Une des "passerelles". Devenir avocat après 8 ans d'expérience de juriste d'entreprise : quelques difficultés (Cass. 1re civ., 10 juill. 2013).



Une des "passerelles". Devenir avocat après 8 ans d'expérience de juriste d'entreprise : quelques difficultés (Cass. 1re civ., 10 juill. 2013).
Le succès de cette note me conduit à la mettre à la UNE, 7 ans après sa publication. Un post la relatant sur "Link" a spécialement attiré mon attention. Ses 7 000 vues en 48 heures me font noter l'intérêt du sujet. Je la complète en reproduisant l'article 98 du décret du 27 novembre de 1991. Il cite les professionnels admis au Barreau par dérogation. Notamment, les "juristes d'entreprise" qui ont 8 ans d'expérience dans un "service juridique".

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L'arrêt de cassation, reproduit ci-dessous, relate les péripéties d'un juriste d'entreprise qui voulait faire jouer la dispense de diplôme et de formation pour s'inscrire au barreau ; c'est un cas classique mais qui soulève régulièrement des difficultés. Les Ordres d'avocat veillent au respect des textes applicables et, notamment, que le demandeur ait une véritable expérience de "juriste d'entreprise" de 8 ans. C'est leur mission dans le cadre de l'admission à l'ordre.

La cour d'appel avait statué, sur recours de la décision de l'Ordre, en rejetant la demande d'inscription du candidat. Le premier moyen de son pourvoi en cassation reproche à la Cour d'appel, et implicitement à l'Ordre, d'avoir rendu l'arrêt sans les conclusions du Bâtonnier. On peut penser que l'Ordre des avocats était tellement sûr que la cour confirmerait sa décision, qu'il n'a même pas pris les trois lignes de conclusions utiles.

Si tel fut le cas, c'était une erreur juridique.

En effet, la Cour de cassation casse sur ce seul moyen de droit tenant à l'absence de conclusions ; du coup, l'arrêt ne discute pas de la durée d'expérience des 8 ans et des divers emplois de juriste d'entreprise que le candidat invoquait ; on soulignera toutefois le fond de l'affaire, piquante, que les moyens du pourvoi (voyez ci-dessous) relatent :

- l'Ordre des avocats reprochait justement à ce candidat de ne pas avoir 8 ans d'expérience car il avait été absent cinq mois dans l'un de ses emplois, de n'avoir occupé l'un de ces emplois qu'à mi-temps et, outre ces constatations, de ne pas être arrivé à 8 ans d'expérience ; pour l'Ordre, la condition des 8 ans n'était pas réunie.

- le candidat invoquait, lui, un contrat de travail qui, si nous comprenons bien, au jour près, permettait d'atteindre les 8 ans, la cour d'appel ayant omis de prendre en compte un bulletin de salaire de 3 jours (de novembre 2011) qui permet de prouver que le délai de 8 ans est atteinte.

Voilà donc un litige qui se remarque ! La Cour de cassation sera approuvée de demander sa position à l'Ordre dans des conclusions, car seule ces conclusions déterminent le champ du litige en énonçant les motifs du refus finalement retenus ; devant la cour, il faut le faire par des conclusions pour que le juge du droit soit en mesure de vérifier, sur pourvoi, si le droit a été ou non appliqué (étant rappelé que de façon générale l'appel remet l'affaire en son entier devant la cour d'appel (effet dévolutif) et que le jugement du tribunal choqué d'appel ne vaut plus, pas plus que les conclusion produites en première instance).

Voilà en tout cas un début professionnel qui ne pouvait être pire et qui invitera les juristes d'entreprises, candidats au Barreau, à se donner un peu de marge et à ne pas produire un dossier étriqué où l'expérience des 8 ans se compte au jour près.

Certes ce conseil n'est pas strictement juridique et, en droit, l'intéressé arrivera peut-être à ses fins... après des années de procédure ?

Cette stratégie aura été bien plus longue que quelques semaines d'exercice professionnel de plus et donc bien peu efficace.

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Emprunté à la base Legifrance
Cour de cassation
chambre civile 1

Audience publique du mercredi 10 juillet 2013
N° de pourvoi: 12-26006
Non publié au bulletin Cassation

M. Charruault (président), président
SCP Baraduc et Duhamel, SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat(s)
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Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles 102 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le conseil de l'ordre a rejeté la demande d'inscription au tableau de l'ordre des avocats au barreau des Pyrénées Orientales présentée par M. X... sous le bénéfice de la dispense de formation prévue pour les juristes d'entreprise ;

Attendu que la cour d'appel a statué sur le recours formé par l'intéressé contre cette décision, alors qu'il ne ressort ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que le bâtonnier ait été invité à présenter ses observations, peu important que des conclusions aient été déposées au nom de l'ordre, partie à l'instance ;

Qu'en procédant ainsi, elle a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens du pourvoi :

CASSE ET ANNULE
, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juillet 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne l'ordre des avocats au barreau des Pyrénées Orientales aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille treize.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'inscription au barreau des Pyrénées Orientales présentée par Monsieur X...,

ALORS QUE la cour d'appel saisie d'un recours formé contre la décision du conseil de l'Ordre portant refus d'inscription au tableau doit inviter le bâtonnier à présenter ses observations ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas des mentions de l'arrêt que la cour d'appel ait invité le bâtonnier à présenter ses observations ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les articles 102 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION subsidiaire

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'inscription au barreau des Pyrénées Orientales présentée par Monsieur X...,

ALORS QUE, d'une part, après la clôture des débats, les parties peuvent déposer une note à l'appui de leurs observations en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ; qu'en l'espèce, après l'audience des débats du 18 juin 2012, au cours de laquelle le procureur général a été entendu en ses observations, Monsieur X... a produit une note en délibéré le 21 juin 2012 « afin de répondre aux arguments développés par le ministère public », note à laquelle l'arrêt attaqué ne fait aucune référence ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 445 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, d'autre part, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour répondre aux observations formulées par le procureur général, M. X... a produit une note en délibéré datée le 21 juin 2012 ; qu'en ne faisant aucune référence à ce document dans l'arrêt attaqué, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION subsidiaire

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'inscription au barreau des Pyrénées Orientales présentée par Monsieur X...,

AUX MOTIFS QUE l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 paragraphe 3ème 5ème et 6ème édicte que sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude de la profession d'avocat, les juristes d'entreprise, les juristes d'organisation syndicale et les juristes salariés de société d'avocats justifiant de 8 ans au moins de pratique professionnelle ; que Monsieur Michaël X... justifie par la production de bulletins de salaire et de certificats de travail avoir été :- salarié en qualité de juriste de la SELARL DONAT & Associés du 3 novembre 2003 au 28 février 2010 ;- directeurjuridique de la société MITJAVILA du 1er mars 2010 au 31 décembre 2010 ;- responsable juridique du GIE Magnescan du 31 décembre 2010 au 31 octobre 2011 ; que le simple calcul de la période d'activité revendiquée comme étant celle devant laquelle Monsieur Michaël X... a exercé la profession de juriste d'entreprise permet de constater que du 3 novembre 2003 au 31 octobre 2011 il n'y a pas 8 ans d'exercice professionnel, puisqu'il manque trois jours ; qu'en outre pendant sa période d'emploi à la SELARL Donat et Associés, Monsieur Michaël X... a été absent 154 jours ouvrables, soit plus de 5 mois ; qu'au cours de son emploi chez la société Mitjavila, il a été absent 43 jours, soit deux mois ouvrables ; que le contrat de travail avec le GIE Magnescan est un contrat à temps partiel où Monsieur Michaël X... travaillait trois heures 30 par jour au cours duquel il a été absent un mois et 12 jours ; que parallèlement M. Michaël X... justifie d'un contrat à temps partiel avec la SCM Coradix qu'à compter du 1er mars 2011 jusqu'au 31 octobre 2011, sans établir une pratique professionnelle régulière et à temps complet au-delà de cette date, alors que des travaux ponctuels, tel un projet d'assignation, sont insuffisants à établir la durée de l'activité professionnelle requise après le 31 octobre 2011 ; que les deux contrats de travail avec le GIE Magnescan et la SCM Coradix à compter du 6 mars 2012 jusqu'au 7 septembre 2012 ne peuvent être pris en compte car la condition d'expérience professionnelle doit être remplie à la date à laquelle le postulant a sollicité son admission, soit le 23 novembre 2011 ; que la notion de " pratique professionnelle effective " requise pour pouvoir bénéficier de la dispense de formation et du CAPA n'est pas assimilable à la notion d'ancienneté et s'entend d'un travail effectif à plein temps pour permettre l'acquisition d'une pratique professionnelle, dans laquelle les durées d'absences, aussi légitimes qu'elles puissent être dans un contrat de travail, ne peuvent être prises en compte ; que dans ces conditions, Monsieur Michaël X... ne justifie pas d'une durée de 8 années au moins de pratique professionnelle de juriste à temps plein, à supposer avéré que les quelques 7 ans effectués puissent correspondre aux qualifications professionnelles requises par la loi ;

ALORS QUE, d'une part, que sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat les juristes d'entreprise ou les juristes salariés d'un avocat justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle ; que les périodes de congés payés légaux n'ont pas à être décomptés du calcul de la durée requise ; qu'en jugeant que la notion de " pratique professionnelle effective " requise pour pouvoir bénéficier de la dispense de formation et du CAPA n'est pas assimilable à la notion d'ancienneté et s'entend d'un travail effectif à plein temps pour permettre l'acquisition d'une pratique professionnelle, dans laquelle les durées d'absences, aussi légitimes qu'elles puissent être dans un contrat de travail, ne peuvent être prises en compte, la cour d'appel a violé l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 ;

ALORS QUE, d'autre part, en tout état de cause, Monsieur X... a produit, à l'appui de sa demande d'inscription, ses bulletins de salaires de la SCM Coradix de mai à décembre 2010 (Production cour d'appel n° 9- Prod 5) ; que pour juger que la durée de huit ans de pratique professionnelle effective n'était pas établie, la cour d'appel a jugé que « Monsieur Michaël X... (ne) justifie d'un contrat à temps partiel avec la SCM Coradix qu'à compter du 1er mars 2011 jusqu'au 31 octobre 2011 » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé par omission les bulletins de salaire produits et a violé l'article 1134 du code civil ;

ALORS QUE, enfin et en tout état de cause, Monsieur X..., pour établir qu'il avait effectivement travaillé pour la société Coradix jusqu'au 3 novembre 2011, a produit non seulement des échanges de courriels, un projet d'assignation qu'il a rédigé à cette période et une attestation, mais surtout un bulletin de salaire de la société Coradix du 1er au 3 novembre 2011 (Prod cour d'appel n° 41 ¿ Prod 6) ; qu'en jugeant que « M. Michaël X... justifie d'un contrat à temps partiel avec la SCM Coradix qu'à compter du 1er mars 2011 jusqu'au 31 octobre 2011 », la cour d'appel a dénaturé par omission le bulletin de salaire produit et a violé l'article 1134 du code civil.
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ECLI:FR:CCASS:2013:C100830

Analyse
Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier , du 18 juillet 2012

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Article 98

Sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat :

1° Les notaires, les huissiers de justice, les greffiers des tribunaux de commerce, les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires au redressement et à la liquidation des entreprises, les anciens syndics et administrateurs judiciaires, les conseils en propriété industrielle et les anciens conseils en brevet d'invention ayant exercé leurs fonctions pendant cinq ans au moins ;

2° Les maîtres de conférences, les maîtres assistants et les chargés de cours, s'ils sont titulaires du diplôme de docteur en droit, en sciences économiques ou en gestion, justifiant de cinq ans d'enseignement juridique en cette qualité dans les unités de formation et de recherche ;

3° Les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises ;

4° Les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale ;

5° Les juristes attachés pendant huit ans au moins à l'activité juridique d'une organisation syndicale.

6° Les juristes salariés d'un avocat, d'une association ou d'une société d'avocats, d'un office d'avoué ou d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle en cette qualité postérieurement à l'obtention du titre ou diplôme mentionné au 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée ;

7° Les collaborateurs de député ou assistants de sénateur justifiant avoir exercé une activité juridique à titre principal avec le statut de cadre pendant au moins huit ans dans ces fonctions ;

Les personnes mentionnées aux 3°, 4°, 5°, 6° et 7° peuvent avoir exercé leurs activités dans plusieurs des fonctions visées dans ces dispositions dès lors que la durée totale de ces activités est au moins égale à huit ans.

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