Affaire dite du "MEDIATOR" : trois questions à Christophe Lèguevaques, Avocat au barreau de Paris, Docteur en Droit.



© phb.me  - Photo de Patricia GAUDAS
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Christophe LèGUEVAQUES, Avocat au barreau de Paris, docteur en droit (ci-contre © phb.me - Photo de Patricia GAUDAS), s’est spécialisé ces dernières années dans le droit des catastrophes et les risques collectifs.

Il intervient notamment dans la défenses de victimes dans les dossiers de l’accident d’un avion d’Air Vietnam, de l’affaire de la sur‐irradiation du CHU de Toulouse (145 personnes ont reçu des surdoses après un mauvais paramétrage d’un accélérateur de particules) et, encore, dans le dossier AZF, l'accident industriel d’une usine chimique du groupe TOTAL (2001) et qui revient en appel en septembre 2011.

Dans cette nouvelle affaire, il livre le fruit de son expérience


Quel premier conseil donneriez vous aux victimes du MEDIATOR ?


Avec le dossier MEDIATOR/ISOMERIDE, on peut regretter la couardise du pouvoir politique qui a toujours refusé l’instauration en France d’une procédure de « class action », d’action collective comme celle qui existe aux USA ou au Canada.

Ce type d’action simplifie la vie des victimes et concentre les demandes devant un seul tribunal. Protection des victimes et bonne organisation de la justice sont pourtant des objectifs affirmés dans les discours, rarement dans les actes.

Il faut dire que ce dossier met en évidence les liens curieux qui peuvent exister entre le monde politique et le monde des laboratoires pharmaceutiques…
Faute d’outils de droit adéquat, les victimes doivent s’unir en créant une association. Compte tenu du grand nombre potentiel de personnes concernées, il pourrait être recommandé de former des associations régionales et de les fédérer dans une association nationale. L’ensemble pourrait ainsi devenir un interlocuteur « incontournable » des pouvoirs publics et pourrait mutualiser les coûts d’enquête et les frais de procédure.

Comment gérer un dossier aussi complexe ?

Comme dans le dossier des irradiés, il convient de distinguer l’indemnisation des victimes et la recherche de la vérité. C’est la raison pour laquelle, le Ministère de la Santé devrait créer une COMMISSION D’EXPERTISE ET D’INDEMNISATION (CEI). C’est ce que nous avions obtenu de haute lutte pour les irradiés avec un certain succès puisque les premières indemnisations significatives ont été payés en 2010.

Regroupant l’Etat, les associations de victime, les laboratoires concernés et leurs assureurs, la CEI devrait mettre en place une solution amiable d’expertise et d’indemnisation au « bénéfice de qui il appartiendra ». Au cas par cas, les experts devront dire si le décès est imputable en tout ou partie aux MEDIATOR et devront proposer une indemnisation adéquate. En cas de désaccord, la victime peut toujours se tourner vers la justice.

Parallèlement, une enquête judiciaire confiée à un juge d’instruction doit être ouverte sans délais afin de faire la lumière sur toute cette affaire. En effet, en droit français, le juge d’instruction détient des pouvoirs d’enquêtes particulièrement étendus.

Pensez‐vous que la réponse judiciaire sera suffisante ?


On peut effectivement s'interroger, tout en affirmant le besoin de recours et d'actions judiciaires. Mais, compte tenu des informations révélées, la représentation nationale devrait constituer une commission d’enquête parlementaire pour comprendre pourquoi alors que, des signes avant coureur d’une catastrophe sanitaire étaient connus (depuis 2004), les services de l’Etat ont laissé se poursuivre la commercialisation de ce médicament qui s’avère mortel.

Le cas échéant, et si des éléments suffisants sont découverts, il convient de réserver la possibilité de saisir contre les ministres de la Santé successifs la Cour de justice de la République, comme cela fut le cas dans l’affaire du « Sang contaminé ».



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Il m'est particulièrement agréable de publier cette réaction de Christophe LEGUEVAQUES qui a été formé à l'école de la rigueur et de la grande technicité du droit des affaires (au point de faire en parallèle une thèse sur les défaillances bancaires !).

Il a lourdement investi, ces dernières années, dans le droit des victimes. Il m'avait été donné de lire ses conclusions dans l'affaire AZF et j'avais alors pu juger de la qualité de ses analyses qui pouvaient faire trembler toute institution quelle que fût sa dimension et sa puissance financière.

H. C.


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