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Reprise des actes juridiques faits en période de formation : vérifier "l'ensemble des circonstances" pour rechercher "la commune intention des parties" (Cass. com., 28 mai 2025, 2 arrêts)



Reprise des actes juridiques faits en période de formation : vérifier "l'ensemble des circonstances" pour rechercher "la commune intention des parties"  (Cass. com., 28 mai 2025, 2 arrêts)
On se souvient des arrêts du 23 novembre 2023 (cliquez ici) , arrêts de revirement relatifs à une condition de fond de la reprise des actes passés en cours de formation de la société. La chambre commerciale a appliqué sa solution, son revirement de jurisprudence, dans deux décisions du 28 mai 2025 (Cass. com., 28 mai 2025, n° 24-13370, Inédit ; 28 mai 2025, 24-13.435, Inédit). Ces arrêts sont "inédits" puisqu'ils n'apportent pas d'innovation, du moins majeure, par rapport à ceux de 2023. Il n'y avait pas à les publier au Bulletin de la Cour ces décisions, ils sont donc présentés en "inédits".

On sait que le problème tient à la façon dont se présente le fondateur qui conclut des actes pour former la société - le ou les fondateurs. Pour qu'un acte ou engagement soit repris par la société, avec effet rétroactif, il faut trois conditions de fond. Il faut qu'il s'agisse bien d'un acte juridique, qu'il soit relatif à la période de formation et qu'il ait été passé au nom ou pour le compte de la société en formation. L'acte ne doit pas avoir été conclu au nom de la société (future) par un dirigeant qui n'est qu'un futur représentant, donc éventuel.

Pour que cette 3e condition soit remplie, il fallait, avant 2023, bien indiquer par exemple : "Monsieur F. pour le compte de la société en formation BYZ". Sans ces mots "pour le compte", ou "au nom de la société en formation", le contrat conclu au nom de la société future était généralement jugé nul pour avoir été signé par une personne morale, une société, qui n'existait pas encore, avec un prétendu gérant ou directeur général, qui ne l'était donc pas.

Seule l'immatriculation confère au projet sociétaire, formalisé dans les statuts et divers autres documents, la personnalité morale (C. civ., art. 1842). Outre les conditions de fonds précitées, il faut respecter une des trois formalités possibles, et sur ce point la jurisprudence est ferme qui refuse une reprise implicite ou par la seule volonté du dirigeant social ; un très récent arrêt en atteste (Cass. com., 18 juin 2025, n° 24-14.311, Publié ; 13 décembre 2011, n° 11-10.699, Bull. 2011, IV, n° 210 ; 23 mai 2006, n° 03-15.486, Bull. 2006, IV, n° 130).

La solution relative aux termes de désignation des fondateurs, dans le contrat à rependre, avait un aspect de rigidité agaçant, mais sa logique juridique était rigoureuse : le contrat avec une personne qui n'existe pas ne peut pas exister, et cette personne ne peut avoir aucun dirigeant ou seulement pour être annulé (on pratique mal la sanction de l'inexistence en droit français).

La Cour de cassation exige aujourd'hui qu'une rédaction maladroite au plan juridique (qui ne dit pas "au nom" ou "pour le compte") soit examinée de près, en cas de contentieux (litige peut impliquer des tiers et leur préjudicier). Elle demande désormais au juge du fond d'apprécier "l'ensemble des circonstances" pour identifier "la commune intention des parties". La jurisprudence peut pardonner "une rédaction défectueuse" au prix de cette double recherche. Si le juge d'appel ne la fait pas, un pourvoi permet d'obtenir une cassation pour défaut de base légale. Ce défaut tient au fait que le juge n'a pas spécifié les circonstances qui peuvent lui faire penser, et juger, la commune intention des parties de conclure pour le compte ou au nom de la société en formation.

On note que si un conseil (notaire, avocat ou autre) intervient, il doit veiller et conseiller le fondateur pour qu'il formule bien sa présentation dans les contrats, même si le juge du fond peut aujourd'hui rattraper des maladresses. Il faut éviter les procès ! Faire un procès de six ans, jusqu'à la Cour de cassation, pour ne pas avoir utilisé les trois bons mots, cela constitue un préjudice, sans compter l'issue du litige, qui demeure incertaine, ce qui peut augmenter le préjudice.

On note que l'absence de reprise a toujours des conséquences néfastes, la société est privée d'un contrat et le fondateur est tenu par un contrat, même si sa charge peut être allégée si d'autres fondateurs sont apparus dans la conclusion de l'acte et peuvent y être tenus.

En conclusion, on note que le litige peut se nouer à la demande des parties intéressées ou des tiers, chacun plaidant dans son intérêt égoïste ; un coup on plaide pour ne pas être tenu s'il ne veut pas payer mais, autre type de litige, on peut plaider pour voir reconnu le plus solvable être tenu (parfois la société, mais parfois le ou les fondateurs...). Le type de litige ne devrait pas influencer l'analyse du juge (sur les circonstances et l'intention commune), mais le juge n'a pas la même indulgence avec la veuve et l'orphelin celui qui est dans l'opulence.

Il sera intéressant de voir s'il y a, demain, des variations, selon les juges du fond au vu du type d'intérêt défendu.

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