé l’incapacité de l’institution à dire ce qu’elle fait alors même qu’elle le fait bien[48]… Ses actions réglementaires sont invisibles et la piste de les utiliser à plein ou de les préciser. La BCE semble en effet seulement capable de rappeler (en vain, mais avec une constance) l’exigence de respect du pacte de stabilité et de croissance et en dernier lieu baisser ses taux de refinancement. À relire le Traité sur l’Union européenne et ses pouvoirs, ce bilan semble modeste. Les opérations de « politiques de refinancement non-conventionnelles » ne sont pas de nature à modifier notre sentiment[49]. Voilà une action qui pose des questions juridiques. On manque d’analyses juridiques : après la monnaie centrale à taux d’intérêt zéro, diverses perspectives interrogent dont celle de la monnaie à taux négatif (de la monnaie négative). Une émission – d’un prêt – supérieur au remboursement dû ne désarçonne pas le privatiste. Cependant, et à nouveau, le potentiel de la technique juridique peut inquiéter s’il n’est pas annoncé, éventuellement « encadré », par des textes qui annoncent et rationalisent l’action. Ce sont là les limites que le juriste s’autorise à côtoyer alors que de tradition les opérations monétaires ressortissent du contrat de droit privé. Telle est la monnaie centrale : du contrat[50]. L’absence de définition légale de la monnaie – dans sa forme classique[51] ou centrale – semble montrer une longue absence des juristes. Or comment maîtriser un ordre juridique financier dont on ne sait pas même définir la pièce première ?



19. – Surveillance, contrôle et irresponsabilité. La surveillance est la mission des autorités administratives. L’Autorité de contrôle prudentiel se retrouve désormais face à une responsabilité historique, celle de l’AMF n’en est pas moins grande. Souhaitons qu’elle ne se dissipe pas aux motifs d’autorités européennes et de réseaux ! Le souhait général selon lequel la surveillance doit être européenne, voire globale, implique que les autorités nationales ne sont plus les premières ou seules responsables[52]. Les institutions administratives nationales pourraient y trouver une nouvelle justification d’une régulation molle ou d’une absence de responsabilité. J. STIGLITZ note d’ailleurs que la surveillance globale est un leurre et qu’il faut surveiller (et punir) au plan national. Le cas européen est intermédiaire mais cet échelon pourrait déresponsabiliser le plan national.



Le problème est d’autant plus épais que personne n’a oublié que la Commission bancaire (et d’autres tel le CECEI) engageait la seule responsabilité de l’État… lequel sort quasiment indemne d’une crise qu’il a laissé prospérer. L’État et surtout la Commission européenne n’ont pas un bon bilan. Les clients doivent donc savoir que leurs actifs financiers ne sont pas toujours en sécurité dans les banques et assurances…



Les commissaires aux comptes, qui certifient des comptes dont ils ne peuvent manifestement que peu certifier, méritent la palme de l’irresponsabilité. On ne comprend guère leur excuse générale. L’absence de critique des CAC paraîtrait-elle déstabiliser les comptables, rouages précieux pour l’économie et l’impôt ? Ou bien la critique porterait-elle tellement profond qu’elle déstabiliserait totalement le système juridico-comptable actuel ? En tout cas, cela fait oublier que les CAC, s’ils sont considérés comme de véritables organes de la société auditée, en sont aussi un contrôle externe. Cela fait aussi oublier que leur mission est légale et solennelle, contrairement à celle des agences de notation. Pourtant aucun commissaire au compte n’a été interpellé. Est-ce que cette critique dévierait, en qu’elle serait donc vaine, parce qu’il faudrait chercher les responsabilités chez les auteurs des normes comptables ? On se souvient que les règles auront changé en pleine crise pour éviter de dire que les actifs des banques étaient fortement dévalorisés par la méthode de la valeur du marché – on pourrait ajouter la notion de valeur à nos préoccupations, infra n° 26.



20. – Banque de dépôts, banque d’investissements et de participations… et caisses de dépôts. La responsabilité institutionnelle des banquiers s’esquive en posant des questions qui ne se posent pas (par exemple « faut-il brûler les banquiers ? », comme le fait M. Georges PAUGET, ancien président de l’organe central du réseau du Crédit agricole). La méthode assure de la (bonne) réponse attendue : « non ». Institution essentielle des économies, la banque ne peut pas être brûlée, les banquiers demeurant dans un système de financement reposant sur les dépôts (voy. infra n° 24). La puissance bancaire vient des dépôts des clients sur lesquels, selon notre thèse, la banque a un droit d’usage réel consacré par la loi. Que la loi supprime cette originalité et le banquier devra, comme tout prestataire, rendre une prestation pour recevoir l’argent de ces clients. Réformer la finance suppose de rappeler le principe actuel de la banque, ce qui recadre les idées. En contrepartie de ce privilège d’usage de la monnaie déposée, qui sert la Nation et la banque[53], ce dernier à une obligation de restitution absolue[54]… remettre hors toute contrepartie tout son argent au banquier exige un confort juridique ! Le juriste connaît bien la vigueur de cette obligation de restitution. Les divers ratios bancaires ne sont donc pas une invention technocratique mais un contrepoids de la technocratie financière sans quoi ce droit d’usage serait sans limite. De la grande réalité macro-bancaire (les ratios) à la technique juridique (les dépôts) il n’y a qu’un pas à faire. Les banques ne sont pas des entreprises commerciales comme les autres, ce qui légitime des projets de réformes.



Dans ce droit fil, on pensera qu’il doit exister des banques de purs dépôts, ce qui fut probablement le statut des caisses rurales ou coopératives et qui fit leur succès. Le client doit avoir le choix de déposer ses fonds dans une banque qui en dispose ou dans une banque qui les préserve. Une appellation distinctive s’imposerait : caisse de dépôts. Mais le sujet est généralement évoqué sous une autre dimension.



La question du statut bancaire est généralement présentée en forme d’alternative rigide : ou bien les banques sont universelles, ou bien elles doivent choisir entre le statut de banque universelle ou banque de dépôts. La pratique est beaucoup plus nuancée à raisons des divers statuts d’établissements, voire des programmes d’activités désormais agréés par l’ACP. Les banques universelles ne le sont pas réellement toutes et, du reste, nombre d’établissements de crédit n’ont pas le statut de banque. Imaginer une séparation stricte n’aurait pas d’intérêt à l’égard du public si des caisses de dépôts étaient inventées.



Ce qui est essentiel est de signaler les établissements dangereux, les banques d’investissement qui font des affaires avec toute types d’opérations (participations via un marché réglementé ou pas, participations spéculatives, contrats financiers, devises…). Celles-ci ne doivent pouvoir qui prennent des dépôts du public qu’à titre marginal et après avertissement du client. Leurs activités de marchés sont dangereuses, presque autant que leurs participations, sujet éclipsé, alors que les pertes dues à des cessions de groupe sont parfois considérables ; cela montre sous un autre aspect les limites des débats[55].



Entre ces deux pôles, caisse de dépôts et banque d’investissement, on peut laisser vivre des banques universelles, le cas échéant en en faisant deux ou trois catégories, certaines plus proches des banques d’investissement, d’autres plus proches des caisses de purs dépôts. Cela règlerait le problème de la banque universelle qui en vérité, aujourd’hui, peut opérer avec une telle liberté, par ses participations ou instruments financiers, qu’elle représente probablement un risque structurel que les décisions sur les fonds propres ne purgeront pas[56]. Quel que soient les fonds propres, si on parie de façon gigantesque ou si l’on se ruine dans des participations industrielles, une banque pourra toujours « tout risquer » et « tout perdre », faire faillite, relativisant la question des fonds propres[57].



Voilà une voie pour une rénovation en profondeur du paysage bancaire.



21. – Dirigeants de banque. Des questions de responsabilités plus ou moins juridiques : quelle doit être la responsabilité des dirigeants de banques? Deux événements montrent le sujet sur des affaires de salle de marché qui ont amené la démission du président de l’organe central du réseau des Caisses d’épargne et du président de la Société générale. Les traders menacent davantage les dirigeants de banque que les autorités administratives qui les autorisent à exercer, y compris après des pertes records. Il n’y a pas ici de régulation ou de règles à adopter. Il y a seulement à exiger des autorités qu’elles exigent des compétences et un plus grande probité des dirigeants de banque. Elles peuvent aussi s’assurer que le cumul des mandats ne rend pas vaine l’agrément de deux dirigeants (certains dirigent la holding et quelques filiales : il y a-t-il encore de dirigeants dans l’établissement filiales ?). A défaut d’une régulation stricte, on verra un jour des déposants attaquer l’Etat pour faute lourde. La garantie du client par les fonds de garantie est en effet à un niveau assez bas. Plus philosophiquement, on se demandera encore ce qu’ont été pour les banques les aspirations de bonne gouvernance et de responsabilité sociale de l’entreprise, tant évoquées en colloques et rapports. Finalement, sans se faire trop d’illusions sur la menace pénale (quand des centaines de millions de profit sont escomptés), on rappellera que, dans nombre de pays, une faillite d’entreprise systémique conduit à la prison à vie[58]… Il y a là un problème de cohérence de politique législative puisque le ton est à la dépénalisation du droit des affaires. Méritée pour les petites entreprises, elle ne l’est guère pour les titans que personne ne semble diriger ou contrôler. Les autorités de régulation pourraient demander la criminalisation de certains comportements ; un notaire risque pour un oui pour un nom la cour d’assises, on voit mal pourquoi ce ne serait pas le cas pour la préservation de milliards d’euros et, davantage, la préservation du système de financement placé sous des « risques systémiques ».



22. – De la suffisance à l’insuffisance. Réguler le système financier impose de considérer la dimension institutionnelle. Nombre de faits et réformes illustrent en effet leur carence, fût-ce en s’en tenant à la France. Le citoyen peut donc maugréer contre un système financier qui, dans ses composantes privées et publiques, a laissé entrevoir le désastre. Cette carence institutionnelle est amplifiée par le manque de considération pour l’art juridique. Toutefois, tous concourent à une carence spéciale. En effet, dans les divers aspects juridiques, une question paraît à la fois se nourrir et se détacher des autres. Toute l’assurance administrative converge vers l’insuffisance de technique juridique.









II – L’insuffisance de technique juridique





23. – With or without law. La technique juridique est réputée aride et ardue. Le droit des affaires est souvent son siège voire son avenir[59]. La crise financière a ainsi montré l’efficacité des techniques juridiques développées dans les banques, et la faiblesse des idées générales des autorités publiques et des considérations de gouvernance. Un parle stabilité financière, surveillance, … Le fin mot des opérations juridiques, clause ou nuance sur laquelle le juriste peut bâtir un marché, échappe au discours administratif et politique. La crise du subprime le démontre. Ce que le droit a perdu en légitimité, les mathématiques l’ont gagné[60], sans que le mathématicien ne se reconnaisse responsable, tout le monde s’en souviendra[61]. Revenons donc au Droit.



Les autorités ont du mal à traiter les techniques juridiques les plus fines. Les raisons culturelles ont été vues. Il y a aussi des raisons stritement techniques, car le Droit repose sur des notions cohérentes et des règles qui n’excluent pas la logique. Or les dirigeants et titulaires de la parole publique ignorent que l’ordre juridique (qui n’est pas la création des juristes !) a ses contraintes propres et que poser une notion ou modifier une règle (un mécanisme ou une opération conventionnelle) pose la question de l’art juridique et, en vérité, de la science juridique.



Pour simplifier, le non-juriste est persuadé que la formulation et le vote d’une règle garantit son application. Il faudrait un autre plume pour expliquer pourquoi une règle a au moins quelques dizaines de raisons (de techniques juridiques) de ne pas s’appliquer. Dans ce jeu, certains juristes jouent un rôle catastrophique, car ils dilatent l’impossibilité d’action. Or l’action juridique est généralement possible. Le système juridique accepte plus facilement certaines solutions et en rejette d’autres, souvent pour leur incohérence, parfois pour des raisons plus nébuleuses, culturelles. L’insuffisante appréhension des mécanismes, opérations et règles (b), mais aussi des notions juridiques (a), dont seulement quelques-unes sont avancés,[62] ainsi du déposant à la base même du système bancaire et habillé en consommateur…





a) Des notions et concepts.



24. – a) Des notions et concepts. Des dépôts bancaires et de leur propriétaire ? Un grand problème d’après crise est celui de la banque de dépôts. On souhaite unanimement que le banquier puisse rendre la monnaie déposée – raison pour laquelle on admet les renflouement et assainissements par des structures de defeasance. Pourtant la loi ignore la qualification du déposant ce qui permet à la jurisprudence de le voir tantôt propriétaire[63] tantôt créancier[64]. Le propriétaire peut revendiquer la chose, moyen de droit a priori intéressant[65]. Pour exprimer le droit en vigueur et le risque, nous qualifions le droit du banquier d’utiliser les dépôts de droit réel d’usage (cela explique le risque réel de non-restitution)[66] ; mais ce travail intellectuel ne vaut pas une politique législative claire. L’argent, la monnaie, soit la monnaie scripturale, est essentiellement aujourd’hui de la comptabilité[67] « validée » par l’ordre monétaire[68] (SEBC). Comment penser la sécurité des déposants quand on hésite sur sa qualification juridique ? Comment assurer cette sécurité quand on ne définit pas la monnaie ? Ce « trou théorique » explique de multiples réactions parasites ou dérives[69]. En disant cela, on ne vise qu’en passant l’incapacité technique des traités, lois, décrets… Plus profondément, nous dénonçons l’absence d’un système cohérent avec des notions juridiques compréhensibles par tous (y compris par un président de banque qui n’a jamais fait de Droit). L’insuffisance de technique juridique est à la base du système bancaire quand le Code monétaire et financier ne sait pas définir la monnaie parce que la BCE, au vu des traités constitutifs, ne le sait pas davantage.



25. – Le déposant, un consommateur ? Face à l’urgent besoin de protection du client, le voilà qualifié de consommateur. Oublié le déposant, l’investisseur, l’emprunteur… Quel recul « fondamental ». Voilà l’ACP chargée de sa protection ! Passons sur le partage des eaux avec l’AMF… On a démontré il a plusieurs années que l’investisseur est une personne plus fragile que le consommateur. L’investisseur, duquel il faut rapprocher le déposant, donne « tout » à sa banque sans contrepartie immédiate tangible. Le consommateur paye généralement contre une chose. La différence justifie que le déposant ou l’investisseur soit mieux protégé que le consommateur ordinaire. Voilà une ignorance qui, brandie comme un progrès, ne peut être qu’un recul[70].



26. – Incertaines notions fondamentales. Marché. Spéculation. Actif. Diverses notions manquent outre la monnaie. Le marché manque à la conception des choses, les actifs à leur identification, la spéculation à leur modération. Réformer c’est d’abord définir, en partie d’autorité, ces outils conceptuels. Sans notions générales et fermes, il ne peut y avoir aucun principe, donc aucune règle générale, donc aucun esprit de la loi ; à peine des règles spéciales, prescriptions pointilleuses et étroites.



On notera d’abord, sans nihilisme, la mauvaise assise de la notion de marché. Outre que certains l’identifient par son organisateur (une personne), il n’est pas assez dit que la notion fondamentale repose sur les contrats (encore eux, le marché étant un simple mode de communication pour les conclure)[71]. La loi, y compris en France, ne sait pas définir le marché de la finance et ses divers compartiments. Comment réformer la finance sans préalablement la définir !? Comment maîtriser sans définir de façon générale et abstraite ce que l’on entend maîtriser ? Là, le juriste est en partie responsable parce que les catégories des économistes sont assez claires et permettraient une première approche.



Il manque une définition juridique du marché des capitaux : réguler c’est d’abord appréhender. Deux réalités illustrent ce défaut de construction. Malgré divers marchés reconnus (actions, obligations, TCN, contrats financiers…), il y a toujours une technique hors marché ! Si on pose une définition véritablement globale, avec en cas d’innovation délégation générale à l’AMF pour réguler, ce ne peut plus être le cas. Ni à Paris ni à Bruxelles on ne sait faire, le droit anglais encore moins. Malgré la suffisance européenne, les places boursières sont restées sans concurrence pendant des années ; d’un seul coup la MIF a tout changé, sans technique de contrôle, au point qu’à peine transposée on parle de sa réforme[72] ! Sans définition générale on a réduit le marché à des systèmes et des systèmes apparaissent partout les autorités étant dépassé, notamment par dark pools. A nouveau, comment réglementer une « bourse », un marché, quand on ignore ce que c’est juridiquement ?



Des incertitudes règnent également pour d’autres notions fondamentales, ou qui semblent l’être telle la spéculation[73].



Pour les actifs financiers, l’échec de l’avènement de la notion tient à partie à l’hésitation relative à la catégorie des instruments financiers. Cela a peut-être eu du bon en laissant les titres financiers (valeurs mobilières) sur une réglementation complète. Il existe aujourd’hui au sein des instruments financiers, en France et en Europe, les titres financiers et les contrats financiers (options, futures, dérivés). Bien que nous ayons pensé – en pure théorie – à leur unité fondamentale par la négociabilité, on avait annoncé la survie de ces deux catégories[74] ce qu’une loi a clarifié après un rapport de place. Sur un plan pratique le rapprochement n’avait guère d’intérêt. La réforme de l’article L. 212-1 a conforté cette césure. Regroupés ou pas on a cependant bien du mal à savoir ce qu’est un actif, un actif financier[75].



27. – De l’appréhension des notions. La pratique actuelle consistant à utiliser des concepts anglais (quand encore il y a concept juridique !) interdit de réglementer sérieusement dans un système de droit écrit de tradition romaine. L’impératif de sélection des notions a deux réalités. Parfois, il faut définir formellement. Parfois, la notion s’entend de façon unanime et il y a plutôt danger à la définir qu’à la laisser évoluer seule et capter de nouvelles réalités. Les notions sont au cœur des mécanismes, opérations juridiques ou règles.





b) Des mécanismes, opérations et règles.



28. – b) Des mécanismes, opérations et règles. Subprimes versus mise en garde. Outre l’ignorance des grandes notions, les administrateurs qui rédigent les lois appréhendent guère les « petits mécanismes juridiques » (aux effets « économiques macro-prudentiels » !). La crise des subprimes a pour origine un prêt doté de deux ou trois clauses originales. Il n’est nul besoin de verbiage américain pour mieux considérer le client.



En France, la mise en garde s’applique désormais assez bien pour les investisseurs, soit ceux qui investissent dans des actifs. La jurisprudence a compris, la MIFID a renforcé les exigences des professionnels et a eu un effet déclencheur. Elle exprime un droit d’assez mauvaise qualité et le progrès réel de protection de l’investisseur reste à prouver. En créant des formulaires, des papiers, à faire signer de tous les clients, les banquiers ont classé en avertis des non-avertis et le problème se posera encore en termes de droit commun, le droit de l’Union n’étant pas assez fin ni précis. Néanmoins, le professionnel est tenu d’une obligation de mise en garde pour la plupart des risques de l’investissement, cela a été jugé avant l’entrée en vigueur de la MIFID[76].



Pour le crédit, le professeur LEGEAIS doute de l’efficacité du devoir de mise en garde créé par les juges, en 2005, en matière de crédit[77] ; on s’engage dans la voie du « prêt responsable ». En tout cas, il semble que le droit ici applicable n’ait pas favorisé les excès comme on a connu aux Etats-Unis. Les règles sur le surendettement, récemment renforcées, conforte cette situation ; la loi de 1989 avait placé le banquier dans la ligne de mire des commissions de surendettement (C. cons. art. 331-6 et 331-7). L’absence de pratiques déraisonnables a pu tenir en partie à ce que les banquiers avaient conscience qu’un prêt déraisonnable pouvait engager leur responsabilité civile. Naturellement, la vitesse des affaires peut contourner cette situation de droit encourageante. Il suffit de conclure des prêts dont on cède la créance pour un schéma de titrisation ou un autre : celui qui fabrique le risque ne le porte alors plus. Ces moyens sont cependant insuffisants pour certifier qu’un banquier ne développe pas des pratiques peu honnêtes – la surveillance des bilans des banques importe.



29. – De la titrisation ou … de la cession de créance ? Des contrats sur titres, du parking de titres ? La proposition généralement faite de « responsabiliser » les banques dans leurs opérations de titrisation, pour la prendre à sa base, peut surprendre le juriste. La titrisation n’est fondamentalement qu’une cession de créance (d’un actif si vous préférez). La cession est libre. Ce régime de liberté est inspiré de la vente. Cette dernière oblige d’ailleurs le vendeur à garantir assez largement la chose vendue, spécialement si la chose est neuve et vendue par un professionnel.



Dans le bon sens du Code civil, la créance est un peu du vent. La loi ne garantit donc pas la solvabilité du débiteur. Achetez une créance vous ne pouvez pas jurer que vous serez payé. Mais législateur, autorités et ici juristes ont cru devoir assimiler les actifs à des choses, des biens ordinaires, reléguant leur nature profonde de créance (ou de groupe de créance avec parfois quelques droits potestatifs…) et invoquant, pour clore le débat, par un magnifique et illusoire droit de propriété. Depuis que les juristes ont cédé au mimétisme, via la propriété des titres, voire la propriété des actifs, tout le monde a pu oublier le « bon » régime juridique de la cession de créance. On a d’ailleurs – pouvoirs publics et juristes – mis en sommeil la négociabilité qui est pourtant partout… ou même on l’a dissoute dans des « biens négociables », alors que l’idée s’effondre sur elle-même puisque de principe tous les biens sont cessibles et la négociabilité n’a rien à voir avec eux. On voudrait ainsi, d’illusions en illusions, que les actifs « incorporent » à jamais une valeur fixe, sûre. Mais le marché des créances ne sera jamais comparable à l’idée simpliste que l’on se fait du marché des biens (dont les cours sont du reste éminemment variables). Les créances n’auront jamais une valeur fixe, certaine ou sûre. La propriété joue comme un leurre, et ce n’est pas gratuitement que toutes les parties intéressées au développement de la place parisienne l’auront défendue. Les investisseurs auront largement pu y croire ! La créance est pour partie incertitude. Elle est justement cela : un lien personnel contingent de la capacité de paiement du débiteur.



La maîtrise de la titrisation passe d’abord par un rappel de la créance initiale. En réduire les applications pose un problème majeur d’atteinte à la propriété (au sens large de la Convention européenne), puisque vendre c’est user de sa chose. Car plus loin, on n’évitera probablement pas l’émission de titres représentant ces créances. Comment empêcher un émetteur de faire appel public à l’épargne pour obtenir une somme avec laquelle il acquerra lesdites créances ? Quelle que soit la technique juridique, ce procédé est entré dans les mœurs et il semble difficile de revenir en arrière.



La circulation des actifs se pose également quand ils forment dès le début un titre. Les contrats sur titres ont prospéré presque sans limite. Sur le principe, et dans un premier temps, il faut reconnaître la liberté. Mais, dans un second temps, il faut borner la liberté. Nous avions ainsi pu nous étonner de voir toute sortes de contrats su titres apparaître avec le vague assentiment d’autorités de place peu au courant de la technique contractuelle. Mais, en nous écriant « à quand le parking de titres ? »[78], sauf quelques citations convenues, nous n’avions peu convaincu que le système juridique se pervertissait à ne faire de place qu’à la liberté, et sans véritable méthode. Or ce travers est au cœur de la crise qui repose sur la diffusion de risques. Or, plus les contrats sur titres son nombreux, peu harmonisés entre eux, et plus les acteurs invoquent quelque originalité pour se soustraire à telle ou telle règle. Ces contrats sont pourtant plus faciles à maîtriser que les fonds communs, indivisions spéciales. Les réglementer suppose aujourd’hui d’appréhender diverses structures (sociétés, fonds d’indivision, trust…) à travers leurs actes juridiques : les contraindre à alerter les souscripteurs des risques et de la nature des actifs. Cela renvoie pour partie à l’information de l’investisseur, qui est loin d’être une mission facile, et à la notation.





30. – L’information de l’investisseur[79]. Alors que la Directive services en investissement invitait à la responsabilité des vendeurs de titres[80], les textes n’ont finalement été véritablement appliqués, dans la rigueur de leur lettre et esprit, qu’en 2008[81]. Auparavant, il aura été difficile de convaincre que les banquiers vendaient à tout-va, sans assez de précaution. Les choses sont en place mais le terrain est fragile, la rigueur du juge varie. On prend là un seul aspect de l’information de l’investisseur. Il y aurait aussi à dire sur la complexité des notices destinées au public ou la communication des autorités de régulation. Pour l’assurance, un aspect au moins nous aura inquiété[82] et la jurisprudence a effectivement suivi pour les assurances vie[83], où les contrats interrogeaient et où tardivement, la jurisprudence aura appliqué un texte clair et protecteur dont on se refuse à croire qu’il n’aura pas été utilisé par les avocats auparavant… De ces deux points on doit dire que les juristes, à travers les juges, ont pu manquer de vigilance quand leur jurisprudence est tout de même surveillée par les managers… On sort de l’époque où on donnait aux banquiers le Bon Dieu en confession, ainsi qu’à d’autres[84].



31. – De la notation. La proposition généralement faite de « responsabiliser » les agences de notations appelle chez nous quelques interrogations de faisabilité pratique. Du reste, la question demeure posée en grande partie après le règlement communautaire du 16 septembre 2009 (CMF, art. 544-5, L. 15 oct. 2010): doivent-elles être capitalisées comme le plus important de leur client pour répondre de leurs fautes civiles si un tribunal les condamne à réparer les dommages liés à leur notation ? Voilà qui entrave l’idée générale que la réglementation stricte des agences de notation sera un élément clé des réformes. Mais on comprend les banquiers, États et autorités de régulation. Si les agences régulaient tout… tous seraient tranquilles ! On le voit, sans méthode juridique rigoureuse, point de réformes solides.



Les agences de notation, sans doute fautives, auront été les bouc-émissaires de la crise financière. Leur travail ne va pourtant pas jusqu’à certifier des comptes ! On regrettera que le contrat de notation ait été si peu évoqué. Le public aurait compris les limites de la notation privée, bien qu’il y ait là, de longue date, une institution mondiale reposant sur un véritable usage commercial, usage financier. Mais l’usage n’est pas la coutume (qui a force juridique), et la notation n’est pas vue spontanément comme obligatoire. La notation n’est pas de l’ordre du naturel, de l’évident et du séculaire ! Les agences de notation ne peuvent donc pas être responsables de façon immanente de la plupart des carences de la finance qu’elles auraient dû, elles seules, détecter. La notation n’a en effet été rendue obligatoire, en général, que par des sources juridiques secondaires[85] et via des termes contractuels. La notation résulte d’un contrat (imposé) entre un émetteur de titres et une agence, pour la visibilité de l’opération, mais seulement sur une base contractuelle.



Les agences de notation et la notation ne sont pas le pilier sur lequel une finance plus sérieuse et prudente peut se reconstruire. La technique, utile, serait à étoffer, par exemple en exigeant une triple notation : une notation externe par une agence, une auto-notation du créateur émetteur du titre ou de celui qui le commercialise et, enfin, une notation d’une agence de notation publique ou para-publique. Le replâtrage administratif n’est pas de la construction juridique. Enregistrons donc les agences de notation, nous aurons leur adresse…



32. – Des rémunérations des traders. La proposition généralement faite de les limiter est contraire à toute l’histoire du droit du travail et manifestement cela a échappé à quelques administrateurs. Les résistances propres au système juridiques sont donc très nombreuses. Il faut prendre les choses sur un autre plan, peut-être sortir les traders à haut revenus du cadre ordinaire du droit du travail. L’ordre public financier justifie que, pour la réglementation bancaire, les traders soient habilités par les autorités monétaires dès lors que leur rémunération et la capacité d’engagement de l’établissement dépassent des seuils para-systémiques. Les traders ne pourraient opérer, être agréés, que si les rémunérations ne sont pas de nature à les « déresponsabiliser » à l’égard de leur employeur. En France, on en est arrivé à une situation ubuesque où un administrateur de rang mondial démarche les banques pour les inciter à ne pas trop payer les traders car cela risque de faire des « vagues politiques »… est-ce cela une politique législative ? Une réforme ? L’Union européenne peut l’imposer. Certes, dans un premier temps, cela causera un « préjudice » à l’industrie bancaire mais, d’une part, elle apprendra ainsi à travailler proprement et, d’autre part, on évitera des faillites internationales ce qui devraient faire de la Zone Euro la plus belle et stable place financière mondiale ! Il faut savoir ce que l’on veut construire.



33. – Des contrats financiers peu encadrés. Innovations des « années 80 » ou « casinos actuels » ? Le développement important, sur vingt-cinq ans, des contrats financiers a des causes économiques et non juridiques. Mais le droit a joué son rôle de promotion de l’ensemble de ces techniques. Le succès des dérivés de crédit (credit derivatives) tient au transfert du risque de crédit qu’ils permettent. Liés à un actif sous-jacent indépendamment des autres risques de cet actif[86], ces instruments à terme donnent aux établissements de crédit de « mobiliser le risque » inhérent à une créance sans la céder elle-même[87]. Prenant le plus souvent la forme de contrats financiers, parfois de titres, les dérivés couvrent – garantie – la dépréciation d’actifs financiers au vu de la survenance de certains éléments.



Ils ne sont pas sans danger[88] puisqu’ils cassent la logique traditionnelle : portent le risque ceux qui le contractent. Cela transforme ainsi le risque en produit – comme le disent MM. P. MOUSSERON et S. PRAICHEUX[89]. Le banquier « en position d’acheteur de protection » réduira son exposition aux risques, mais la protection n’est efficace que si la contrepartie exécute ses obligations. Les nombreuses déclinaisons de dérivés montrent une liberté créatrice bancaire sans borne[90], d’autant qu’ils circulent sur les marchés de gré à gré sans chambres de compensation. Quelle est l’utilité des modèles standardisés internationaux mis en place par l’International Swaps and Derivatives Association[91] ou ceux de la Fédération bancaire française ?



Les Credit Default Swap sur dette souveraine, dérivés les plus dénoncés[92], sont conclus relativement à une dette garantie ou souscrite par l’État. La classe politique les combat, mais sont-ils plus dangereux que les autres CDS ? Les pertes colossales d’un État induites par le marché des CDS de dettes souveraines semble seules donner la réponse[93]. La vente (dite à nue) de dettes souveraines a parfois été interdite[94] mais, sans un droit international commun, cela semble vain, singulièrement face à leur négociation de gré à gré et à leur libellé en dollars US. Ainsi, y compris sur des points très spéciaux, il est étonnant que les États aient oublié la perspective d’un traité international classique. La complexité de l’harmonisation invite au moins à leur supervision par les régulateurs et passer en chambre de compensation pour notamment prévenir tout risque systémique[95].



La meilleure qualification reste celle de paris, contrat du Code civil plutôt interdit car ni vertueux, ni moral. En ouvrant la finance aux paris à tout-va, dans la catégorie et sous-catégorie des contrats financiers, les pouvoirs publics ont transformé une partie de l’économie financière en casinos. L’ordonnance du 8 janvier 2009 le confirme, par un simple changement de forme de l’article L. 212-1 du Code monétaire et financier. Il renvoie au règlement pour déterminer ce qu’est un contrat financier, valable de principe : « Nul ne peut, pour se soustraire aux obligations qui résultent de contrats financiers, se prévaloir de l'article 1965 du code civil, alors même que ces opérations se résoudraient par le paiement d'une simple différence » (art. L. 211-35). Le pouvoir réglementaire définit les contrats financiers (options, dérivés, contrats à terme) mais sous un principe de liberté qui fait se demander à quoi sert le décret (D. 211-1), certains contrats ayant par ailleurs des définitions fort vastes (question de notion…). Le juriste soucieux d’impartialité relève que, là où la tradition républicaine interdisait en pratique les paris (art. 1965, préc.), l’Union européenne les a encouragés, dans la finance et dans le pur jeu. Revenir en arrière dans le domaine de la finance, alors surtout que l’idée de spéculation (supra n°26) se place difficilement dans un dispositif normatif. À l’économie financière de casino correspond bien un droit autorisant les activités de casinos…



34. – Des titres financiers d’entreprises bien encadrés. Le sujet des instruments financiers évoque aussi les titres financiers. Surprise : ils sont bien définis par la loi elle-même, alors qu’il s’agit – seulement – de définir les moyens des personnes morales de se financer. Actions, obligations, part de fonds, « TCN »… Ce droit a été inspiré par les structures juridiques d’hier. On réglementait précisément et sérieusement les actions, les obligations… et on a donc continué sur les part des fonds communs, les TCN, les actions de préférence… Le législateur d’hier encadrait les techniques de financement, il ne l’a pas réellement fait avec les (nouveaux) contrats financiers. Il n’a pas exigé des contrats financiers reposant sur une idée simple (juridique) permettant de le définir et, ensuite, de définir un marché. La législation est libérale dans le principe, et la méthode libérale l’accompagne… On l’a dit il y a fort longtemps, fondamentalement, au-delà du droit positif, quand un titre est bien défini il porte un marché[96] : marché des actions, des obligations, des TCN… Mal définir chaque contrat financier n’aide pas à cerner son marché qui part en gré à gré au quatre coins du monde… L’identification d’un marché, qui n’évite pas en soi les excès, est un préliminaire pour y parvenir. Au final, on encadre davantage le financement de l’entreprise pour elle-même que les paris des banques avec l’argent des autres ! Les industriels réfléchissent déjà à leur condition, les plus grandes entreprises ont pu envisager de reprendre la SFEF pour ne plus subir les déboires des banquiers[97]. Si nous touchons ici un peu la vérité, ce n’est plus à davantage de considération du droit à laquelle il faut appeler, mais à une révolution culturelle, le lecteur appréciera. Mais les banquiers ne sont pas loin d’avoir eux-mêmes tuer leur métier.



35. – Stabilité : mode, terme juridique ou règle émergente ? La stabilité contredit l’instabilité et interdit les « bulles » généralement nourrie des excès. L’idée économique se retrouve partout et désormais dans la loi. Elle illustre notre discours, on confond idée économique et règle juridique. Les responsables politiques, administrateurs et économistes dressent ainsi en vain le totem de la stabilité du système financier, fût-il planté dans la loi. En ne définissant ni la notion, ni son implantation (dans un mécanisme, une opération ou une règle), ils méconnaissent l’art juridique. Le juriste, linguiste amateur, transforme les mots en notions opératoires dans l’ordre juridique. Il sait traduire un mot en règle. Ou y inviter. Voilà ce qu’est du droit : d’un mot on passe à un principe de stabilité qui menacerait les excès. Naturellement, ce travail de doctrine juridique ne remplace pas une loi bien faite. Nous achèverons ailleurs la démonstration et la proposition qui, ici, est seulement brandie pour montrer l’utilité de l’art juridique. Le principe pourrait être une obligation imposée aux institutions bancaires Le contrôle de la liberté contractuelle s’opérerait par la mesure et le contrôle de l’exploitation d’un établissement, du bilan, de quoi sauver les principes tout en évitant les « bulles systémiques ». Les administrateurs posent dans la loi, et le législateur suit…, une idée administrative alors qu’il faut seulement y placer des notions utiles à formuler des règles, et non des mots parasites qui donnent l’illusion d’un droit financier.



36. – Conclusion. La voie du droit. Le survol de diverses institutions et techniques fait douter de la force de la rénovation du droit financier, pour un droit plein d’autorité dégageant nettement un « esprit de la règle ». Les pouvoirs publics, dont les régulateurs, ont un comportement déséquilibré. Ils cherchent la meilleure idée (pour nous une règle substantielle) en se souciant peu de sa qualité juridique – et de son esprit. Le Président Michel PEBEREAU le rappelle en souhaitant : « des régulateurs qui contrôlent l’application des règles dans leur lettre et dans leur esprit, par chaque banque »[98]. Voilà un banquier qui, invoquant « la lettre » et « l’esprit », dit que toute « innovation financière » n’invalide pas les règles applicables[99]. Le thème de l’innovation n’est donc ici que la cerise sur le gâteau : par hypothèse on ne peut réguler une innovation sans maîtrise des notions et règles, point n’est donc besoin de philosopher sur le sujet. En tout cas, voilà un banquier qui fait du droit parce qu’il regarde les réalités en face, ce que les administrateurs et responsables politiques se refusent souvent à faire. À défaut de cette méthode, le spectre des excès, des bulles, menace. La terreur financière de quelques établissements systémiques peut à tout moment se déployer sur le monde. Paradoxe, cette grande menace se régulera par des dispositions prises avec économie : trop de droit tue le droit, reprend le professeur BERGEL en concluant un ouvrage[100]. Mais on aura pu aussi voir que les juges doivent appliquer les textes modernes. Loin de la lettre et de l’esprit des lois, le pouvoir administratif a pris le parti de la discipline dominante du moment, les sciences économiques. Les titulaires de la parole publique ignorent alors les possibilités et les contraintes de l’ordre juridique (… création des pouvoirs publics)[101]. Le droit, mal utilisé, est une arme vaine. Lui redonner sa simplicité universelle contribuerait beaucoup à en faire un droit universaliste, laissant quelque espoir à l’appel du Premier ministre G. BROWN et du Président N. SARKOZY : « For Global Finance, Global Regulation »[102]. Dans cette attente, les libéraux maugréent quand banques ou assurances en faillite ponctionnent les finances publiques pour se renflouer et invitent assez logiquement à la suppression de la plupart des règles. Les collectivistes, eux, dénoncent la faillite du marché libre pour revendiquer sa fin, quitte à enterrer toutes les libertés qui le portent. Entre ces deux voies, l’usage raisonnable et sérieux d’une règle simple et applicable, la voie du droit, pourrait encore organiser la société si on en joue avec art.







Hervé CAUSSE - Octobre 2010

herve.causse@hotmail.fr

http://www.hervecausse.info







[1] L’auteur remercie les collègues et équipes de recherche de l’Université de Paris Ouest pour leur invitation.

[2] H. CAUSSE, J. STOUFFLET et S. DUROX, Après la crise financière, quelle rénovation du droit bancaire et financier ?, Rev. de droit bancaire et financier, nov. déc. 2008, p. 5 ; La crise financière : aspects juridiques, Propos introductif de M. GERMAIN, JCP éd. E, 2009, 1569, qui juge le rôle du droit plutôt positif ; ce dossier comporte en outre les travaux de J. DUVAL HAMEL, F. BARRIERRE, P. MINOR, WD. TORCHIANA, O. DEREN, D. TRICOT, B. DELETRE, F. VEVERKA, D. LETOQUART et B. LEBRUN ; The high-level group on financial supervision in the EU, chaired by Jacques de Larosière, Report, Brussels, 25 February 2009; B. DELETRÉ, Rapport de la mission de réflexion et de propositions sur l’organisation et le fonctionnement de la supervision des activités financières en France, janvier 2009 ; B. DELETRÉ, J. AZOULAY et P. DUGOS, Rapport de la mission de conseil sur le contrôle du respect des obligations professionnelles à l’égard de la clientèle dans le secteur financier, juillet 2009 ; S. HUYGHE et J.-L. WARSMANN, Rapport d’information sur les défaillances de la régulation bancaire et financière, Ass. nat., n° 2208, 22 décembre 2009 ; Ph. MARINI, rapport d’information sur la crise financière et la régulation des marchés, Sénat, n° 59, 21 octobre 2009.

[3] Par exemple : F. MORIN, Le nouveau mur de l’argent, Essai sur la finance globalisée, Seuil, 2006 ; A. LEVY-LANG, L’argent, la finance et le risque, O. Jacob, 2005.

[4] M. PEBEREAU, Enjeux Les Echos, sept. 2010, p. 29.

[5] Objet des recherches du professeur J.-E. STIGLITZ ci-après citées.

[6] http://www.hervecausse.info/Le-droit-de-l-AMF-a-un-recours-ou-l-inevitable-suite-de-l-affaire-EADS--Dix-arguments-en-faveur-d-un-recours-du_a311.html

[7] J. E. STIGLITZ, Le rapport Stiglitz, Pour une vraie réforme du système monétaire et financier international, éd. Les liens qui libèrent, sept. 2010.

[8] C. civ. art. 1382 ; c. cons. L. 132-1 ; C. pr. Civ. art. ;

[9] …mais l’on pourrait étudier les mécanismes juridiques de la résorption de la bulle, de l’excès : l’injonction, l’alerte, la convocation, la mise en demeure…, la modération, la réduction, l’amélioration, l’équilibre… Ce serait alors pousser plus loin le sujet que, déjà, nous interprétons largement. Le civiliste qui fréquente le droit bancaire pourra étudier « l’identification des excès en droit financier », le juriste de droit bancaire qui manie bien la comptabilité étudiera « la lutte contre les bulles financières »…

[10] Ces administrateurs, dévoués au secteur public, ne sont naturellement pas davantage coupables et responsables que les banquiers et autres acteurs financiers ! Après deux ans et plus de crise, les boucs-émissaires que furent les agences de notation et les traders sont un peu oubliés.

[11] J. RICHARD, Comment la comptabilité modèle le capitalisme, Entretien, Le débat, septembre 2010.

[12] Il semble impérieux de cumuler l’art des principes et l’art des prescriptions (précises) . Voyez sur la distinction entre la méthode romano-germanique (les principes y règnent) et le droit écrit d’inspiration de common law où le texte poserait des prescriptions : M.-A. FRISON ROCHE, M.-A. Frison-Roche, Les leçons d’Enron, 2003, p. 48 ; J. E. STIGLITZ, Le rapport Stiglitz, préc. Seule cette méthode, quand elle est insuffisante, assure qu’il faut consacrer/inventer un nouveau concept juridique : au sommet, et là les choses sont difficiles, on peut parfois espérer une idée strictement juridique qui, inventée, forme concept ou mécanisme contre un excès. V. Les concepts émergents en droit des affaires, LGDJ, 2010.

[13] J. E. STIGLITZ, Le rapport Stiglitz, préc.

[14] Droit public de l’économie, Dalloz, 1998.

[15] Th. BONNEAU, Pour être dans le vent, RDBF, 2010.

[16] Voyez les travaux de M.-A. FRISON-ROCHE : http://www.mafr.fr/spip.php?article12

[17]http://www.hervecausse.info/Summit-of-Financial-markets-and-the-world-Economy-World-hopes-G20-summit-will-find-solution-to-financial-crisis-The_a213.html

[18] Ed. PUF, dir. D. ALLAND et S. RIALS, absence symbolique d’une réticence à l’endroit de la notion et, en tout cas, de son aspect récent ; mais le Vocabulaire Juridique élaboré sous la direction de G. CORNU (éd. PUF, 1987, p. 677) y voit l’action de régler (contrôle) et l’action de maîtriser dans le temps une quantité en soumettant un phénomène à des normes ; l’ouvrage invite à une comparaison avec la planification et la normalisation. A. COURET, H. LE NABASQUE, M.-L. COQUELET, TH. GRANIER, D. PORACCHIA, A. RAYNOUARD, A. REYGROBELLET, D. ROBINE, Droit financier, Dalloz, 1ère éd., 2008, n°1644, qui, relevant la difficulté, y voient « un mouvement d’évolution, et non de rupture, caractérisé par un système normatif décentralisé faisant intervenir directement les parties intéressées » ; la thèse du quatrième pouvoir est croyons nous plutôt une rupture, mais l’élément de l’implication des parties importe car les professionnels sont effectivement très proches des régulateurs, parfois trop à notre sens.

[19] CEDH, 5ème Sect., 11 juin 2009, société Dubus SA c/France, réq. n° 5242/04, RD banc. fin. 2009, comm. 111, obs. F.-J. CRÉDOT et TH. SAMIN ; D. 2009, p. 2247, obs. A. COURET ; AJ Pénal 2009, p. 354, obs. J. LASSERRE CAPDEVILLE.

[20] Conception inspirée des lois de la physique classique…

[21] Enjeux Les Echos, sept. 2010, p. 32 : à la question du journaliste (E. L. B.) « Et la deuxième cause du désastre ? », M. de LAROSIERE répond « L’insuffisance (notez le mot !) flagrante de la surveillance des autorités financières. Je parle bien de surveillance et non de régulation. Pour moi, les lois de cadrage des activités financières – la régulation – ont été prises par défaut. Même dans ce cadre insuffisant, les autorités aurait dû agir. ». Pour un ancien gouverneur de la banque de France et ancien directeur général du FMI la régulation c’est la réglementation…

[22] Désormais mis en revue : Regulatory Law Review, LPA, 6 mai 2010,

[23] Idée à confirmer en l’absence de clarté de la Constitution, le droit communautaire imposant des autorités.

[24] Dictionnaire d’histoire culturelle, éd. PUF, V° opinion publique, p. 584, dir. C. DELPORTE, J.-Y. MOLLIER et J.-F. SIRINELLI.

[25] Pour un droit financier, L’Agefi, 23 fév. 2000, p. 2.

[26] Des mécanismes juridiques « sensibles » s’identifiaient vite à travers les prêts gigantesques des banques centrales aux établissements de crédit, dits « injections de liquidités ») : H. CAUSSE, 9 septembre 2007 : http://www.hervecausse.info/Pour-quelques-1-000-milliards-de-dollars-de-plus-Crise-financiere-americaine-du-subprime-et-Droit-financier-Les-OPCVM_a114.html

[27] Au sommet de l’art juridique, et là les choses sont réellement difficiles, on peut espérer une idée strictement juridique qui, inventée, forme concept ou mécanisme, soit une arme nouvelle contre un excès.

[28] D. CARREAU et P. JULLIARD, Droit international économique, Dalloz.

[29] L’expression (l’idée) est naïve puisque tout créancier risque la faillite de son débiteur, point qui n’a jamais été renversé en droit positif pour les banques, assurances ou entreprises d’investissement ; voilà les observations utiles que peut fournir un juriste en posant la question qui fâche : faut-il le faire et si oui comment ?

[30] … relayée par celle prêtée à sa langue française, d’usage dans les relations internationales.

[31] Sans doute l’usage, par les juristes, du clivage forme/fond est-il très souvent abusif ; nous le soulignons pour insister sur l’idée mais aussi clairement l’assumer.

[32] G. CORNU, Linguistique juridique, Montchrestien, 1990, p. 45.

[33] Il s’agit de transformer des « concepts justes en règles contraignantes », aurait dit Wolfgang SCHAÜBLE ; or un concept n’est pas « juste », il est ou il n’est pas. Ensuite, la question est de savoir s’il est utile dans tel contexte ou projet de règle, mais la « justesse d’un concept » est une erreur de concept tout court, et de concept juridique à coup sûr ; mais la traduction manque peut-être rigueur ; on peut admettre la phrase, et elle colle alors exactement à notre propos, si le mot concept est remplacé par celui d’idée, qui est plus général. Toute la difficulté est effectivement de transformer des idées en règles (Le Figaro, Trichet hostile à la taxe Sarkozy-Merkel, p. 21).

[34] Mais un travail ne saurait suffire quand il en faudrait de nombreux autres.

[35] Observations qui n’excluent pas que la recherche juridique doive aussi faire sa critique pour des questions non investies ; par ex. : http://www.hervecausse.info/Actifs-toxiques-la-theorie-juridique-des-actifs-financiers-attend-toujours-Quelles-recherches-reformes-et-regles-pour_a238.html

[36] J. STIGLITZ, Les réformes financières sont insuffisantes, L’express, 22, sept. 2010, p. 16 : « pourquoi devrais-je faire confiance à Ben BERNANKE, patron de la Réserve fédérale, qui n’a absolument pas vu venir la crise… ». Le propos du Prix Nobel d’Economie peut être transposé aux responsables des autorités françaises… mais tel n’est pas le cas car la puissance des administrateurs neutralise tout acte politique contre eux.

[37] Sur quelques questions que pose la « régulation » par l’organe central qui doit surveiller des établissements dont le président est parfois… le président de l’organe central lui-même (la dernière réforme sur le sujet est la loi n° 2009-715 du 18 juin 2009 finalisant le projet industriel « BPCE ») ! Voy. H. CAUSSE et A. MAYMONT, RDBF, préc., n° 36.

[38] L’attitude rassure l’opinion publique, mais juste quelques temps : des institutions dissimulant la réalité des risques inquiètent sur le très long terme (créant une grave défiance à l’égard du système bancaire et financier).

[39] La création de l’ACP montre à cet égard un virage : l’institution administrative va s’intéresser à la relation client des banquiers, aux consommateurs, donc au contenu des contrats.

[40] Th. BONNEAU, Les concepts émergents… p. 456, n° 8 qui invite les autorités à adopter l’anglais comme langue…

[41] Présentée en sortes de catégories juridiques, cette distinction n’apporte rien de strictement juridique – et même le rapport STIGLITZ tombe dans ce travers (p. 147).

[42] Le professeur Bernard DEBRE, invité sur Europe 1, a le 21 octobre 2010 cité le cas des 150 articles de la loi dite BACHELOT qui n’ont rien changé comparé aux 10 articles de loi de 1959 sur l’hôpital qui ont tout changé.

[43] En collaboration avec A. MAYMONT, RDBF, juin 2010, p. 13 ; v. aussi : Th. BONNEAU, Commentaire de l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 (…) : JCP E 2010, 1140, p. 16 s. - J. BIGOT et J.-L. BELLANDO, La nouvelle Autorité de contrôle prudentiel et l’assurance : aspects structurels : JCP G 2010, 364. - A. ASTAIX, Banque-assurance : une nouvelle autorité de contrôle : D. 2010, n° 4, p. 196. - G. NOTTE, Création de l’Autorité de contrôle prudentiel, JCP E, n° 4, 28 janvier 2010, act. 71.

[44] L. n° 2008-1061 du 16 oct. 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie : JO 17 oct. 2008, p. 15905. - V. Banque de France, De la crise financière à la crise économique : Documents et débats janv. 2010, n° 3, p. 57 et 60.

[45] Le constat du sauvetage serait (benoitement) devenu une règle…

[46] "Loi n°95-1251 du 28 novembre 1995 relative à l'action de l'Etat dans les plans de redressement du Crédit lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs : Art. 1 - Il est créé, sous la dénomination Etablissement public de financement et de restructuration, un établissement public administratif national doté de l'autonomie financière et placé sous la tutelle du ministre chargé de l'économie, (…). Art. 2 - L'Etablissement public de financement et de restructuration a pour mission de gérer le soutien financier apporté par l'Etat au Crédit lyonnais dans le cadre du cantonnement de certains de ses actifs au sein de la société chargée d'assurer la réalisation de ceux-ci et dénommée Consortium de réalisation.

A cette fin, il est autorisé à souscrire un emprunt auprès du Crédit lyonnais dans la limite d'un montant de 145 milliards de francs.

Il peut détenir des participations dont, par apport, tout ou partie de celle de l'Etat dans le Crédit lyonnais.

Il veille notamment à ce que soient respectés les intérêts financiers de l'Etat dans le cadre du plan de redressement du Crédit lyonnais. (…) ». Voyez sur cette question notre blog sur l’affaire Crédit Lyonnais -Bernard TAPIE : http://www.tapie.info



[48] Camille CORNAND et Romain BAERISWYL, Quelle place pour la diffusion d'information dans les décisions de politique monétaire ?, Journal of Monetary Economics.

[49] Le cercle des économistes, Fin de monde ou sortie de crise ?, 2009.

[50] Pour une approche selon la méthode civiliste (privatiste) : D. MIRAND, La monnaie centrale, Mémoire de master, 2009, Université de Clermont-Ferrand, sous notre direction. Rapprocher : STIGLITZ et GREENWALD, préc. , p. 267 (« la monnaie peut être envisagée comme une façon simple de tenir des comptes »).

[51] Le premier article du Code monétaire et financier (art. L. 111-1) ne sait pas définir la monnaie…

[52] J. E. STIGLITZ, dans son rapport remis à l’ONU, met en garde contre ce risque, militant, à contre-courant, pour des législations nationales.

[53] …et toutes les autorités ont su demander aux banquiers qu’ils soutiennent l’économie en accomplissant leur mission première : prêter.

[54] Que la Cour de cassation fonde aussi délicatement que fermement sur l’article 1937 du Code civil relatif à l’obligation de restitution du dépositaire.

[55] BPCE a renoncé à vendre FONCIA ce qui aurait pu concrétiser une perte de 800 millions d’euros (il n’en fallu pas plus pour faire sauter le directoire sur une perte de salle de marché) : http://www.lefigaro.fr/societes/2010/06/28/04015-20100628ARTFIG00338-bpce-renonce-a-vendre-foncia.php

[56] Déjà, la banque universelle en France est contrôlée pour l’empêcher de mettre tous ses actifs en investissements. Mais le filet de sécurité est très haut, ce qui permet de parler de banque universelle.

[57] Pour une synthèse sur les fonds propres : Th. BONNEAU, Droit bancaire, Montchrestien, 2009, p. 183, n° 259.

[58] Malheureusement, la criminalisation de certains comportements ne suffit pas tant les sommes en jeu sont considérables, mais nous continuons de croire à sa relative utilité (Plaidoyer pou un crime de haute finance, L’Agefi Hebdo, préc. ; la question de l’éthique étant a fortiori chimérique.

[59] J.-M. DARROIS, in Le sens des choses, dir. J. ATTALI, Le livre de poche, 2010, pp. 293 et 309, … avec en prime un appel à des règles simples, p. 296.

[60] Entretien avec le Pr. EL KAROUI, Les Echos, 15 sept. 2010, p. 11.

[61] Le trop-plein de mathématiques, patent, est obscurantiste à souhait. Rarissimes sont les responsables de haut niveau qui parlent la langue mathématique du meilleur niveau. Les présidents de banques, les élus et les administrateurs sont perdus face à une méthode de gestion qui passe par les mathématiques. La science juridique les égare tout de même beaucoup moins. Curieusement, il semble que la chose se soit imposée, sans doute au nom de cette mystérieuse figure de « la science ».

[62] Sur les systèmes (voy. Les systèmes, in Les concepts émergents en droit des affaires, 2010).

[63] La cour de cassation a déjà dit la banque propriétaire : Cass. civ. 1re, 7 février 1984, Bull. I, n° 49 : « dès l'instant de leur remise, ces espèces, étant des choses de genre, deviennent propriété de la Caisse, à l'égard de laquelle le client ne dispose plus que d'un droit de créance. ». Sur un compte joint on peut prouver la propriété – elle est donc en cause ! – exclusive des dépôts de l’un : Cass. com., 27 janvier 1998, Bull. 1998, IV, n° 44 p. 35. Un arrêt de 2007, d’une autre chambre, fragilise la solution de 1984 en la rendant inutile pour indemniser la banque au titre de son assurance quand la somme a été dérobée en banque : Cass. crim. 14 nov. 2007, n° 07-80576, Bull. crim. 2007, n°277 : l'utilisation frauduleuse d'un code d'accès bancaire ayant permis à l'auteur de l'escroquerie d'obtenir de la banque la remise de sommes indûment prélevées sur le compte d'un tiers porte directement préjudice à l'établissement bancaire, dépossédé des fonds qu'il détient et qu'il est tenu de représenter à son client.

[64] Mais la cour souligne à l’occasion la qualité de créancier du client : « le solde créditeur d’un compte bancaire constitue une créance de même montant contre la banque » : Com. 13 janv. 1987, Bull. IV, p. 10, n° 15.

[65] La même question nous préoccupa il y a fort longtemps à propos des titres dématérialisés, on souligna la réalité du risque en cause, tandis que d’autres se rassérénaient avec la qualification de propriétaire. À l’épreuve des faits, cette qualification juridique de propriétaire est illusoire et ne résiste pas à la faillite.

[66] La qualification explique ainsi le droit positif actuellement applicable (H. CAUSSE, L’obligation de restitution du banquier peut-elle être payante ?, RDBF, sept-oct. 2003) sans pour autant signifier que le système général est cohérent.

[67] J. E. STIGLITZ et B. GREENWALD, Économie monétaire, Economica, 2005, p. 267.

[68] Concept à développer en quasiment tout point.

[69] Les mathématiques ni même les sciences économiques ne savent décrire ce lien social que l’un ignore en tout point et que l’autre a obscurci en s’éloignant de la réalité des échanges de richesse qui se construisent toujours sur des mots et juste après des règles contractuelles faites de ces mots, ce qui est du Droit.

[70] Ce défaut nous arrive directement des Etats-Unis où les concepts de déposants et investisseurs n’ont pas été affinés ; quand c’est le cas, on trouve une résistance telle la nôtre : Voyez en dernier lieu J. LEDAN, L’investisseur en droit privé et fiscal, PUAM, 2009, préf. H. CAUSSE et D. TRICOT ; L’investisseur, Études J. CALAIS-AULOY, 2003.

[71] H. CAUSSE, Les titres négociables, Essai sur le contrat négociable, 1993.

[72] http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/10/11/la-bourse-est-devenue-un-casino-geant-selon-les-professionnels-de-la-finance_1424197_3234.html

[73] La chasse à la spéculation semble vaine dans un droit positif qui la cerne peu. Si nous souhaitons limiter la spéculation, il est probable que nous devrons formuler une règle incorporant l’intention de l’opérateur. L’intention de couverture est une chose assez claire à identifier (projet d’opération ou stock). Le problème est que la couverture suppose un contractant (on dit contrepartie) qui soit se couvre en sens inverse, soit un spéculateur. Or ce dernier ne s’identifie à notre sens que sur le fil de l’intention. Toute réglementation est donc par nature délicate à mettre en œuvre[73]. Formuler une règle permettant de dire que certaines opérations sont interdites quand l’intention est de pur profit est difficile. D’autant que le facteur temps peut avoir à être agrégé (durée brève) ce qui fait bien la différence avec un investissement. Prohiber la spéculation c’est probablement chasser une ombre. L’entreprendre par l’Histoire : N. HISSUNG-CONVERT, La spéculation face au droit 1799-1914, LGDJ, 2009.

[74] Instruments financiers et titres : quelle concurrence ?, in L’utilité des instruments financiers, Colloque, Petites affiches, 30 mars 2002

[75] Voyez en dernier lieu, G. PARLEANI, in Les concepts émergents en droit des affaires, 2010.

[76] Chronique de droit bancaire, Semaine Juridique Entreprise, JCP éd. E, n° 22, 3 juin 2010, 1523, partie "opérations financières"

[77] Cinquante arrêts pour rien ?, RDBF, mars 2010, p. 2 et les références citées.

[78] H. CAUSSE, Contrats sur titres : de la vente au parking de titres ? MTF Haute Finance, décembre 1994, p. 51.

[79] P. CLERMONTEL, Droit de la communication financière, Joly, 2009.

[80] H. CAUSSE, La nouvelle responsabilité des entreprises d’investissement, MTF Haute Finance, juin 1998 ; Impertinences sur la responsabilité civile des intermédiaires financiers, in Mélanges offerts au Professeur D. Schmidt, éditions Joly, mars 2005.

[81] Pour ces acquis jurisprudentiels voyez : Chronique de droit bancaire, JCP éd. E, 2008, 1768, n° 31, n° 33 observations H. CAUSSE ; en dernier lieu une « triple » cassation, dans une série de sept arrêts du fonds cassés, sur les services d’investissement car les juges ont encore quelque difficulté à défendre le client : Cass. com., 2 février 2010, n° 08-20150 ; Juris-Data, n° 051447, et nos observations : JCP éd. E, n° 22, 3 juin 2010, 1523, partie "opérations financières", n° 29 à 37.

[82] H. CAUSSE, Réécrire les contrats d’assurance vie, L’Agefi 7 février 2003 ; Rédaction des contrats d’assurance-vie : lacunes et sanctions, Petites affiches Matot Braine, 21 nov. 2005 ; Cass. civ. 2, 18 février 2010, n° 09-10.595, Avril c. Caisse Nationale de Prévoyance : Juris-Data, n° 051702 ; Cass. civ. 2, 8 octobre 2009, n° 08-18928, Bull. civ. 2009, II, n° 239 nos observations : JCP éd. E, n° 22, 3 juin 2010, 1523, partie "opérations financières", n° 38.

[83] L'article L. 132-5-1 du Code des assurances, depuis modifié, permet au souscripteur de renoncer au contrat d’assurance-vie faute d’avoir obtenu l’information légale prévue, le délai de renonciation étant alors prorogé, ce qui fut enfin jugé à quatre reprises en 2006 (voyez par ex. : Cass. civ. 2, 7 mars 2006, n° 05-12.338) ; renonciation qui laisse en outre une action en dommage et intérêts de droit commun (Cass. civ. 2, 18 février 2010, n° 09-10.595, Avril c. Caisse Nationale de Prévoyance : Juris-Data, n° 051702). La documentation contractuelle des assureurs colle souvent mal aux textes (voyez nos observations à paraître dans la chronique de droit bancaire : JCP, E).

[84] H. CAUSSE, L’investisseur, in Mélanges CALAIS-AULOY, 2003.

[85] Notamment celles de régulateurs qui, de cette façon, se déchargeaient de leur mission légale !

[86] C. mon. fin., R. 214-14, al. 2.

[87] H. DE VAUPLANE et J.-P. BORNET, Droit des marchés financiers, Litec, 3ème éd., 2001, n° 703 ; A. COURET, H. LE NABASQUE, M.-L. COQUELET, TH. GRANIER, D. PORACCHIA, A. RAYNOUARD, A. REYGROBELLET, D. ROBINE, Droit financier, Dalloz, 1ère éd., 2008, n° 1091 ; TH. BONNEAU et F. DRUMMOND, Droit des marchés financiers, Economica, 3ème éd., 2010, n° 167.

[88] A. PUJAL, Des risques inhérents à ne pas sous-estimer, Banque magazine, novembre 2002, n° 641, p. 23.

[89] Mélanges AEDBF, 2009, p. 407.

[90] Il existe notamment les credit default swaps, credit linked notes, credit spread derivatives, total return swaps mais aussi les dérivés climatiques qui tendent à se développer.

[91] R. PAROLAI et J. LEWIS, La convention-cadre ISDA 2002 : le nouveau support juridique des opérations internationales de produits dérivés, Banque et Droit, n° 91, septembre-octobre 2003.

[92] Il suffit de voir l’ampleur engendrée par les activités sur les marchés par les CDS de titres souverains grecs. La difficulté s’est posée lors d’une augmentation des prix des CDS ayant agit directement sur les sous-jacents, c’est-à-dire sur les obligations grecques. Cette hausse a, par conséquent, entrainé un coût de financement par l’État grec important voire dramatique pour la situation économique et financière du pays déjà en proie à de nombreuses difficultés.

[93] P. LIGNIÈRES, Un État peut-il mourir de sa dette ?, Les échos, 6 mai 2010, p. 13.

[94] Cette interdiction avait été prononcée par l’Allemagne en mai 2010 contre toute attente faisant ainsi cavalier seul alors qu’une politique aurait dû être décidée au niveau européen. L’Autorité allemande des marchés financiers (Bafin) avait interdit aux investisseurs, pendant un certain délai, de vendre des obligations d’État et les assurances contre le risque de faillite d’un Etat (CDS) qu’ils ne détiennent pas et pour lesquels ils ne peuvent pas assurer leur disponibilité.

[95] H. DE VAUPLANE, Les propositions du G 20 en matière de sécurité sur produits dérivés, Revue Banque, janvier 2009, n° 709, p. 83 ; H. BOUCHETA, Compensation des Credit Default Swaps : Quels enjeux ?, Bull. Joly Bourse, avril 2009, n° 2, p. 158 sq ; A. CAILLEMER DU FERRAGE et C. SAUDO, Une chambre de compensation pour les dérivés de crédit, Bull. Joly Bourse, janvier-février 2010, p. 58 sq.

[96] H. CAUSSE, Les titres négociables, préc.

[97] A. DRIF, Course contre la montre pour le projet de banque des grandes entreprises, Les Echos]b, 5 oct; 2010, p. 31.

[98] Enjeux Les Echos, sept. 2010, p. 29.

[99] A. COURET, Innovation financière et règle de droit, D. 1999, 135 et s.

[100] Les concepts émergents en droit des affaires, préc. p. 447, sans doute parce que traîne l’idée fausse de vide juridique (ibidem) ; sur ce dernier aspect : http://www.hervecausse.info/Le-vide-juridique-ou-l-histoire-d-une-fausse-theorie-et-d-une-idee-mediatique-bien-vide-Vive-l-ere-du-vide-_a401.html

[101] Le système juridique accepte plus facilement certaines solutions et en rejette d’autres ; c’est parfois et généralement le cas pour des incohérences, parfois les raisons sont plus nébuleuses, presque culturelles. Un sociologue a souligné cette résistance pour son aspect social : on ne gouverne pas par décret lança Alain TOURAINE. Mais le sociologue peut aussi laisser entendre que certains domaines se gouvernent aisément par des normes écrites adoptées unilatéralement. C’est généralement faux. Le système juridique a sa résistance propre : ce « construit social » n’entend pas accueillir les solutions du moment, y compris les bonnes solutions économiques, si elles bouleversent le millier de règles déjà ordonnées et applicables.

[102] The Wall Street Journal, 9 déc. 2009.

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