Bernard TAPIE perd tout ! Voyez l'arrêt Tapie de la Cour d'appel de Paris du 3 décembre 2015 (PDF joint)



C'était une décision très attendue et elle ne déçoit pas l'amateur ! Les commentateurs (ceux des médias) pouvaient penser que la cour d'appel de Paris rendrait une solution dans l'esprit de celle qu'elle avait donnée dans un arrêt du 30 septembre 2005. A l'époque, la même cour avait octroyé aux époux TAPIE (en vérité à ses liquidateurs et à ses sociétés) environ 130 millions d'euros.

Mais le juge ne gère pas l'opinion publique, même s'il ne l'ignore pas pour être un citoyen attentif à l'évolution des choses, des mentalités... du monde. Le juge statue en droit et sur des demandes précises et ici multiples, dans un cadre souvent complexe fait de multiples parties, de multiples décisions antérieures (judiciaires et arbitrales) ; il juge sous la contrainte de la loi qu'il doit appliquer : l'oeuvre du juge vaut la chirurgie du cerveau qui recourt au laser.

Une partie de l'opinion publique restera néanmoins perplexe.

L'oeuvre du juge, pour garantir les droits des parties, et le respect du droit, donc de la démocratie ancrée à l'Etat de droit, est donc bien éloignée des lignes synthétiques des éditoriaux qui, si éclatantes soient-elles, ne convainquent que ceux qui ne connaissent guère le droit et la justice.

La décision du 3 décembre 2015 exprime parfaitement cette complexité, encore que l'arrêt ne dépasse pas 40 pages.

Vous pouvez obtenir cet arrêt en cliquant ci-dessous (v. ci-dessous le PDF).

On tâchera de véritablement la commenter ultérieurement, ici ou ailleurs.

La présente note est une brève et simple mise en perspective.

La décision de 2005, quant à elle, avait été cassée par la Cour de cassation en 2006 qui, à l'occasion, en sa formation solennelle d'Assemblée plénière, avait énoncé le principe selon lequel un banquier est libre d'octroyer un crédit (décision ci-dessous). L'arrêt d'appel indiquait que les banques n'auraient pas dû financer les repreneurs alors qu'elles n'avaient pas financé B. TAPIE, ce qui donc ne pouvait a priori pas interférer dans l'appréciation de la violation de l'obligation de loyauté du mandataire (de la ou des banques en cause).

Le principe de libre octroi ou refus d'un crédit était ainsi posé en jurisprudence.

C'est sous cet aspect qu'elle critiquait l'arrêt d'alors, semblant accepter l'idée que la banque historique de M. Tapie, la SBDO, était fautive pour avoir réalisé un montage pour acheter la société Adidas, accordé une option d'achat à terme à l'une d'elle (une société de P.-L. DREYFUS) et avoir ainsi et ensuite participé à sa revente avec une importante plus-value.

Il semblait acquis que le mandataire ne pouvait se comporter ainsi, ce qui semblait souligner la faute des banques qui conseillaient B. TAPIE.

L'affaire avait été commentée comme rappelant avec netteté, et force de publicité étant donné les acteurs (M. Tapie et le Crédit Lyonnais), l'onligation de loyauté du mandataire à l'égard du mandant.

Nous avons relevé, dans notre dernier Panorma de Droit bancaire et financier (Hebdo Affaires LEXBASE, 11 novembre 2015, éditions LEXBASE ; avec des extraits ci-dessous), les limites de l'analyse en termes de mandat (du Code civil) ; quand une banque est missionnée pour touver un acheteur, elle n'est pas en vérité mandataire puisqu'elle n'a aucun pouvoir de représentation : elle ne signe pas pour le soi-disant mandat (vendeur), la qualification de mandat est plus que douteuse. Nous le signalons aussi dans notre ouvrage qui sort ces jours-ci (Droit bancaire et financier, éd. Mare et Martin, 2015). Bref, il aurait sans doute fallu placer le débat sur un autre terrain que la seule convention mandat.

C'est un point essentiel mais qui n'a jamais été soulevé car ces opérations bancaires sont peu analysées - la preuve !

Toutefois, le procès avait été mené contre le Crédit Lyonnais, la maison mère de la SBDO, sur le fondement contractuel alors qu'il l'aurait dû, sous toute vraisemblance, l'être sur un fondement délictuel. L'arrêt d'appel était encore cassé sur ce point. La cassation était néanmoins partielle pour concerner les dommages et intérêts octroyés quand d'autres points jugés n'étaient pas remis en cause ; dont notamment un point de recevabilité, soit un droit concret pour B. TAPIE de demander des réparations. La nouvelle décision réduit à néant ce point pour déclarer irrecevables les demandes des époux TAPIE telles que formulées.

Une convention d'arbitrage a ensuite été conclue pour éviter le juge judiciaire et gagner du temps (ce qui ne fut pas le cas !), puis un arbitrage a été rendu, puis un arrêt de la Cour d'appel de Paris de février 2015 a finalement annulé cette sentence d'arbitrage.

Cette annulation a abouti après qu'une enquête pénale a été lancée et a abouti à de multiples mises en examen ; tout le monde sait que les juges d'instructions en charge estiment que la convention d'arbitrage et/ou la procédure arbitrale ont été détournées pour appliquer une décision d'indemnisation qui, selon eux, aurait été préalable. En bref, une escroquerie (en bande organisée). Il y aura un procès pénal (un jugement, un arrêt et après pourvoi un arrêt de cassation...).

Au fil de l'instruction pénale, l'invraisemblable est ainsi devenu vraisemblable (mais le juge pénal n'a pas encore statué), et il en est ressorti, en tout cas, que le management de l'arbitrage n'est pas passé par toutes les précautions utiles du côté de B. TAPIE ; cela a conduit à son annulation, et cela a montré une faille dans la méthode judiciaire des demandeurs.

Sur cette annulation de la sentence arbitrale, voyez l'arrêt

La Cour d'appel de Paris a néanmoins statué, le 3 décembre, dans le cadre de cette convention d'arbitrage (depuis le début décriée comme étant nulle pour mettre en cause de l'argent public, mais l'inverse a été jugé). L'affaire a une nouvelle fois mis en cause les sociétés (CDR SA) gérant les actifs du Crédit Lyonnais et de la SBDO dans un plan de sauvetage de la banque, plan légalement prévue par une loi de 1995 adoptée à cette fin (il s'agissait de ne pas voir le Crédit Lyonnais, banque alors contrôlée par l'Etat, tomber officiellement en faillite).

L'arrêt du 3 décembre 2015 donne une situation qui est à la fois nouvelle et renversée.

Toutefois, en prélimianaire, l'irrecevabilité que juge la Cour d'appel de Paris réduit le procès à peu de choses sinon à néant, on ne peut pas davantage en parler, il convient d'y réféchir. Mais en caricaturant, on pourrait dire au vu de ce point qu'il n'y a pas d'affaire Tapie.

Pourtant la Cour d'appel répond au arguments de fond d'une demande qu'elle juge irrecevable.

Renversée parce qu'il n'y aurait pas de faute des banques intervenues dans cette opération qui a abouti à un montage (un pool de sociétés et une option d'achat à terme accompagnée de différents financements de ces intervenants de la part de ces banques). Mais nous avons dit ci-dessus que la thèse du mandat civil n'était pas la meilleure...

Nouvelle parce qu'il n'y aurait plus de dommages et intérêts à verser à Bernard TAPIE, qui doit donc rembourser les sommes qu'il a perçues en vertu de la sentence arbitrale. Ce qui signifie, comme il l'a lui-même dit à la presse, qu'il est ruiné.

L'octroi d'un euro de dommages et d'intérêts pour préjudice moral symbolise une situation qui éberluera le public par rapport aux 45 millions d'euros accordés préalablement par les arbitres - point qui n'était pas, il est vrai, le moins contestable de la sentence.

La complexité du dossier fait hésiter sur le point de savoir si, en son coeur, celui de la responsabilité de la banque, l'affaire est terminée.

Il peut en effet y avoir diverses difficultés pour B. TAPIE pour former un pourvoi utile.

A suivre...






Cour de cassation
Assemblée plénière
Audience publique du lundi 9 octobre 2006
N° de pourvoi: 06-11056
Publié au bulletin Cassation partielle.


Premier président : M. Canivet., président
M. Petit., conseiller rapporteur
M. Lafortune., avocat général
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, SCP Piwnica et Molinié, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Me Jacoupy ., avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi n S 06-11.056 formé par la société CDR créances (le CDR créances) venant aux droits de la Société de banque occidentale (la SDBO) que sur le pourvoi n Q 06-11.307 formé par la société Le Crédit lyonnais (le Crédit lyonnais), qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... avait, avec son épouse, organisé ses activités et son patrimoine autour de deux sociétés en nom collectif dont ils étaient les seuls associés, la société Financière et Immobilière Bernard X... (la société FIBT) et la société Groupe Bernard X... (la société GBT) ; que tandis que la première regroupait les divers actifs patrimoniaux des époux X..., la seconde détenait la majorité du capital de la société anonyme Bernard X... finance (la société BTF SA), elle-même détentrice des participations industrielles du groupe et notamment de celle acquise en juillet 1990 et janvier 1991, par l'intermédiaire de la société allemande BTF GmbH et avec le concours financier de la SDBO, dans le capital de la société Adidas ; que M. X... ayant décidé de cesser ses activités industrielles et commerciales, les sociétés GBT, FIBT et BTF SA ont, les 10 et 16 décembre 1992, conclu avec la SDBO un "mémorandum" puis une "lettre d'engagement" aux termes desquels la société BTF SA s'engageait de manière irrévocable à vendre, au plus tard le 15 février 1993 et pour un prix fixé à 2 085 000 000 francs, à toutes sociétés désignées par la SDBO et à première demande de celle-ci, la totalité de ses parts représentant 78 % du capital de la société BTF GmbH ainsi qu'à affecter l'intégralité du prix à percevoir de cette cession au remboursement des concours ayant bénéficié aux trois sociétés, lesquelles devaient par ailleurs fusionner au sein d'une société nouvelle ; que ce même 16 décembre 1992, la société BTF SA a confié à la SDBO, pour la même durée, le mandat irrévocable de solliciter des acquéreurs et de recevoir le prix ; que les cessions prévues sont intervenues le 12 février 1993 au profit de huit sociétés, parmi lesquelles la société Clinvest, filiale du Crédit lyonnais, qui, alors qu'elle était déjà titulaire de 10 % du capital de la société BTF GmbH, en a acquis 9,9 % supplémentaires, et la société Rice SA constituée par M. Y..., à l'aide pour certaines d'entre elles d'un prêt spécifique dit "à recours limité" accordé par le Crédit lyonnais et stipulant notamment qu'en cas de revente, la plus-value serait partagée à raison d'un tiers pour l'emprunteur et de deux tiers pour la banque ;

que le même jour, l'ensemble des cessionnaires a par ailleurs consenti à M. Y..., jusqu'au 31 décembre 1994, une promesse de cession de leurs acquisitions respectives pour un prix de 3 498 000 000 francs, option qui a été levée le 22 décembre 1994 ; que le mémorandum n'ayant pu être exécuté, non plus que le protocole signé le 13 mars 1994 avec le Crédit lyonnais pour mettre fin aux relations bancaires des intéressés et solder les comptes du groupe X..., les prêts accordés à celui-ci ont été rendus exigibles ; que les sociétés du groupe X... ont alors fait l'objet de procédures de redressement puis de liquidation judiciaires, bientôt poursuivies sous patrimoine commun, à l'exception de la société BTF SA qui, bénéficiant d'un plan de continuation, est devenue la Compagnie européenne de distribution et de pesage (la société CEDP) ; que reprochant au Crédit lyonnais et à la SDBO d'avoir abusivement soutenu le groupe X... et frauduleusement conclu, dès le mois de décembre 1992, "un accord secret de revente au double" avec M. Y..., les organes des procédures collectives ont recherché la responsabilité du Crédit lyonnais et de la SDBO ; qu'après avoir déclaré la société Mandataires judiciaires associés (la société MJA) et M. Z... recevables à agir, en leur qualité de mandataires liquidateurs des sociétés GBT, FIBT, BTF SA et Bernard X... gestion (la société BTG) ainsi que de M. et Mme X..., en réparation du préjudice subi par la société GBT et dit que, bien que n'ayant pas été partie au mandat, le Crédit lyonnais était obligé par celui-ci, la cour d'appel a jugé, tout d'abord, que les deux établissements de crédit avaient failli à leurs obligations de mandataires en se portant acquéreurs par personnes interposées des participations qu'ils étaient chargés de vendre ainsi qu'en manquant de loyauté envers le mandant qu'ils n'avaient pas informé des négociations en cours avec M. Y... et auquel ils n'avaient pas proposé les prêts à recours limité octroyés aux cessionnaires et, ensuite, que cette dernière faute avait fait perdre au groupe X... une chance de réaliser le gain dont il aurait bénéficié si, ayant obtenu le financement adéquat, il avait pu vendre directement les participations Adidas à M. Y... en décembre 1994 ; qu'appréciant ce préjudice au regard des conditions des prêts à recours limité, elle a en conséquence condamné la SDBO et le Crédit lyonnais à payer aux mandataires liquidateurs une indemnité de 135 000 000 euros égale, selon son calcul, au tiers de la différence existant entre le prix qui aurait pu être obtenu en décembre 1994 et celui perçu en février 1993, réservant sa décision quant à la réparation éventuelle du préjudice consécutif à la mise en liquidation judiciaire des entités du groupe X... et à l'incidence fiscale de sa décision ;

Sur le cinquième moyen du pourvoi formé par le CDR créances et le premier moyen du pourvoi formé par le Crédit lyonnais, qui sont préalables, réunis :

Attendu que le CDR créances et le Crédit lyonnais font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action engagée contre eux par la société MJA et M. Z..., agissant en leur qualité de mandataires liquidateurs des sociétés GBT, FIBT, BTF SA et BTG, ainsi que de M. et Mme X..., alors, selon le moyen développé par le CDR créances :

1 / que si l'existence d'un groupe de contrats peut justifier l'intérêt du tiers à agir à l'encontre d'une personne avec laquelle il n'est pas directement lié par un contrat, cette circonstance ne lui donne pas pour autant qualité pour exercer à son encontre une action de nature contractuelle ; qu'en l'espèce, les liquidateurs judiciaires de la SNC GBT fondaient leur action à l'encontre du Crédit lyonnais et du CDR créances sur la violation de leurs obligations contractuelles de mandataire, ainsi qu'en atteste le visa des articles 1116, 1134, 1596, 1991 et 1992 du code civil ; qu'en jugeant leur action recevable au motif inopérant qu'existait un lien indiscutable entre le mandat du 16 décembre 1992 et le mémorandum du 10 décembre 1992, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil, ensemble l'article 31 du nouveau code de procédure civile ;

2 / qu'un tiers à un contrat ne saurait se prévaloir de la violation des obligations qu'il renferme sans établir que le manquement invoqué est également constitutif d'une faute à son égard ; qu'en l'espèce, le mémorandum du 10 décembre 1992 se bornait à prévoir l'affectation du prix de la cession future d'Adidas à l'apurement des dettes de la société BTF SA et de la SNC GBT à l'égard de la SDBO ; que ce mémorandum ne faisait référence ni aux modalités de la cession à intervenir, ni à l'existence d'un mandat entre BTF SA et la SDBO ; qu'en jugeant que, du seul fait de sa qualité de partie au mémorandum du 10 décembre 1992, la SNC GBT était fondée à demander réparation du préjudice que lui avait personnellement causé les manquements de la SDBO aux obligations d'information et de loyauté que mettait à sa charge le mandat qui lui avait été confié par la société BTF SA, la cour d'appel a violé les articles 1165 et 1382 du code civil ;

3 / que l'actionnaire d'une société est irrecevable à demander à un tiers la réparation d'un préjudice qui n'est que le corollaire d'un dommage infligé à cette société ; qu'en affirmant, au contraire, que les liquidateurs judiciaires de la SNC GBT, actionnaire majoritaire de la société BTF SA, étaient recevables à demander l'indemnisation du préjudice qu'ils estimaient avoir subi par ricochet à raison de l'exécution fautive du contrat du 16 décembre 1992, la cour d'appel a violé l'article 31 du nouveau code de procédure civile ;

4 / que le CDR créances rappelait dans ses conclusions que, selon les termes du mémorandum du 10 décembre 1992, l'affectation de la trésorerie disponible dégagée par la cession d'Adidas et des autres filiales industrielles de BTF SA au désendettement des SNC GBT et FIBT était subordonnée à la condition préalable d'une fusion des sociétés BTF SA, GBT et FIBT en une entité unique, cette condition étant nécessaire pour éviter un abus de biens sociaux au préjudice de BTF SA ; qu'elle soulignait encore que la société BTF SA avait expressément renoncé à la fusion envisagée, en raison de l'hostilité de ses actionnaires minoritaires, ce dont elle avait informé la SDBO et la COB par lettres des 28 janvier et 3 février 1993 ; qu'en se bornant à affirmer que la SNC GBT était recevable à critiquer les conditions d'exécution du mandat de vente d'Adidas du seul fait de sa qualité de partie au mémorandum du 10 décembre 1992 sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la renonciation de la société BTF SA au projet de fusion entre les trois sociétés concernées n'avait pas rendu le mémorandum caduc et privé la SNC GBT de tout intérêt à se plaindre des circonstances de la cession d'Adidas par sa filiale BTF SA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du nouveau code de procédure civile ;

5 / que la réparation octroyée au demandeur ne peut excéder les limites dans lesquelles le juge a admis son intérêt à agir ; qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que la SNC GBT n'avait d'intérêt à agir qu'autant qu'une partie du prix de vente que la société BTF SA percevrait au titre de la cession d'Adidas serait affectée à l'extinction de ses dettes propres, dans les conditions prévues par le mémorandum du 10 décembre 1992 ; que l'arrêt attaqué, qui reconnaît lui-même que la SNC GBT n'avait pas qualité pour "demander la remontée de la plus-value qui aurait pu être réalisée par BTF SA à la suite de la vente d'Adidas", ne pouvait, sans méconnaître les conséquences de ses propres constatations et violer les articles 1382 du code civil et 31 du nouveau code de procédure civile, octroyer au seul profit de la SNC GBT une somme de 135 000 000 euros correspondant à la plus-value que le "Groupe X..." aurait réalisée si un prêt à recours limité lui avait été proposé ;

6 / qu'en omettant de préciser laquelle des entités du "Groupe X..." avait perdu une chance de réaliser cette plus-value et d'indiquer si cette entité était distincte du vendeur BTF SA, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que le préjudice dont elle ordonnait réparation était bien un préjudice personnel de la SNC GBT, distinct de celui subi par sa filiale BTF SA ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du nouveau code de procédure civile ;

7 / qu'une éventuelle acquisition par la SNC GBT des titres d'Adidas détenus par sa filiale BTF SA au moyen de prêts à recours limités consentis par le Crédit lyonnais aurait caractérisé un abus de biens sociaux par transfert illicite des plus-values latentes de l'actif d'une société cotée en bourse (BTF SA) au profit de l'un de ses actionnaires (SNC GBT), de sorte qu'en déclarant la SNC GBT recevable à appréhender, à titre de réparation, le produit de ce montage illicite, la cour d'appel a violé les articles L. 242-6 du code de commerce et 31 du nouveau code de procédure civile ;

et, selon le moyen développé par le Crédit lyonnais :

8 / qu'une société est irrecevable à demander l'indemnisation d'un préjudice subi par une autre société dont elle détient les parts sociales ; qu'en déclarant l'action exercée par les mandataires judiciaires de la SNC GBT en réparation d'un préjudice prétendument subi par la société BTF SA, société dont la SNC GBT avait été actionnaire, la cour d'appel a violé l'article 31 du nouveau code de procédure civile ;

9 / qu'ayant constaté la perte, par la SNC GBT, de sa qualité d'actionnaire de la société BTF SA depuis le 25 octobre 1995, par suite de l'attribution des actions de BTF à la SDBO, et dès lors qu'il était par ailleurs constant que l'instance engagée par les liquidateurs judiciaires du "Groupe X..." et des époux X... aux fins de condamnation du Crédit lyonnais, de SDBO et de Clinvest à leur payer une indemnité globale de 2 500 000 000 francs à raison de diverses fautes prétendues, avait été introduite par acte du 21 février 1996 soit postérieurement à la perte par la SNC GBT de sa qualité d'actionnaire de la société BTF SA, la cour d'appel, qui a refusé d'en déduire l'absence d'intérêt actuel de GBT et de ses liquidateurs à se plaindre des circonstances de la cession par la société BTF SA des parts de la société BTF GmbH, a violé l'article 31 du nouveau code de procédure civile ;

10 / qu'en déduisant l'intérêt à agir de la SNC GBT et de ses liquidateurs de l'application d'un mémorandum prévoyant l'affectation par la société BTF SA du prix de la future cession d'Adidas au paiement des sommes dues par GBT à la SDBO, application hypothétique puisque dépendant de la possibilité pour BTF de réaliser effectivement cette affectation, une fois la cession réalisée, voire de sa volonté de respecter les termes du mémorandum, la cour d'appel a retenu un intérêt à agir purement éventuel, en violation de l'article 31 du nouveau code de procédure civile ;

11 / qu'en ne recherchant pas, comme l'y avait invité le Crédit lyonnais, si l'exécution du mémorandum prévoyant une affectation du produit de la vente des parts de la société BTF GmbH, détenant elle-même Adidas, détenues par la société BTF SA au remboursement des concours consentis par la SDBO à la SNC GBT et à la SNC FIBT, n'était pas subordonnée à la réalisation préalable d'une condition tenant à la fusion de ces deux dernières sociétés et de la société BTF SA, dès lors que la société BTF SA était une société cotée et que la plus-value résultant de la cession des parts lui appartenant ne pouvait, sans lésion des intérêts des actionnaires minoritaires, être affectée au paiement des dettes de sociétés tierces, l'une d'elles étant la SNC GBT, fût-elle actionnaire de la société BTF SA, et si, en conséquence, l'abandon rapide du projet de fusion entre les trois sociétés concernées n'avait pas rendu le mémorandum caduc et privé la SNC GBT de tout intérêt, même purement éventuel, à se plaindre des circonstances de la cession par la société BTF SA de s parts de la société BTF GmbH, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du nouveau code de procédure civile ;

12 / qu'en affirmant purement et simplement que les mandataires judiciaires de la SNC GBT seraient recevables à solliciter l'indemnisation du préjudice par ricochet subi du fait de la prétendue exécution fautive du contrat du 16 décembre 1992, sans toutefois préciser aucunement la teneur de ce prétendu préjudice par ricochet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de leurs conclusions que le CDR créances et le Crédit lyonnais aient développé, à l'appui de leur contestation relative à la recevabilité de l'action des mandataires liquidateurs, les critiques évoquées par les quatrième, cinquième, sixième, septième, dixième et onzième branches du moyen, qui sont nouvelles et mélangées de fait et de droit ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que les mandataires liquidateurs ne se bornaient pas à demander l'indemnisation de la perte éprouvée par la société GBT en sa qualité d'actionnaire de la société BTF SA mais qu'invoquant des manquements à la convention du 16 décembre 1992 par laquelle cette dernière société avait, en exécution du mémorandum du 10 décembre 1992 dont cette convention constituait la mise en oeuvre, chargé la SDBO de la cession de sa participation, ils sollicitaient en outre la réparation du préjudice subi par la société GBT pour avoir été privée d'une partie des fonds que le mémorandum avait prévu d'affecter au remboursement de ses propres dettes ; qu'en l'état de ces constatations dont il résulte que les mandataires liquidateurs, qui se prévalaient d'un préjudice propre à la société GBT, distinct de son préjudice d'actionnaire et susceptible d'être rattaché à des manquements aux conventions souscrites, avaient ainsi, dans cette mesure et abstraction faite du bien-fondé de leurs prétentions indifférent à ce stade, un intérêt à agir en responsabilité contre les établissements de crédit, la cour d'appel, qui n'encourt aucun des griefs articulés par les première, deuxième, troisième, huitième, neuvième et douzième branches, a exactement décidé que l'action, en tant qu'elle tendait à la réparation de ce préjudice personnel, était recevable ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, est mal fondé pour le surplus ;

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi formé par le CDR créances, réunis :

Attendu que le CDR créances fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la SDBO avait manqué à ses obligations de mandataire, alors, selon le moyen :

1 / que la prohibition faite au mandataire de se porter contrepartie est d'intérêt privé et ne sanctionne que les opérations de contrepartie dissimulées au mandant ; qu'en l'espèce, les liquidateurs judiciaires des sociétés du "Groupe X..." n'avaient pas soutenu dans leurs conclusions que le renforcement par Clinvest de ses propres participations dans le capital de la société BTF GmbH (Adidas) réalisé par l'acquisition de 9,90 % supplémentaires, ait été constitutif d'une opération de contrepartie qui aurait été dissimulée au mandant et de ce fait illicite au regard de l'article 1596 du code civil ; qu'ils avaient, en outre, abandonné toute demande de ce chef contre la société CDR participations, venant aux droits de Clinvest, dans leurs dernières conclusions ; qu'en affirmant pourtant qu'il n'aurait pas été rendu compte au mandant de l'acquisition par Clinvest d'un bloc de titres de 9,90 % pour en déduire que cette acquisition était illicite au regard de l'article 1596 du code civil, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

2 / que la prohibition édictée par l'article 1596 du code civil n'a pas lieu de jouer lorsque le mandant consent à ce que le mandataire se porte contrepartie en ratifiant l'opération ; qu'en l'espèce, il indiquait dans ses conclusions que la société BTF SA était représentée par un mandataire ad hoc, un avocat, par le truchement duquel elle avait conclu l'acte du 12 février 1993 portant cession des 78 % qu'elle détenait dans le capital de la société BTF GmbH au profit de divers acquéreurs nommés incluant la société Clinvest pour 9,90 % ;

qu'en affirmant que cette acquisition d'un bloc de 9,90 % par Clinvest était illicite au regard de l'article 1596 du code civil, sans rechercher si la société BTF SA, mandante, n'avait pas consenti en connaissance de cause à vendre une partie de ses parts à Clinvest, dès lors qu'elle avait conclu l'acte de cession désignant celle-ci comme l'un des acquéreurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

3 / que seul l'octroi d'un droit d'intervention dans les affaires sociales au profit du prêteur de deniers est de nature à lui conférer la qualité d'associé de l'affaire qu'il finance ; qu'en l'espèce, il soulignait dans ses conclusions que les conventions de prêts à recours limité conclues entre le Crédit lyonnais et certains des acquéreurs des parts de la société BTF GmbH (Adidas) n'avaient conféré à la banque aucun droit d'intervention dans les affaires de la société cédée, chacun des emprunteurs demeurant libre d'exercer ses prérogatives d'associé à sa convenance, sans avoir de compte à rendre à la banque ; que, pour décider que le Crédit lyonnais s'était porté acquéreur des parts de la société BTF GmbH par personnes interposées, la cour d'appel a retenu que les acquéreurs de ces parts n'en étaient que les propriétaires apparents, dès lors qu'ils avaient conventionnellement renoncé à disposer librement de leurs parts et que la banque s'était elle-même réservée les deux tiers de la plus-value que pourrait dégager la revente de ces parts ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à justifier la disqualification de ces contrats de prêts en société, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les prêts à recours limité aient conféré à la banque un droit d'intervention dans les affaires sociales de la société BTF GmbH, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1596, 1832 et 1892 du code civil ;

4 / que l'article 8-3 des conventions de prêt à recours limité prévoyait : "indépendamment de la réalisation de toute opération de cession, l'Emprunteur aura la faculté de rembourser par anticipation l'intégralité du présent prêt moyennant respect d'un délai de préavis de quinze jours. (...) Tout remboursement sera définitif et interviendra pour solde de tout compte." ; qu'il résulte des termes clairs et précis de cette disposition que les emprunteurs avaient la faculté de recouvrer à tout moment la libre disposition de leurs parts en se réservant l'intégralité d'une éventuelle plus-value en substituant un prêt classique au prêt à recours limité ; qu'en affirmant qu'il résultait de la combinaison des articles 8 et III des conventions de prêt que les emprunteurs, propriétaires apparents, ne resteraient en définitive en possession de leurs titres que si leur valeur s'avérait nulle, pour en déduire que cette opération constituait un portage, la cour d'appel a dénaturé les stipulations claires de l'article 8 des conventions de prêt à recours limité, en violation de l'article 1134 du code civil ;

5 / que le portage est la convention par laquelle une personne acquiert des titres pour le compte d'un donneur d'ordre qui s'engage à les lui racheter ou les faire racheter par un tiers à une date fixée et pour un prix minimal ; qu'en jugeant que les prêts consentis par le Crédit lyonnais à certains des acquéreurs des parts de la société BTF GmbH (Adidas) constituaient une opération de portage dans l'attente de la levée de l'option consentie jusqu'au 31 décembre 1994, à la demande de la banque, par tous les associés à M. Y..., cependant qu'elle constatait que M. Y... s'était seulement vu consentir une option d'achat à terme sur ces parts, ce dont il résultait que les co-acquéreurs d'Adidas n'étaient créanciers d'aucun engagement de rachat de leurs parts, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

6 / que le mandataire chargé de vendre des parts sociales n'est tenu de porter à la connaissance du mandant que les éléments de nature à conduire ce dernier à renoncer à la vente projetée ou à en réviser les conditions ; qu'en retenant qu'il entrait dans les obligations de la SDBO d'informer son mandant qu'un repreneur était "éventuellement acheteur" à un terme de deux ans pour un prix supérieur à celui fixé par le mandant, cependant qu'elle relevait qu'il ne s'agissait que d'une simple option d'achat, insusceptible de déboucher sur la moindre certitude d'une vente future, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 199 2 et 1147 du code civil ;

7 / que la cour d'appel qui reproche, de surcroît, au Crédit lyonnais de ne pas avoir informé M. Bernard X... qu'il était prêt à financer les acquéreurs d'Adidas, information de nature indifférente au mandant et que la banque n'avait pas à porter à sa connaissance viole derechef les articles 1992 e t 1147 du code civil ;

8 / qu'il en est d'autant plus ainsi que le banquier, tenu d'un devoir de confidentialité sur les affaires de ses correspondants, n'a pas à révéler, fût-ce à son propre mandant, les conventions privées conclues par les acquéreurs des parts sociales qu'il est chargé de vendre, dès lors qu'elles se rapportent à des opérations distinctes du contrat projeté ; qu'il lui est loisible de financer les acquéreurs sans être tenu d'en informer son mandant ; qu'en jugeant que le Crédit lyonnais avait commis une faute en s'abstenant de dévoiler à son mandant la circonstance que la banque était disposée à consentir un financement à certains des acquéreurs d'Adidas ainsi que les arrangements réciproques par lesquels certains de ces acquéreurs avaient consenti à l'un d'entre eux une option de rachat à terme de leurs actions, la cour d'appel a violé les articles 1992 et 1147 du code civil et L. 511-33 du code monétaire et financier ;

9 / que le mandataire n'est pas tenu d'attirer spécialement l'attention de son mandant sur des informations publiques d'ores et déjà connues de lui ; qu'en l'espèce, il versait aux débats, d'une part, un communiqué de presse du 4 février 1993, antérieur à la vente d'Adidas, par lequel M. Bernard X... avait, par avance, publiquement défendu la légitimité de l'intervention du Crédit lyonnais dans le financement des acquéreurs et, d'autre part, les déclarations par lesquelles Mme Gilberte A..., conseil habituel de M. X..., avait indiqué au sujet de l'option d'achat consentie par les co-acquéreurs d'Adidas à M. Y... : "Je connais évidemment la clause dès l'achat des parts de X.... Mais je ne me rappelle pas si je lui en ai parlé. Il est plus probable que j'en ai parlé à son adjoint Elie Fellous", PDG de la société BTF SA ; qu'en jugeant que le Crédit lyonnais avait méconnu ses obligations de mandataire en dissimulant de tels éléments, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si leur connaissance, par le mandant n'était pas suffisamment établie par les pièces susvisées, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 1992 et 1147 du code civil ;

Mais attendu que, si l'arrêt relève tout d'abord que les banques ont commis des fautes en se portant cessionnaires des parts qu'elles avaient pour mandat de céder et en manquant à leur obligation d'informer loyalement leur mandant, il se borne ensuite, pour caractériser l'existence et apprécier l'étendue du préjudice causé par les manquements imputés au groupe Crédit lyonnais, à retenir que celui-ci n'a pas respecté ses obligations de banquier mandataire en s'abstenant de proposer au groupe X... le financement constitué par les prêts à recours limité consentis à certaines des sociétés cessionnaires ; que, la cour d'appel ayant ainsi retenu que cette abstention constituait la seule cause du préjudice dont elle accordait réparation, il ne peut lui être utilement reproché d'avoir relevé l'existence d'autres manquements qui ne constituent pas le soutien de sa décision ; que le moyen, inopérant, ne peut être accueilli ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi formé par le Crédit lyonnais :

Vu les articles 1134 et 1165 du code civil ;


Attendu que pour retenir la responsabilité du Crédit lyonnais, l'arrêt retient que, bien qu'il n'ait pas été signataire du mandat ni d'aucune des conventions souscrites avec les sociétés GBT, FIBT et BTF SA en décembre 1992, cet établissement, qui s'était activement impliqué dans la conception et l'exécution de ces accords, notamment en consentant et en organisant les financements nécessaires au montage imaginé avec les coacquéreurs des participations Adidas, et qui avait même accepté de rendre compte de son action devant la presse et la commission d'enquête parlementaire chargée d'analyser l'opération, était obligé par le mandat ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les mandataires liquidateurs, qui fondaient leur action sur des manquements aux articles 1116, 1134, 1596, 1991 et 1992 du code civil, avaient choisi d'agir sur le seul terrain contractuel, que les sociétés GBT, FIBT et BTF SA n'avaient traité, pour l'opération considérée, qu'avec la seule SDBO, personne morale distincte dont il n'était prétendu ni qu'elle aurait été fictive ni que son patrimoine se serait confondu avec celui de sa maison mère, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à faire apparaître que l'immixtion du Crédit lyonnais dans l'exécution du mandat délivré à sa filiale avait été de nature à créer pour les mandants une apparence trompeuse propre à leur permettre de croire légitimement que cet établissement était aussi leur cocontractant, ce dont elle aurait alors pu déduire que ce dernier était obligé par un mandat auquel il n'avait pas été partie, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le premier moyen du pourvoi formé par le CDR créances, pris en sa troisième branche, et le quatrième moyen du pourvoi formé par le Crédit lyonnais, pris en sa première branche, réunis :

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil ;


Attendu que pour retenir la responsabilité du CDR créances et du Crédit lyonnais, l'arrêt retient que le groupe Crédit lyonnais avait manqué à ses obligations de banquier mandataire en s'abstenant de proposer au groupe X... le financement constitué par les prêts à recours limité qu'il avait octroyés à certains des cessionnaires des participations litigieuses ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'entre pas dans la mission du mandataire de financer l'opération pour laquelle il s'entremet et que, hors le cas où il est tenu par un engagement antérieur, le banquier est toujours libre, sans avoir à justifier sa décision qui est discrétionnaire, de proposer ou de consentir un crédit quelle qu'en soit la forme, de s'abstenir ou de refuser de le faire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel :

Attendu que les mandataires liquidateurs demandent, dans le cas où une cassation serait prononcée sur l'un ou l'autre des pourvois principaux, de casser les dispositions de l'arrêt ayant limité la réparation du préjudice subi par le groupe X... au tiers du gain dont il avait été privé ;

Mais attendu que les termes de la cassation prononcée sur les pourvois principaux rendent le moyen sans objet ;

Et attendu que l'arrêt étant cassé en ce qu'il a retenu que les banques avaient commis une faute engageant leur responsabilité, il n'y a pas lieu de statuer sur les griefs critiquant l'appréciation du préjudice qui aurait été causé par cette faute ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement du chef des condamnations prononcées contre le CDR créances et le Crédit lyonnais, l'arrêt rendu le 30 septembre 2005,
entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société MJA et M. Z..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société CDR créances et de M. et Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du neuf octobre deux mille six.


Analyse
Publication : Bulletin 2006 A. P. N° 11 p. 27

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris , du 30 septembre 2005


Titrages et résumés :

1° MANDAT - Effets - Effets à l'égard des tiers - Conditions - Confusion des patrimoines - Caractérisation - Défaut - Portée.

1° Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui, pour retenir la responsabilité d'une banque, retient que cet établissement était obligé par le mandat conclu par sa filiale, sans caractériser cependant les éléments qui auraient permis d'établir que cette banque était obligée par un contrat auquel elle n'était pas partie, dès lors notamment qu'il n'était pas prétendu que la filiale en cause était une société fictive, que son patrimoine se serait confondu avec celui de sa maison mère ou que la banque se serait immiscée dans l'exécution du mandat délivré à sa filiale de façon à créer pour les mandants une apparence trompeuse propre à leur faire croire que cet établissement était aussi leur cocontractant.

1° MANDAT - Effets - Effets à l'égard des tiers - Conditions - Fictivité de la personne morale - Caractérisation - Défaut - Portée
1° MANDAT - Mandat apparent - Conditions - Apparence trompeuse de nature à générer une croyance légitime - Caractérisation - Défaut - Applications diverses
1° CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Effets - Effets à l'égard des tiers - Conditions - Fictivité de la personne morale - Caractérisation - Défaut - Portée
1° CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Effets - Effets à l'égard des tiers - Conditions - Confusion des patrimoines - Caractérisation - Défaut - Portée

2° BANQUE - Ouverture de crédit - Obligation (non).

2° Il n'entre pas dans la mission du mandataire de financer l'opération pour laquelle il s'entremet et, hors le cas où il est tenu par un engagement antérieur, le banquier mandataire est toujours libre, sans avoir à justifier sa décision qui est discrétionnaire, de proposer ou de consentir un crédit quelle qu'en soit la forme, de s'abstenir ou de refuser de le faire.

2° BANQUE - Responsabilité - Faute - Défaut - Applications diverses - Omission de proposer une ouverture de crédit
2° BANQUE - Responsabilité - Faute - Défaut - Applications diverses - Refus de consentir une ouverture de crédit
2° MANDAT - Mandataire - Obligations - Etendue - Limites - Détermination

Textes appliqués :
1° :
2° :
Code civil 1134, 1147
Code civil 1134, 1165

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